Kontrust – Second Hand Wonderland

Kicékidi que le metal tourne en rond et peine à se renouveler ?

Bon, d'accord, on ne peut nier que parfois, voir souvent, ce n'est pas faux, et que certaines recettes ont tendance à sérieusement se répéter et à se ressembler, parfois frôlant le plagiat éhonté et les maladresses. C'est bien dommage, mais après tout, pour se proclamer original de nos jours dans notre style préféré, il faut vraiment apporter un petit quelque chose de novateur. Heureusement, les mauvaises langues auront du mal à formuler des reproches sur ce point à des formations qui, elles, brisent préjugés et conventions. On retrouve Diablo Swing Orchestra ou Ram-Zet. Et eux, ils font les choses très bien, se sont gagnés une petite réputation (mais encore trop petite …) et deviennent pour d'autres des exemples à suivre. Bref, trouver des groupes qui sortent du lot sur ce plan-là, c'est possible !

Et Napalm Records vient nous apporter un autre, qu'ils sont gentils. Kontrust, ça s'appelle, et même qu'ils se définissent comme du crosscover, ce qui à première vue semble être intéressant. Deux voix, une masculine et une féminine tenue par une ravissante chanteuse en provenance de Pologne, alors que le sextet, lui, est d'Autriche. Sauf que si tout ce qui était avant-gardiste et original sentait la qualité à plein nez, ça se saurait. Et ce n'est pas toujours le cas. On sait très bien que, parfois, se forcer à vouloir être révolutionnaire à tout prix mène également à des bouillies indigestes et puantes qui n'ont qu'un intérêt finalement très limité. C'est un travers qu'il va falloir éviter si nos charmants petits amis du jour veulent vraiment se faire une place au soleil, avec ce brûlot, Second Hand Wonderland.

Comment est composée la musique de Kontrust ? Rien de plus simple : sur une base résolument metal, ajoutez-y les ingrédients les plus fous. Apposez donc des passages typés très reggae, avec un soupçon de pop et d'electro (deux éléments qui font presque entièrement le titre « Raise Me Up »), de la dance, un peu d'indus et de riffs lorgnant un peu plus sur le heavy, et ce n'est pas tout, mais il serait dommage de tout vous lister, découvrez toute leur magie par vous-même. Donc, pour résumer un petit peu, c'est un joyeux bordel, un melting-pot de styles qui, à première vue, peuvent sembler absolument antinomiques, le genre de mariage interdit qui peut ruiner soit la musique en elle-même, soit la réputation du combo, trop ouvert au goût de certains, et l'éclectisme dans le metal, c'est maaaaal. Ah oui, on oublie une partie très importante de la musique de Kontrust : du yodel. Pardonnez-les, ils sont autrichiens, ils étaient obligés. Mais c'est qu'en plus, avec ces bougres-là, ça rend très bien. Et ce même si avec l'introduction de « Sock'n'Doll », on a l'impression d'entendre une partie du générique du dessin animé Heidi.

Chose plus étonnante, et joyeuse également, ils maîtrisent le tout avec un certain succès, et ce n'est pas cet exercice de mixage des genres qui leur donnera du fil à retordre, bien au contraire, c'est de là qu'ils tirent toute leur force et leur saveur délicieuse. Kontrust propose dans son ensemble des morceaux très courts et plutôt directs, avec une structure souvent plutôt similaire, ce qui à la longue pourra donner une légère impression de redondance en dépit de tout l'aspect décalé et déjanté dont ils font preuve du début à la fin. Pour donner une idée, deux titres uniquement dépassent les 4 minutes, ce qui n'est pas beaucoup, mais ce terrain de jeu réduit nous balance une avalanche de petits hymnes vraiment sympathiques et sans prise de tête, et bien sûr, tout cela permet d'éviter les longs morceaux dans lesquels certains combos se perdent. Là où Unexpect peut sembler trop lourd à certaines âmes sensibles, Kontrust se propose comme une belle alternative, un peu à l'instar d'un Pin-Up Went Down également, même si le délire n'est pas non plus complètement le même. Mais il est bon de voir qu'ils savent où ils vont, que tout est carré mais sans jamais perdre une once de spontanéité, ni une occasion de se lâcher et d'allier subtilement metal et fun. On peut donc avoir la sensation de répétitions, mais jamais d'ennui, car tout se laisse écouter très facilement, du moins, pour les oreilles les moins sensibles, certains trouveront que tant de mixité est trop choquant, contre-nature, etc etc.

