Stigmhate – The Sun Collapse

Album sorti ce lundi 26 mars 2012

Blam!  Comme la bastos du fusil de Jon Nödtveidt ou de Dead...  Ce brûlot blasphématoire et dénué de toute humanité est expéditif et il déboule sous les effluves de la poudre et du soufre (ne cherchez pas ici l'intro orchestrale fantomatique gentillette, il n'y en a pas... ne cherchez d'ailleurs pas les claviers non plus!), avant de faire "gentiment" son œuvre, ses dégâts destructeurs et d'annihilation, avec l'arrogante assurance d'une sagesse éclairée, sans autre forme de procès et sans aucun échappatoire.
 

Guitares rythmiques abrasives tout en aller-retours hypnotiques, leads infernales en tremolo-picking, batterie frénétique tel un Marteau des Enfers, dissonances malsaines, screaming déchirant tout du long et incantations doublées à  deux voix dans les moments-clés, et pour parachever cet inventaire de Lord Prévert, aucun moment de répit au sein de ce purgatoire musical d'où toute trace humaine aurait été éradiquée... Bref, Stigmhate s'inscrirait dans la droite lignée "black brutal-mélodique" de ses fiers prédécesseurs Dark Funeral et autres Setherial, ses compatriotes suédois... quoi, comment ça, non?...

Ah, attendez, on me souffle dans l'oreillette que le groupe dont l'on cause présentement est en réalité ... italien ! Sacré mimétisme au premier abord donc, tant ce The Sun Collapse sorti chez Bakerteam Records nous renvoie directement aux grandes œuvres du "Swedish Black Metal" dans ce qu'il a de plus sulfureux, à l'instar des infâmes Hell Eternal et autres Secrets of the Black Arts ou Vobiscum Satanas.

Pourtant, il serait réducteur de s'arrêter à ce descriptif. Cet album est certes le plus dévastateur de tous les opus des Transalpins, qui en avaient auparavant réalisé deux autres depuis leur formation en 1998, les guitaristes menant pour la petite histoire une autre carrière en parallèle avec un groupe de black mélodique au statut plus confidentiel encore, Sin of Redemption, d'obédience davantage 'gothique'.

Si l'intensité ne faiblit donc jamais et que Stigmhate n'a aucunement recours ici à quelque artifice que ce soit pour édulcorer sa musique, le groupe se permet  tout de même d'introduire de nombreuses trouvailles qui cassent la linéarité de ce disque par ailleurs parfaitement homogène. En effet, même si les deux morceaux introducteurs (dont ce "Charon" que je vous laisse vous prendre dans les oreilles en bas de page...) ne laissent à l'auditeur aucun moment pour souffler, le judicieux "Gathered of Isolation" qui leur succède nous montre que les Italiens savent réellement prendre le temps de construire un titre, en s'appuyant sur un mid-tempo pesant et oppressant (où la basse révèle alors toute sa rondeur, et la batterie tout son feeling) et des riffs, mélodies et harmonies plus subtils et moins perceptibles en marge des envolées de 'blasts' dans lesquelles ils excellent également.

"Architects of Fate" et "Plenary Repulsion" dévoilent quant à eux vers leur milieu et par intermittences de bien belles progressions d'accords dans un palm-mute bien tranchant, comme si le black-métal le plus malsain se combinait avec la lourdeur des titres les plus lents de Slayer. Et toujours dans tous les cas ces dissonances parfaitement à leur place... Cassures, ralentissements et coupures/reprises sont également au programme et l'on se "mange" ça avec plaisir!

 

STIGMHATE band + logo

"In the Last Wake", pour sa part, recèle sur son intro par ailleurs virulente des lamentations d'une guitare en son clair dans l'esprit de Dissection ou de Lord Belial, ainsi que des changements d'accords (une constante d'ailleurs dans cet album où l'on ne s'attend pas forcément à la prochaine tonalité que l'on va entendre -un très bon point pour eux-, et cette inventivité -surtout sur les passages plus accrocheurs et "conquérants"- nous renverrait plutôt aux vieux Satyricon de The Shadowthrone ou de Nemesis Divina...) ou d'attaques de médiators et autres techniques de mains droites, plutôt surprenants tout du long et dans le bon sens du terme s'entend!

