Metallica – Hardwired…to Self-Destruct


Dans la grande institution qu'est le metal, un seul groupe peut se vanter de pouvoir autant cristalliser les passions. D'un côté, un amour sans commune mesure, faisant une totale abstraction de certains albums et des polémiques entourant ce quatuor. De l'autre, un respect inévitable mais une rancune qui dure depuis une trahison nommée Load et une aversion toute particulière envers l'attitude "ultra mainstream" du dit quatuor. Trente ans après le mythique Master of Puppets, Metallica sort sa dixième production, Hardwired...to Self-Destruct. Rédemption tant espérée ou damnation confirmée, là encore il va falloir choisir.

Avant l'apocalypse...


Ces quatorze derniers mois ont constitué une période bénie pour les amateurs de thrash metal puisque chaque représentant du fameux Big Four a sorti un nouvel album et cela trente ans après leurs pièces maitresses (Among The Living, Reign In Blood, etc.). Dernier à fermer cette glorieuse  marche, Metallica débarque donc avec son dixième album: un Hardwired...to Self-Destruct repoussé jusqu'à plus soif, teasé à mort et d'ores et déjà markété jusqu'à la moelle.

Première grande question: comment aborder l'analyse de la chose? Comme un de ces vieux briscards ne jugeant que par les Mets pré-Black Album (ou Metallica, pour les gros puristes) ? Comme cette génération élevée à coup de "Load et Reload, c'est de la merde", "St. Anger ? Mais lol tu vas voir la batterie" ? Doit-on considérer qu'il n'y a plus rien à attendre ou bien au contraire entretenir cette lueur d'espoir ? Beaucoup de questions et d'angles d'approche, mais, à la fin de la première écoute, une seule conclusion. Celle qui se traduit par un petit sourire satisfait et un pied encore en train de battre la mesure...
 

Famine...


La principale interrogation reste bien évidemment "Qu'attendre de Metallica en 2016" ? Si le groupe n'a plus rien à prouver en matière de jeu de scène et de communication, il est encore et toujours attendu au tournant par les fans de tous âges espérant un retour aux sources synonyme de croix sur deux décennies pas forcément glorieuses musicalement. Quitte à briser la glace de suite autant le faire direct: Hardwired...to Self-Destruct n'a pas grand chose à voir avec St. Anger et Death Magnetic. Mieux encore, il incarne d'une certaine manière ce fameux "retour aux sources" tant espéré.

Mais quelles sources ? Ceux qui espéraient un Kill' Em All bis peuvent retourner pleurer... ou retenir leurs larmes et tendre leurs oreilles. En gros, si Hardwired...to Self-Destruct devait s'inscrire dans la discographie de Metallica, il pourrait trouver sa place dans la période Load et ReLoad, quitte à s'appeller "ReLoad Again", et serait sans aucun doute le meilleur des trois. Sur le papier, cette théorie ne peut qu'entretenir les inquiétudes et apporter une bien maigre consolation...

Conquête...
 

Mais c'est le jeu ma pauvre Lucette et il va falloir faire avec. Ouverture des plus efficaces, le désormais célèbre "Hardwired" s'impose comme un grand soulagement et envoie la sauce. D'entrée, on note les efforts de James Hetfield offrant ici un chant percutant aux timbres presque juvéniles (ramenant à ses débuts, donc) et sans chichi (qui a dit "The Day That Never Comes" ?). Couplé à un thrash metal simple et maîtrisé, cette première piste laisse donc imaginer des très bonnes choses à venir avec ces douze pistes s'étalant sur ce double album d'1h17. D'ailleurs qui dit "double album" dit "risques" et peu de formations ont réussi cet exercice.

Mais l'on peut tout de même se rassurer en se disant que cette compo n'avait pas été choisie au hasard pour offrir une première approche à ce Hardwired...to Self-Destruct. "Moth Into Flame" et "Atlas, Rise!" non plus d'ailleurs (elles arrivent très rapidement). Sans s'étendre des heures sur ces deux autres titres dévoilés (et donc écoutés plusieurs millions de fois), il convient de souligner à nouveau cette efficacité et cette simplicité dans la musique du groupe. Cela concerne également les soli de Kirk Hammett et plus particulièrement celui "Atlas, Rise!" où le guitariste délivre une mélodie franchement poignante et un brin rock'n'roll.

Vraiment, cette première approche instaure un sentiment de confiance et l'on est tenté de dire que les Four Horsemen ont été plutôt réglos et pourraient bien avoir envie de faire très plaisir à leurs fans...
 

Guerre...


