Dreaming Dead – Midnightmares

Sweet dreams...

(NB: toute ressemblance avec des personnes, oeuvres ou situations existantes ne serait que purement fortuite?)

  (...)  Elle se réveilla en sursaut. Avait-elle crié? Dans la chambre régnaient encore les ténèbres. Pas un seul trait de lumière ne filtrait à travers les volets en sapin, pas même la moindre lueur d'une Lune bien timide en qui elle aurait pourtant aimé trouver un réconfort. Elizabeth se tourna vers la table de nuit encombrée de boîtes de pilules et de 'flyers' chiffonnés. Les chiffres filiformes et rougeoyants du réveil indiquaient 0h32. Il n'avait donc pas pu s'écouler plus de 45 minutes depuis qu'elle avait sombré dans le voyage au pays des songes.

Dans son souvenir, le rêve avait d'abord été des plus exquis. Il avait pris la forme d'un tableau où les traits et couleurs devenaient des notes de musique et de délicates mesures. On y peignait une esquisse de death mélodique des plus délectables. La vigueur créative d'un Arch Enemy période Wages of Sin se mêlait à l'écriture exaltée de Dissection dans son règne de convictions jusqu'à Reinkaos inclus, à laquelle venait enfin s'ajouter le tourment agité et schizophrénique d'un Chuck Schuldiner en pleine gestation deThe Sound of Perseverance...

Le maelström environnant en ébullition avait alors était tempéré par des nappes épurées de douces guitares enivrantes venant évoquer Opeth dans une scène (parmi tant d'autres...) appelée "Overlord", plus que virulente par ailleurs. Dans une autre on semblait tracer avec ardeur les contours d'une nature morte appelée "Corpse Mountain" (le rêve lui avait soufflé que s'il était question de "carcasses", ce ne pouvait être qu'un «travail fait avec le coeur», allez donc savoir ce que cela voulait dire...) et une longue plage nostalgique où venait y culminer un bref mais transcendantal solo avait vu frémir Liz dans son sommeil. Une extase de Mort s'était emparé d'elle sur un "In Memoriam" entièrement instrumental mais pas épuré pour autant, incroyablement riche au contraire et qui l'avait emmenée comme aux Portes de quelque chose de grand, de vraiment GRAND.

Les artistes qui s'agitaient frénétiquement derrières leurs pinceaux et leurs instruments avaient pour nom les Morts-Rêvant, comme le nom de son actuelle formation. Une réminiscence de ce "cher" Lovecraft... Elizabeth Schall n'aurait su dire si elle se sentait davantage déjà défunte qu'encore vivante dans ce bas-monde. Toujours est-il qu'elle ne se faisait pas plus d'illusions sur le genre humain, ni même le salut de l'humanité tout entière, qu'à l'époque où son groupe s'appelait Manslaughter et avait sorti le remarquable EP Through the Eyes of Insanity, il y a 6 ans de cela... 

 

Dreaming Dead - band promo pic

Elizabeth, votre "Schall" pour les froides nuits à venir, entourée de son équipe de choc...


Quand s'était produit le changement d'identité, et la recherche laborieuse de consolidation d'une équipe fiable autour de Lizzie, qui toujours menait la barque du bout de ses cordes plus qu'habiles et de celles, vocales cette fois, d'une écorchée-vive accomplie (distendues et maîtrisées à la perfection, comme à l'accoutumée - quelque part entre Gossow, Schuldiner et un peu de Dani Filth, le côté « dinde » en moins... les aigus n'y ayant d'ailleurs plus forcément la primeur), la troupe des Morts-Rêvant n'avait toutefois pas réussi à enfoncer le clou, restant dans les méandres d'un melodeath chargé, embrouillé et hésitant encore sur la direction à prendre. Dommage car ce Within One de 2009, premier véritable album donc, s'annonçait des plus prometteurs, et avec une meilleure production et plus d'affirmation encore aurait sans doute émergé de la masse au lieu de s'y fondre dans la plus complète et la plus injuste des confidentialités.