Toutes ces incartades hors des sentiers battus du black métal originel, tantôt vers le 'death', tantôt vers le 'thrash' ou le 'heavy' (sans jamais endosser le côté "récréatif" qu'ont majoritairement revêtu ces genres aujourd'hui), tout cela tend à rattacher Stigmhate à la scène actuelle des Naglfar, Belphegor voire Watain - mais avec une filiation à Dissection moins clairement affichée tout de même que ces derniers. Toutefois, la démarche semble ici plus sincère et authentiquement véhémente -sans aucun compromis- que les groupes précités (hormis le gang de Nödtveidt qui reste un cas d'école), plus proche pour le coup de l'inexorabilité d'un bon Gorgoroth (la voix -bien moins rocailleuse que par le passé- ne serait d'ailleurs pas sans évoquer celle d'un Pest encore plus "possédé"!). La dimension 'rituelle', elle, peut en outre rappeler la droite orthodoxie des derniers Enthroned.

La production n'est par ailleurs pas étrangère au rendu tout "vindicatif" de ce Sun Collapse : de loin leur meilleure à ce jour et surtout la plus 'mature'. En effet, Stigmhate n'a pas cherché à brouiller les pistes ou à faire du cache-misère en adoptant un son 'necro', au contraire le rendu est à la fois rugueux et très propre, et met bien en avant la densité des guitares -qui vient créer ce gros mur-de-son "atmosphérique" caractéristique-, mais de façon surprenante (si l'on se rappelle les autres productions du genre) il en est de même pour la batterie -bien plus convaincante que naguère chez eux-, même si elle reste un peu en retrait par rapport au côté plus "percussif" du black brutal norvégien (on est pas chez Mayhem, non plus!!...)

Le mixage est donc juste adéquat, la répartition des instruments bien équilibrée pour le type de musique recherchée, et la dynamique et la puissance de feu se voit encore plus renforcées par un mastering aux Hertz Studios en Pologne, par lesquels sont  déjà passés Vader et Behemoth (qui en sont devenus des clients réguliers), tout comme ... nos Frenchies d'Idensity, de Livarkahil ou encore de Kronos!

 

STIGMHATE live

Pour en revenir aux variantes évoquées plus haut, notons qu'elles prennent également parfois la forme de passages plus mélancoliques (même si on est évidemment -et heureusement- encore loin de leurs compatriotes de Forgotten Tomb), en témoigne le point d'orgue de l'album, ce "Luce" (que l'on aurait juste souhaité un poil plus long encore, tant on sait se montrer étrangement masochiste dans ces cas-là!...) qui vient porter l'estocade et anéantir tout espoir de "rédemption" ou de "salut" qui aurait pu encore subsister à l'issue de l'écoute de The Sun Collapse.
Le déclin de l'humanité achève ici son cycle, et le groupe nous ouvre les yeux à cette nouvelle lumière, parvenant à véhiculer tout autant les notions de fatalité et de désolation engendrées qu'un sens aigu d'accomplissement et de célébration de cette victoire finale. Tout autant "doom" (avec des tonalités que n'aurait point renié un Varg Vikerness jadis...) que "black épique" triomphant, ce morceau à lui seul prouve que les Italiens n'ont pas leur pareil pour délivrer une musique contrastée.

La lumière solaire (symbole ô combien précieux du zénith pour la plénitude humaine et son cosmos environnant), et toute forme de manifestation divine se sont donc effectivement vus choir à l'issue de cette œuvre magistrale de bout en bout (9 titres pour seulement 35 minutes de musique, au moins pas de remplissage mais il est vrai que l'on aurait parfois aimé que ces titres soient développés plus longuement encore) - admirablement exécutée à défaut d'être révolutionnaire (ce qu'on ne demande d'ailleurs pas au black-métal à partir du moment où il est authentique et sincère) ... Ultime effondrement donc avant de faire place à la Lumière de Lucifer -les Stigmhate ont compris qu'ils devaient se prendre en main afin de trouver leur propre voie, s'éloignant de la corruption de toute voix extérieure- , nous annonçant la fin d'une humanité que l'on pensait moins prompte à scier jusqu'au bout la branche sur laquelle elle était assise, et à engendrer par là-même sa propre déchéance. Et tout cela est "extrêmement" bien vu et bien fait...

LeBoucherSlave

8/10

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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