Anemi – The Blackest Lake (EP)

Les pièces 'underground' « premier-choix » du Boucher (part III) ...

La Grosse Radio peut se targuer et se réjouir chaque semaine de faire découvrir à ses auditeurs de nouveaux talents émergents, et ce notamment par le biais de son Antenne Interactive... Évidemment, comme tout concept "démocratique", chacun est appelé à participer (on vous attend!!), et le meilleur côtoie parfois le plus anecdotique. En règle générale, même si l’on sait bien que cela ne fait pas tout, le niveau technique est quand même très haut si on le compare (pas très sympa je sais ...) à celui d'il y a une vingtaine, voire ne serait-ce qu'encore une quinzaine d'années en France. La jeune garde a affûté ses cordes et a majoritairement compris également que le soin apporté au son est essentiel, et fait désormais partie intégrante du travail du musicien. L'oreille après tout n'est-elle pas à la fois le premier outil et le premier instrument de tout mélomane?...

Pourtant, trop souvent dans ce que l'on peut entendre au gré des morceaux qui nous/vous sont proposés à l'écoute, subsiste le constat amer et la profonde frustration que de nombreux groupes ne peuvent exister que dans l'ombre d'aînés qu'ils ne parviendront jamais à éclipser. Ou alors, à force de rechercher à tout prix l’originalité pour l’originalité, n’arrivent déjà pas à se trouver eux-mêmes et nous perdent de toute façon en cours de route.

Et puis un jour, ce groupe débarque sur l'A.I. ... Anemi, jeune groupe de métal parisien citant pour influences Iced Earth et Megadeth. « Pourquoi pas après tout ?! », me dis-je, même si je mise d'entrée mes quelques kopecks sur la forte probabilité que la parenté affichée avec les groupes en question (aguichante et vendeuse s'il en est!) ne se retrouvera au final que dans quelques guitares ‘thrashy’-tranchantes voire au travers de 2-3 riffs efficaces, davantage que dans le 'songwriting' et la performance vocale, je ne me fais pas d'illusions là-dessus... Pourquoi en serait-il autrement, d'ailleurs ?! La tendance aux vocalises de bourrins depuis l'avènement du métal extrême à la face du grand public a fini par déteindre sur la conception-même du métal au sens large, et par avoir eu raison de la spécificité du ‘thrash’ tendance "heavy-speed" en particulier, celui de la vieille école des glorieuses, lyriques et fécondes 80's. Quant au côté inoubliable des morceaux, même constat bien souvent : la technique et l'esbroufe (l'une et l'autre se combinant d'ailleurs très bien) peuvent tout à fait l'emporter sur le reste, et si l'ensemble de la communauté 'métalleuse' ne cesse de s'extasier, des quinze/vingt ans et quelques après, sur le côté ultime et intemporel de brûlots tels que "Peace Sells" ou "Burning Times", personne ne semble inspiré pour écrire des morceaux aussi imparables (ou du moins essayer), à moins que nul n'en soit tout simplement capable en réalité, je ne sais...

Mais ça, « c’était avant » !!  Car ce jour-là, c'est "Last Round" des Anémiés qui se trouvait au bout de mon  'clic' de souris insouciant ...

Cheyen & Cyd, Anemi, French heavy/thrash metal Iced Earth


Et là, nulle place à l'esbroufe ou à la tentative foireuse d'expérimentations pour brouiller les pistes... Le groupe tapait direct là où ça faisait mal - et du bien à la fois... - , un bon gros heavy/thrash  over-puissant et accrocheur dans la lignée effectivement d'un Iced Earth !  « Putain, c'est français, ça ???! »...  En 3 minutes et demi la grand-messe était dite, et il y aurait forcément un "avant" et un "après" cette expérience... Car désormais il ne serait plus question de trouver de plates excuses aux autres groupes de nos terroirs, qui nous abreuvent régulièrement de leurs sympathiques compos avec une prod' certes pas toujours à la hauteur, mais tout de même bien davantage que peut l'être le chanteur du combo les 3/4 du temps... Avec tout le respect que je dois à Dreamcatcher et consorts, je reste toujours sur ma faim à l'issue de l'écoute avec de tels groupes : non seulement les influences sont bien marquées - ça, passe encore... - mais surtout elles n'aboutissent pas forcément à quelque chose de probant pour autant, et sur le plan vocal ça tombe bien souvent à plat tant l'on ressent (je ne parlerai même pas de l'accent "English" à la Raffarin...) tout le mal que se donne le chanteur afin de sonner comme untel ou machin... Imaginez quand vous écoutez un imitateur qui tient bien le personnage, mais qui à un moment va tout de même "fourcher" sur une syllabe, une intonation... Là, évidemment toute la magie et l'illusion se brisent, vous décrochez, rideau!!...  SUIVANT!!!!

