Dreamcatcher – Emerging from the Shadows

C'est l'histoire de cinq mecs dont l'osmose est tellement parfaite qu'ils communiquent littéralement par "télépathie". Se retrouvant un jour tous ensemble dans les forêts du Maine pour une partie de chasse, ils sont surpris par un blizzard qui cache une mystérieuse force maléfique. Et ensuite..... heu, non, attendez, je crois que je confonds un peu, là. Il va falloir sérieusement songer à arrêter les soirées DVD "merdiques" entre potes...

Reprenons donc, ce Dreamcatcher-là est français (à ne pas confondre donc avec leurs homonymes d'un peu partout, et notamment les progueux canadiens qui ont heureusement depuis changé de nom!...) et pratique depuis une dizaine d'années un heavy-métal des plus traditionnels sous la houlette de son chanteur et membre fondateur Chris Garrel (vétéran de la scène parisienne et ex-Dreadline). Les galères liées à l'histoire de tout groupe de ce genre (à quelques rares exceptions près) font que le line-up ne se sera stabilisé qu'en 2008 et que la formation n'avait enregistré jusqu'alors qu'un EP éponyme et autoproduit en 2006.

Toutefois, je pourrais tout à fait garder l'entame de cette chro (ouf, ça m’arrange...), car le moins que l'on puisse dire c'est que les 5 zicos aujourd'hui en place sont sur la même longueur d'onde et communi(qu)ent entre eux comme personne. Et savent qui plus est communiquer avec bonheur leur passion et leur enthousiasme. C'est ce qu'ils parviennent notamment à retranscrire sur ce premier album judicieusement appelé Emerging from the Shadows qui, bénéficiant d'une signature et d'une sortie le mois dernier sur le label français Brennus, devrait effectivement enfin exposer à la lumière toute l'étendue de leur talent, même s'il reste quelques petites choses à corriger si l'on veut continuer de "s'accrocher à ses rêves"...

 

Dreamcatcher official band pic

Avant toute chose, je dois dire que c'est toujours une bien agréable surprise de voir un groupe de chez nous s'adonner à ce registre aujourd’hui quelque peu tombé en désuétude qu'est le bon vieux heavy métal respectueux des origines (à l'instar des talentueux Elvenstorm tout récemment ou bien  des plus 'thrasheux' Kryzalid hier), sachant qu'un bon nombre de formations - en dépit de leurs aspirations initiales et de leurs goûts personnels véritables - ne choisissent parfois d'autres styles musicaux que par mode ou par défaut (même si chut !... faut pas le dire…). Il est vrai qu'aussi "simple" puisse paraître (à tort) ce type de musique, il s'agit au final de l'un des rares où le "cache-misère" n'a pas droit de cité, où l'on ne peut pas cacher ses lacunes derrière une prod' dégueulasse, des blast-beats pour faire de l’épate ou un ‘growl’ bien massif dont un ado pourra s’approprier la technique avec un peu d’entraînement, le tout pour faire passer la médiocrité du reste.


En cela, pas de problème, les Français nous offrent sur ce Emerging from the Shadows une musique rigoureuse et appliquée, associée à une prod’ claire, nette, sans bavure et ... puissante? Hmmm… oui si l’on considère que le Alice in Hell ou le Never, Neverland d’Annihilator le sont encore quand on les réécoute aujourd’hui… Car c’est plutôt dans ce sens qu’il faut l’entendre (mais dans une mouture plus 'light' quand même) : davantage qu’en termes de « gros son » (on est ici bien loin du compte, surtout au niveau des rythmiques au grain un peu 'crunchy' manquant un peu de définition), c’est plutôt la conviction du chant alliée à l’envie d’en découdre des guitaristes (et du bassiste qui fait bien claquer et "galoper" ses cordes!) qui donne à ce disque ce côté aussi rentre-dedans et expéditif. Dommage qu’il n’ait pas hérité en revanche d’un son de batterie plus convaincant, ce qui fait perdre un peu d’impact à l’ensemble, d'autant qu'il manque également un peu d'inventivité et de force de frappe là-dedans, on aurait préféré la fougue d'un authentique "marteleur de peaux", même si le jeu (notamment à la double) reste encore une fois très appliqué ... trop peut-être ? Un peu plus de décontraction ainsi que d'expérience de studio et ce petit défaut devrait être corrigé très rapidement!...