Dans le repli apaisant de sa couchette, qui pour autant prenait en ces heures des allures tout aussi mortuaires et inquiétantes, Elizabeth songeait qu'elle pouvait aujourd'hui compter enfin sur une base instrumentale solide, avec à ses côtés les fidèles Juan Ramirez et Mike Caffell, respectivement bassiste virtuose et des plus expressifs (qui pouvait aller jusqu'à faire flirter leur musique avec le prog') et batteur dynamique (qui se permettait aussi le luxe de la seconder vocalement aux moments opportuns) et maîtrisant toutes les techniques essentielles du blast et de la double, tous les rudiments du thrash, du death et du black cumulés, dans un rendu "organique" des plus naturels et instinctifs. Ce qui se faisait rare de nos jours chez les martyriseurs de peaux...

C'est donc en osmose totale que les comparses seraient bientôt en mesure(s), ainsi que son rêve le lui avait dicté, de rendre en musique un hommage à la nuit-exutoire, dans ce qu'elle avait à la fois de plus intimidant - angoisse nocturne de l'inconnu et poids des remords lorsque l'on se retrouve face à soi -, et de plus libérateur aussi (la tranquilité après la fatigue d'un jour vécu, voire celle d'une existence tout entière...).  

Cette catharsis torturée mais mélodieuse (elle n'oublierait jamais son passage bref mais remarquée au sein de The Iron Maidens, premier tribute band à la 'Vierge de Fer' 100% féminin...) suivrait de fait dans sa structure le déroulement du royaume de nuit qui nous gouverne chaque jour, depuis la plongée dans ses voiles jusqu'au sursaut du réveil à l'aube d'un nouveau jour... Quitte à en brouiller les pistes en initiant le voyage avec un court instrumental "doomy" et lancinant comme l'on conditionne au sommeil (Lizzie se rappela effectivement avoir lu qu'on pouvait y sombrer en à peine 2 minutes dans les bonnes conditions...), que l'on appellerait pourtant "Wake" ('réveil', à moins que ce ne fût « l'éveil »...), pour terminer l'évasion avec une conclusion de velours également instrumentale et tout aussi vaporeuse, répondant cette fois au doux nom de "Departure" (mais ne serait-ce pas là lorsque l'on s'extrait du confort d'un corps en veille?...). Le voyage pourrait alors recommencer ou bien pourrait-il se refaire mais à l'envers? Se défaire?... Le «départ» précédant l' "Exile"?!...

 


"Overlord" dans sa première version... Fervents adeptes du DIY après avoir marché avec l'éminent label Ibex Moon Records, Dreaming Dead a dû faire appel à des dons et à beaucoup de patience pour enregistrer ce 'Midnighmares' de longue haleine...

Simplement il s'agirait cette fois de choisir délibérément la voie de la diversité certes (propre à la complexité de l'activité endormie), et par là-même de l'expressivité multiformes (thrash, black, death, prog...), mais tout en gardant une ligne de conduite claire, propre et compacte (en honneur quand même de la constance et de la répétitivité du cycle nocturne). Trouver enfin l'équilibre... Quitter le bourbier d'une production tendant trop vers le 'death/blackisant' comme autrefois (Lizzie avait fait ses armes au sein du groupe Winterthrall et ne saurait toutefois complètement l'oublier, chassez le naturel il revient au tremolo...picking!), pour se rapprocher en revanche du tranchant rythmique implacable et sans bavure d'un bon vieux 'thrash' ... «moderne» ?!...

