Riverside – Eye of the Soundscape

Quelques mois après le décès de leur membre fondateur et guitariste Piotr Grudzinski, les Polonais de Riverside ont décidé d'aller de l'avant et d'honorer la mémoire de leur ami. Avec ce Eye of the Soundscape, à l'artwork évocateur, Riverside propose une compilation sur deux CD des différents morceaux bonus enregistrés lors de leurs escapades en studio, et présents sur les versions double CD de leurs opus.

Pour les fans de Riverside, ces titres s'apparentent surtout à de longues plages atmosphériques, principalement instrumentales, plus proches de ce que Mariusz Duda (basse/chant) propose avec Lunatic Soul que de ce que l'on connaît sur les albums classiques de Riverside. Ainsi, sur cet album les Polonais s'éloignent du metal progressif, parfois torturé et violent (la trilogie Reality Dream en est un parfait exemple) pour proposer une autre facette de leur art.

Mélant habilement rythmiques électros avec des plages de claviers aux sonorités inventives, Riverside parvient à évoquer tour à tour Pink Floyd ou Porcupine Tree période Voyage 34. Si au premier abord, la guitare de Piotr semble reléguée au second plan, on prend finalement conscience de l'apport du défunt guitariste sur l'ensemble des pièces avec des textures sonores qui habillent subtilement les titres les plus planants ("Where the River Flows"), à l'aide d'arpèges cristallins, complétés à merveille par les plans de basse de Mariusz, tour à tour pesante, puissante ou entraînante. Le leader de la formation propose également quelques parties vocales bien amenées sur l'outro de "Where the River Flows".

Répartis sur deux CD, les titres présents sur cette compilation permettent également de voir l'évolution stylistique du quatuor tout au long de sa carrière. Les titres du second CD, principalement issus de l'édition limitée de Love, Fear and the Time Machine se veulent bien plus lumineux et positifs ("Heavenland", "Aether", "Promise") que ceux du premier volume bien plus sombres, notamment "Rapid Eye Movement" que l'on prend plaisir à redécouvrir à travers une version remixée, mettant particulièrement en avant le solo de guitare de Piotr. "Return" et "Promise" nous permettent également de redécouvrir son jeu acoustique, brillant et subtile, à l'image de la carrière de Riverside.

De même, les deux versions de "Night Sessions", présentes sur l'édition limitée de Shrine of New Generation Slaves, montrent une fois de plus un groupe plus apaisé qu'à ses débuts, notamment à travers des lignes de saxophones enivrantes qui collent parfaitement avec la personnalité du combo polonais.

Nous ne pouvons pas passer sous silence le titre qui clôt cet album, "Eye of the Soundscape". Plus atmosphérique que les précédentes propositions du quatuor, ce titre n'est qu'une succession de nappes et d'expérimentations de Michal Lapaj (clavier), sans aucune intervention de la basse de Mariusz ou des autres instruments.  L'audition de ce titre peut s'avérer longue et laborieuse pour les personnes réfractaires aux claviers, mais ce "Eye of the Soundscape" n'est en soi qu'un hommage direct du clavieriste au guitariste décédé récemment. Et c'est d'ailleurs comme cela que le morceau prend tout son sens et dévoile toute son émotion.

Ainsi, si ce Eye of the Soundscape n'est qu'une compilation des titres illustrant la facette la plus expérimentale de Riverside, le groupe nous prouve une fois de plus tout son talent pour composer des oeuvres prenantes et réussies. Et même si ces morceaux faisaient jadis office de bonus, Riverside nous montre qu'il n'y a rien à jeter dans sa discographie. Cet album rebutera les amateurs des sonorités plus agressives dans la carrière du combo, ainsi que les réfractaires aux claviers, l'instrument dominant totalement ces deux Cds. Mais avec cet album, Riverside réalise un très bel hommage à un guitariste brillant, parti bien trop tôt.

Photos promos : DR
Photographie live : © Nidhal Marzouk 2015
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