Par ailleurs, ils cultivent vraiment l'art du refrain ces petits autrichiens. Entre des riffs percutants qui peuvent faire place à une partie plus dance, un chant féminin caméléon et ces breaks reggae ou neo metal, on arrive à quelque chose qui se mémorise assez aisément, mais une fois le refrain arrivé, difficile de l'enlever de votre tête. Et ce n'est pas « Sock'n'Doll », « Monkey Boy », « Bad Betrayer » ou « Hocus Pocus » qui feront dire l'inverse tant ils sont tubesques, cinglés, mais jouissif comme ce n'est pas permis. De plus, si, dans un sens, une certaine ouverture d'esprit est nécessaire pour pouvoir adhérer pleinement à leur univers foufou, ce groupe pourrait paradoxalement ouvrir une porte d'accès au petit monde du metal à certains non-initiés tant on retrouve aussi une réelle facilité d'accès et une simplicité enviable. Ils font l'effort de nous prouver qu'il est possible de ne pas se prendre au sérieux tout en faisant de la musique sérieusement, et efficacement qui plus est ! Le manuel « le metal pour les nuls » n'a pas lieu d'être avec un Kontrust qui mène sa barque avec une aisance presque impressionnante.

Signature sur Napalm Records oblige, la production est soignée aux petits oignons. Le défi était maintenant de trouver un mixage de qualité qui permettrait de rendre justice à la fois à la partie metal, aux voix, mais aussi aux autres genres. Et c'est gagné. Le chant est en avant, mais pas de trop non plus, tout juste ce qu'il faut pour ne pas écraser les instruments, les ambiances, les quelques percussions qui apparaissent, bref, beaucoup de choses. Et même les éléments plus en retrait, comme le chant yodel de la belle Agata sur le refrain de « Sock'n'Doll », que l'on retrouvera plus en avant vers la fin du titre. Force est de constater qu'une autre qualité s'ajoute à leur arc, qui, pourtant, est déjà rempli de cordes : un professionnalisme à l'épreuve des chocs. Aucun reproche d'amateurisme n'est à leur adresser, et c'est une joie de pouvoir constater qu'ils savent y faire sur tant de points. Après tout, le fond est soigné, mais la forme est cruciale elle aussi. Ils ont compris que cet aspect est à blinder, et s'y sont donnés à cœur joie. En plus, le plaisir n'en devient que plus grand, et la fête peut ainsi durer de très, très longues heures.

Kontrust

Au royaume des fous, Kontrust règne.
 

Le mélange des voix est assuré par la séduisante (mais on l'aura compris) Agata Jarosz, et le chanteur Stefan Lichtenberger. Pour donner quelques idées, c'est comme si, dans un même groupe déjanté et fou à lier, vous organisiez les retrouvailles entre le chanteur de Skindred et la chanteuse de Guano Apes et qu'ils soient collés derrière le micro comme animateurs d'une fête foraine folle. Ce n'est pas merveilleux, non ? En clair, le chant masculin est lui reggae, ce qui rebutera peut-être aux premiers abords (on s'y habitue très vite), et la femme, elle, à un chant plus pop, de temps en temps typé rock, mais compte tout comme la musique sur une versatilité qui fait mouche tout de suite. La demoiselle sait aussi se faire plus énervée, et montre comment elle y met les crocs parfois, sur « Sock'n'Doll » par exemple. Enfin c'est pas non plus une furie, mais quand même, elle sait changer son registre quand elle le souhaite, pour le bien de la musique, car Agata chante très bien, même si bien sûr, comme la musique, elle en rebutera certains. Ce n'est pas une voix lyrique comme Diablo Swing Orchestra ou un timbre chaleureux comme Ram-Zet. Mais on appréciera ce que l'on entend, car elle colle judicieusement à ce que propose Kontrust, tout comme l'homme, et leur dualité ne lassera pas. Vraiment pas. Et même s'ils sont plus gentils sur « Raise Me Up » ou « The Butterfly Defect », que la chanteuse prend un vocabulaire typé rnb sur « Bad Betrayer » ou que des chœurs masculins presque growlés viennent s'imposer sur les grosses grattes de « Sock'n'Doll » pendant les « lalalayihou » d'Agata, tout est convaincant.