Attention toutefois à ne pas se prendre au piège de mélanger la grandeur du rêve et les rêves de grandeur... A quoi bon sauter les 2 pieds joints dans le panier de crabes qu'est devenue la scène death mélo d'aujourd'hui, sclérosée comme elle l'est par tant de formations en mal de toujours plus de reconnaissance et ne marchant plus qu'aux effets de manche, traficotages, productions synthétiques insipides, compos aseptisées et autres artifices masquant mal leur chiasse inspiratrice aux objectifs mercantilistes mal dissimulés? 

Se rapprocher de l'essence-même de la musique 'death' rageuse mais quand même harmonieuse, mélodique, oui... Tout en arborant une technicité débridée de haute voltige, triomphale. Sans jamais sacrifier les atmosphères surtout. Il lui semblait que dans son rêve elle retrouvait un peu de la fibre essentielle d'un Detonation jadis et même des vieux At the Gates et Hypocrisy, ou encore du Carcass des mid-90's, mais dans une dimension autrement plus "onirique". Oui, tout cela avait paru bien doux...

Puis soudain, comme elle se le remémorait maintenant du plus profond de sa chair frémissante, le rêve avait semblé tournoyer comme un carrousel hoquetant, était revenu sans relâche à la charge, et le sommeil de Liz en avait été perturbé un peu plus à chaque fois. Car sous cette façade des plus paisibles et salutaires se cachaient des réalités autrement moins reluisantes qui nous attendaient tous, elle le pressentait, et les pires tourments et infamies que pouvait déjà endurer l'humain, à qui il ne restait plus que le rêve pour y réchapper, ne fût-ce que pour un temps.
Ses dernières lectures étaient revenues soudain, ses derniers vagabondages insouciants sur le Net aussi, quand les autres "tuaient" le temps à faire des jeux Facebook... Les ultimes confessions d'un Aaron Russo et avant lui du Président-complice Woodrow Wilson, les zones d'ombre persistantes derrière l'assassinat de Kennedy ou les attentats du 11 Septembre, et par-delà même l'ombre d'un NWO insidieusement tapi qui planait au-dessus des camps FEMA implantés sans explications sur ce cher sol américain, derrière les exactions obscures d'une Réserve Fédérale Américaine bien mal-nommée (comme en parle le compatriote Jon Schaffer d'Iced Earth dans Sons of Liberty...), l'intoxication progressive du bon citoyen par le fluorure de sodium dans l'eau de consommation, et que sais-je encore??... Des Nations se déchirant bientôt entre elles et en leur sein au nom d'idéologies et d'allégeances douteuses... Allumés de Yahvé, fous d'Allah et autres fléaux de Dieu, trois mousquetaires au service d'une cause perdue d'avance... Pas de doute, le cauchemar était bel et bien ici-bas, mais Lizzie, déjà bien en proie à ses propres luttes personnelles et conflits intérieurs, s'en remettait entièrement à l'impitoyable Nature pour seul juge. Elle qui voulait transcender sa propre nature aurait surtout aimé que le malaise, la gravité et les doutes ne la poursuivent pas jusque dans le sommeil...

Mais c'est aussi de ça que sont faits les doux rêves. Et ce n'est certainement pas moi qui irait y trouver à redire, finit par en conclure bien à propos Elizabeth Schall. Dommage que le songe n'ait pas duré davantage, finalement, mais elle allait dès demain s'employer à le faire revivre et même à le transcender... Il était peut-être temps de se rendormir maintenant. La Nuit porte (bon) conseil...

LeBoucherSlave

8,5/10


PS : j'ai omis de signaler, mais beaucoup en auront reconnu le trait, que l'illustrateur purement graphique cette fois de cette œuvre n'est autre que Travis Smith, autre artiste éminent qui a été à même de rendre parfaitement compte de l' « élévation » propre à ce 'Midnightmares' (un nouvel "Opus Nocturne" ^^)  via cette somptueuse pochette de couverture...

 

Liste des titres :

1) Wake
2) Midnightmares
3) Overlord
4) Corpse Mountain
5) In Memoriam
6) Lapse
7) Into the Depths
8) Exile
9) Departure

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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