Si Metallica semble donc solidement armé, il faut le dire tout de suite : le plus gros calibre a été gardé pour la fin avec "Spit Out The Bone", une énorme bombe, du thrash metal dans toute sa splendeur. Un riff ultra accrocheur, un Lars Ulrich qui s'éclate véritablement et fait exploser sa double grosse caisse, un James Hetfield enragé, un Kirk Hammet délivrant un solo à la mélodie ravageuse et un Rob Trujillo que l'on imagine, le biceps gonflé à bloc, suivant cette déferlante de plaisir. Une très grande composition que l'on verrait bien volontiers assurer l'ouverture ou la fermeture d'un show prochain. "Halo On Fire" (et ses huit minutes) s'affiche comme un melting pot très sympathique où se mêlent guitare sèche, mélodies épiques et sonorités modernes pour un résultat très convaincant. Autre piste tirant son épingle du jeu, "ManUNkind". Quoi qu'un peu trop gentille et "grand public", elle s'avère suffisamment efficace pour procurer un certain plaisir. 

À noter également l'excellente "Confusion", bon gros clin d'oeil à Kill'Em All, mais proposant également quelque chose de moderne. Un très bon mix entre le Metallica d'hier et celui d'aujourd'hui. Autre référence à l'âge d'or : "Here Comes Revenge" et son solo franchement poignant.

De bien belles choses composent Hardwired...to Self-Destruct. Certes, elle ne brillent en aucun cas par leur originalité (après tout c'est ce que tout le monde voulait, non?) et sentent pas mal le réchauffé, mais leur maîtrise et leur grande efficacité en font des compos très, très plaisantes et euphorisantes. Malheureusement dans une guerre il y a toujours des pertes...

 


 

Mort...
 

Hardwired...to Self-Destruct n'est pas sans défaut, loin de là. D'une part, il est trop long. "Hardwired" mis à part, aucune composition ne tombe en dessous de la barre des 5 min 50. Certes les merveilles "Spit Out The Bone" ou" Halo On Fire" sont bien maitrisées, mais d'autres se présentent comme lourdes, voire même de véritables purges. A commencer par la très linéaire  "Now That We're Dead", sorte de "Seek and Destroy" du pauvre aux accents garage rock et au refrain mielleux. Constat similaire avec "Murder One" dont l'intro rappelle automatiquement "Fade to Black". Là encore, une musique très redondante (mais appuyé par un Hetfield investi et hargneux, il faut le reconnaitre) qui rappelle (un peu) du St. Anger et surtout un solo peu inspiré et shreddé à mort pour un résultat franchement pompeux. On peut également citer "Am I Savage?" qui se démarque tout de même par un solo très rock et bien catchy. Evidemment, il n'est pas dit que certains ne trouvent par leur compte dans les morceaux cités précédemment. Mais tout de même, il y a parfois une odeur encore plus désagréable que celle du réchauffé : celle du remplissage.

Côté prod, il n'y a pas forcément grand chose à dire sur le son, même si quelque chose d'un peu plus "lourd" aurait été appréciable. C'est ce qui serait probablement arrivé si Trujillo n'était pas aussi en retrait et son talent si peu exploité, surtout quand on connaît le niveau du bonhomme. Si certains le verraient désormais plus derrière le comptoir d'une boulangerie qu'une guitare, Kirk Hammet fait le boulot et le fait bien avec quelques soli tantôt speed tantôt aux saveurs blusy. James Hetfield montre, encore une fois, une très bonne volonté et n'en fait jamais trop. Et le meilleur pour la fin : Lars Ulrich ne montre que très peu d'inspiration dans son jeu de batterie et les breaks sont quasi-inexistant. Au moins, il est carré et tient la cadence imposée par certains passages.

Tout cela donne un résultat assez équilibré où la maitrise et l'efficacité prennent le pas sur l'originalité et la technique.


 

Bienvenue au purgatoire!


L'heure du verdict a donc sonné: Metallica doit-il retourner dans les fins fonds de l'enfer ou bien a-t-il gagné sa place au paradis ?

Hardwired...to Self-Destruct est le meilleur album de Metallica sorti lors du siècle numéro 21 et un bon album de metal avec des gros morceaux de thrash dedans. Il laisse entrevoir de très belles choses. À court terme tout d'abord, car il est évident que cette dixième galette prendra toute son ampleur lors des concerts à venir. Quant au long terme, rien n'étant écrit, pourquoi ne pas se dire que les Américains sont sur la bonne voie et qu'ils peuvent se permettre de l'exploiter en restant prudent ?

Prudent mais pas gourmand. Si Metallica avait laissé un peu ses ambitions de côté et fait abstraction de quelques morceaux, alors Hardwired...to Self-Destruct serait un album vraiment bien équilibré, qui ne s'essoufflerait et qui aurait été un véritable cadeau pour les fans du groupe et de thrash metal.

Bref, la qualité de cet album devrait être perceptible vendredi 18 novembre au soir lorsque, dans les bars rock, fuseront les "Mec, le nouveau Metallica, il est quand même pas mal".

Et ça, ça fait quand même plaisir.

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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