Avec Kontrust, on oscille entre le très bon et l'excellent, deux morceaux mis à part. Commençons par les plus dispensables : « Raise Me Up » n'est pas franchement excitante et presque poussive, et ne laissera pas un souvenir impérissable. Quant à « Police », elle n'est pas mauvaise non plus, mais n'apporte pas grand chose, et on aurait souhaité une fin qui ne nous laisserait pas sur notre … faim. Mais on va rattraper tout cela avec un « Sock'n'Doll » qui est un single parfait, avec en guise un clip vraiment déluré. Le regarder, c'est l'adopter. Et puis, ce mélange neo metal reggae pop yodel electro, il fonctionne très bien. Même si Stefan est plus présent qu'Agata et que la tendance se renversera généralement dans le reste de l'opus, les voix sont complémentaires. « Monkey Boy » amorce une montée en puissance lentement mais sûrement, pour arriver sur un refrain mélangeant dance, pop et metal. Et surtout des paroles qui conviennent bien à Kontrust :

« Monkey Boy, I like your magic toy, this is my greatest joy – it makes me uahaha uaha ».

Tout un programme, donc. « Hey DJ! » nous balance un mix entre electro et metal subtilement négocié, où Agata se montre plus agressive sur un refrain drôle et décalé : « Don't play me a punk song » qu'elle dit, c'est loupé car on en retrouverait presque des traces. « Rasputin » est martiale, et non, c'est pas une cover comme celle de Turisas, mais bien du made in Kontrust. Et un excellent titre, au passage, où l'on rigolera bien, le sujet étant les russes (si vous nous lisez, en Russie, on vous aime quand même, et on était pour vous à l'Eurovision). Tout cela tempéré par « Bad Betrayer », titre plutôt calme, mais prenant tout de même. Section rythmique en retrait, le travail est majoritairement porté par le chant. Mais il serait criminel de ne pas mentionner les deux meilleurs pistes d'une galette savoureuse : « Falling » et « Hocus Pocus ». L'intro de la première est barrée, amusante, puis on repart sur le calme. Et bing arrive un refrain imparable comme savent le faire nos amis autrichiens, qui balance les grattes mais également ce chant féminin tout à fait ravissant. Et on aime, on adore, on adhère, et on écoute encore une fois. Surtout les petits chœurs mignons d'Agata à la fin du refrain. Enfin, la seconde commence par un cirque et le sujet, c'est un peu la magie. Alors que nous sommes totalement sous le charme de la jolie polonaise qui est devenue plus sensuelle que jamais, c'est pour mieux nous attraper dans ce piège à base de « lalalalalalala », sur un refrain pop-metal du plus bel effet. Ils sont malins.

Kontrust nous fait là un coup de maître avec son troisième opus. Second Hand Wonderland est frais, efficace, barré sans l'être de trop et partir inutilement dans tous les sens, c'est un peu des doux dingues. Mais quel plaisir, quel régal, une petite pause récréative qui ne vous quittera pas de si tôt. Soutenez-les et n'hésitez pas à vous procurer ce petit bijou, un achat conseillé, certifié et que vous ne regretterez pas. Et puis rien que pour avoir osé mélanger yodel, reggae et metal, ils méritent bien toute votre sympathie, pas vrai ? Une preuve que même dans le metal, on sait aussi avec un esprit plus ouvert. Et le mot de la fin sera : UAHAHA UAHA !

Note finale : 8,5/10
 

close

Ne perdez pas un instant

Soyez le premier à être au courant des actus de La Grosse Radio

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...