Dans ce type de répertoire qu’affectionne donc Dreamcatcher, il faut déjà également de sacrés bagages et une culture musicale qui va avec, qui ne sauraient être ceux d’un nouveau venu uniquement initié à la scène métallique avec des Dragonforce, Trivium ou Sabaton. Et ça tombe bien car nos Messieurs ont déjà de la bouteille et, comme ils le revendiquent eux-mêmes avec fierté, ils ont plutôt fait leurs gammes sur les vieux Megadeth, Iron Maiden et autres Iced Earth ! On en appréciera ainsi "l'héritage" : ce soin apporté à l’écriture de vraies ‘chansons’, de refrains accrocheurs ("Trust No 1" ou les très bons chorus Maiden-like sur "Into the Light" et "No Way Out") ainsi que ce sens du 'riffing' et des mélodies efficaces et pas simplement de la démonstration de virtuosité sans grand intérêt.

 

Dreamcatcher live

Tout n’est cependant pas irréprochable. L'attaque de guitare mélodique qui vient agrémenter le délicat piano sur ce "The Soul Can’t Rest" introducteur (où l’on retrouve d’ailleurs en  "guest"  le corbeau de la pochette dans les premières secondes) est bien trop bavarde, criarde et démonstrative justement (sans pour autant que ça ‘shredde’ à tout va, mais les montées de gammes et autres 'effets de manche' sonnent un peu "scolaires" pour vous dire), de sorte que l’esprit de l’auditeur (on n'ira pas jusqu'à parler de son âme…) ne peut effectivement pas se reposer et en savourer l'écoute, ce genre d’intervention ayant certainement davantage d’impact en concert que posé ainsi sur une galette (ça vaut mieux que l’inverse, me diront les plus dégueulasses…). Reste que c’était un peu ça l’esprit des 80’s, avec beaucoup de ‘leads’ disséminés un peu partout sur les disques…
Ça ne gâche heureusement pas la suite de l'album, d'ailleurs, le jeu des guitares demeurant clairement LE point fort de ce Emerging from the Shadows : mordant, fin, incisif et inspiré. Évidemment, il ne faut pas l'inscrire dans la tendance actuelle de la modernité mais bien dans un jeu « à l'ancienne », des accords plaqués conquérants dignes de la bande à Steve Harris mêlés à un traitement rythmique plus haché plutôt caractéristique du gang de Jon Schaffer ou celui d'un certain MegaDave du temps jadis...

Ne boudons pas notre plaisir, ce coup d'œil dans le rétro nous réserve son lot de moments de grande nostalgie : cette passe d'armes guitaristique sur le pont et le final de "Into the Light" (titre qui évoque également les vieux Helloween...) vous tirera peut-être une petite larme de bonheur en vous évoquant celles naguère de la paire Dave Murray/Adrian Smith, voire même d'avec Dennis Stratton sur le premier essai de la 'Vierge de Fer'... (c'est ce genre d'interventions qui aurait sublimé cette vilaine introduction dont nous parlions plus haut!...)

Vocalement, on reste dans la même faille spatio-temporelle, avec toutefois cette vilaine impression que le chanteur Chris Garrel a effectivement lui aussi fait ses armes en écoutant et en reprenant du Maiden (l'homme est d'ailleurs très actif sur le forum français de ses derniers, dont il est l'un des piliers fondateurs), mais avec une approche que l’on imagine tenir davantage d’une assimilation forcée qu’il aura obtenue à l’écoute répétée à l'obsession du The Number of the Beast jusqu’à en choper les moindres modulations et tics vocaux du Dickinson de l’époque plutôt que d’une acquisition progressive sous influence. Ce qui fait une grande différence… On aura donc tout du long cette sensation parfois désagréable que le vocaliste « singe », forçant un peu le trait tel un Nicolas Canteloup du métal, allant parfois piocher également chez Mustaine (quelques envolées heavy/thrash s'y prêtent d'ailleurs bien, cf "I Will Spit On Your Grave" qui tourne sur nos ondes...), rappelant  aussi tantôt Geoff Tate de Queensryche dans ses montées, tantôt le Mike Patton de la grande époque Faith No More dans ses "manières", exagérant systématiquement le phrasé « à l’américaine », ou à l’inverse les intonations « so british » de Bruce, sans jamais parvenir à nous faire oublier que c’est un Français qui essaie tant bien que mal de nous les offrir.

Le plus paradoxal là-dedans, c’est que c’est cette facette-là du chant et de la personnalité de leur ‘frontman’ qui pourrait en définitive donner à Dreamcatcher un peu de la « patte » et l’identité qu’il leur manque encore, notamment sur scène où l’exubérance de Garrel pourrait peut-être faire toute la différence avec encore un peu de travail (et il pourrait au passage la communiquer à ces compagnons encore un peu trop en retenue...). Un mot également sur les chœurs, bien pensés et judicieusement placés mais encore une fois pas toujours exécutés à la perfection, ce qui leur retire un chouilla de majesté nécessaire.

Dans l'ensemble, on est donc partagé entre la sympathie, pour la gnaque et la bonne humeur contagieuse du chanteur, et l'irritation tout de même, car dans son registre très "nasal" (qui pourra en agacer certains) les envolées semblent parfois mal assurées - comme s'il plaçait la barre un peu trop haute pour lui-  allant même jusqu'à sonner comme entre deux tons par endroits.

 

Dreamcatcher live pic

En définitive, là où cet album pêche quelque peu, vous connaissez tous l’adage : il ne suffit pas de ressembler à une certaine société de crédit pour faire du….bla-bla-bla (je rajoute "balancer ma télé" à la liste des choses utiles à faire de la journée!), et donc malgré la bonne volonté affichée et communicative de nos Frenchies, on attendra des titres quand même plus mémorables voire vraiment imparables pour la prochaine fois. Développer peut-être la facette "progressive" de leur musique qu'ils ne font hélas qu'effleurer ici sur des "The Soul Can't Rest", "People of Darkness" ou "Fire and Ice" (entendons-nous bien, on parle ici d'une veine progressive davantage dans la lignée de Queensryche et de Savatage que de Crimson Glory ou Symphony X, hein!...) ou bien plus celle plus "épique" (certes appliquée « juste ce qu'il faut » ici...), autant de voies encore à explorer pour pouvoir délivrer une œuvre plus riche et aboutie à l'avenir, et pleinement convaincre.

Même si les Dreamcatcher semblent, eux, avoir suffisamment d’assurance et confiance en leurs compos (on retrouve ainsi les quatre titres de l'EP précédent réenregistrés pour l'occasion) pour se permettre en outre de proposer deux versions du très bon titre il est vrai "How Much I Miss You" (assurément deux moments de l'album vraiment marquants cette fois, où Garrel maîtrise bien mieux sa voix ainsi canalisée, tout comme son interprétation - malgré un accent anglais toujours à la ramasse) : d’abord une version « power-ballade » donc, débutant calmement, à mi-chemin entre les ballades d’Aerosmith et celles un peu 'grunge-like' de Nickelback ou de Soundgarden, avec également un soupçon du "Consequences" d’Iced Earth, avant de s’emporter dans la même veine que ces derniers et dans un beau tourbillon de solos - très bon travail d'écriture là-dessous ! Puis en fin de disque, une version entièrement acoustique et plus recueillie et poignante encore, où les plus vieux d'entre nous auront envie de ressortir les briquets.

Un tel "culot" dans ce contexte ou bien une telle force de conviction, va savoir (auront-ils également été inspirés par l’initiative similaire d’Iced Earth pour le titre "When the Eagle Cries" sur la version limitée du The Glorious Burden?), cela force en tout cas le respect de la part d'un groupe encore 'underground' et tend à montrer également que le talent du 'songwriting' (dont ils ont clairement le potentiel) pourrait vraiment faire la différence la prochaine fois, ajouté à un relâchement entièrement débridé, sans entrave cette fois...

Pour preuve, la folie du pont rehaussé de solos d’ "I Will Spit On Your Grave" (encore lui!) viendrait presque nous rappeler la démesure d’un Mercyful Fate (!), et l'on en regrette d'autant plus que ce genre de déchaînement ne jaillisse que de manière trop sporadique sur un disque par ailleurs un peu trop "poli" et encore trop en retenue.

On attend donc à l'avenir que nos Dreamcatcher mettent un peu de nitroglycérine dans leur mécanique (trop?) bien huilée, et corrigent encore ces quelques défauts avant de pouvoir prétendre passer à la division supérieure. Reste un album homogène (certes un poil linéaire peut-être), bien pensé (cette fin un peu abrupte mais qui, reprenant le thème de piano du début, donne envie de se repasser l'album du début, procédé plutôt ingénieux!...), et qui s'écoute donc agréablement passées les quelques réserves initiales.

 

LeBoucherSlave


6,5/10
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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