Avec ce "Last Round" (qui tourne aujourd'hui dans notre prog', sans jamais avoir à craindre de rougir de sa proximité avec quelque autre titre que ce soit ...), Anemi faisait donc plus que très fort : il s'agissait d'un pur "hymne" comme le gang de Jon Schaffer le leur envierait aujourd'hui, avec toute la fraîcheur qui caractérisait ces derniers à une époque (et qu'ils ont en partie retrouvée depuis...), mais qui ne peut être en définitive que l'apanage de jeunes loups affamés !! Et la vraie relève est donc là, sous nos yeux : le guitariste Cheyen n'a pas son pareil pour distiller des rythmiques  galopantes et acérées comme on rêverait d'en entendre tous les jours, ponctuée de mélodies toujours très bien senties, parfois de haute voltige mais jamais pompeusement démonstratives, plutôt dans la la fine lignée mélodique d'un Jeff Waters (Annihilator) ou d'un Dave Mustaine himself  - zéro esbroufe, on vous a dit !! -  ; quant à Cyd, le chanteur, que dis-je,  la VOIX d'Anemi (et demain peut-être l'une des grandes voix du métal français, bien plus à son avantage ici que dans son registre plus "braillard" chez Magoa ou Würm...), il s'agit tout simplement de notre nouveau Matthew Barlow national (de la même manière que l'on pourrait comparer Jo Amore de Nightmare à un Dio 'à la française'), avec un zeste d'Hansi Kürsch (Blind Guardian) en plus rauque encore, ainsi qu'un soupçon de l'école thrash "arrache" américaine, les deux derniers chanteurs d'Anthrax en tête... Mais contrairement à bien d'autres, il n'est pas question pour autant de vagues "singeries" pas naturelles pour deux sous et exagérées à l'outrance, ce sont juste là des influences sainement digérées, nuance !... Sceptiques??! « Zéro esbroufe », on vous le répète, pas de bidouillages en studio, ce que vous entendez ici est ce que vous obtiendrez sur cette galette chaude-bouillante...
 

Après cette performance de parvenir à nous bluffer en moins de temps qu'il n'en faut aujourd'hui à un Edguy pour nous convaincre (...comment ça, mauvais exemple??...), il s'agissait donc pour nos petits Français d'enfoncer le clou, ce qu'ils firent avec brio à travers un deuxième titre posté chez nous, "Lady White". Toujours marqué de l'empreinte Iced Earth (notamment dans les rythmiques hachées menu, les envolées vers les cieux du chanteur et ces refrains tout en chœurs caractéristiques), on note toutefois un peu plus de subtilité, quelques effets sur les variations de son concoctés en studio et des modulations de Cyd qui n'hésite pas à partir vers des notes plus graves, j'en passe et des plus gouleyantes :  tout a bel et bien été pensé ici pour ne jamais lasser l'auditeur.

C'est donc avec une certaine impatience que j'attendais de pouvoir écouter l'ensemble, tranquille peinard sur la chaîne du salon (l'ancêtre du PC avec enceintes et MP3, pour les plus jeunes, snif...), avec headbanging à tous les étages si affinités (ben quoi, c'est une expression et puis j'habite en triplex, m'emmerdez pas hein!!!!). Et je fus accueilli par l'atmosphère exotico-mystique d'une intro orientale : bien délicate mise en bouche pour ce que l'on devine être un "calme avant la tempête"... Las, l'entame de ce premier EP - répondant au doux nom de The Blackest Lake - me laissera un peu sur ma faim... Le titre "Face 2 Face" en effet, qui succède sans transition à ce court avant-propos aux vertus enivrantes, débute lui aussi sous une forme d'intro ('métallique', cette fois...) qui monte en puissance, avec des mélodies et harmonisations toujours très caractéristiques d'Iced Earth (et plus tard et au fil de l'EP, on percevra également une pointe du Iron Maiden de la "Résurrection", notamment l'ère Brave New World/Dance of Death), mais dont on attend encore l'explosion finale qui nous submergerait... Il manque en outre ce qui fait la force d'Anemi, un refrain vraiment digne de ce nom, et le morceau tourne un peu en rond autour d'un riff rappelant un peu trop le "Symphony of Destruction" de Megadeth pour réellement convaincre. Reste que l'on sent quand même poindre une petite influence prog' pas désagréable pour autant, sur des passages plus "aériens" disons (cf notamment les apparitions de nappes de claviers...), où une batterie et la voix de Cyd plus relâchées sont à l'avenant et tout à fait appropriées dans ce contexte.

Suivent ensuite dans l'ordre du CD nos familières "Lady White" et "Last Round" de bonne mémoire , et l'on se dit dès lors qu'il s'agit là du registre qui conviendrait le mieux à nos Parisiens : court, compact, massif et avec un refrain entêtant... et pour l'auditeur un bon vieux secouage de tignasse effréné! Rien de plus, rien de moins, en somme.
Mais on a bien tort ... Car la grande réussite de The Blackest Lake n'est autre que "Guilty", le titre suivant, réécriture d'un morceau du précédent groupe de Cheyen, Anevrism, après la rupture de celui-ci (ne m'indiquez pas le chemin de la porte, j'ai compris ...) - avec ses plus de 7 minutes au compteur : débutant sur une intro tout en arpège mélancoliques sur laquelle vient se greffer un solo mélodique à vous coller des frissons, le titre prend ensuite son essor comme jamais, avec cette fois, outre l'assise Iced Earth, des mélodies qui n'auraient pas dépareillé sur un album du Saxon en version endurcie (influence que l'on décèle également sur le titre suivant...) au tournant des années 2000 (le doublé Unleash the Beast/Metalhead en tête...), s'achevant sur le bruitage de ce qui s'apparente à une porte de prison qui se referme. Le refrain, cette fois dépouillé à l'extrême (un simple «Guilty...» murmuré, comme on prend conscience de son sort...), résonne dans ce contexte comme la rafale de balles d'un sniper alignant ses victimes, pour un morceau par ailleurs déjà coulé dans une chape de plomb 'over-thrashy' ! C'est pourtant la délicatesse qui l'emporte, déjà portée par cette délicate intro et par le chant enflammé de Cyd (secondé sur certains passages, oniriques au possible, par la voix féminine d'une certaine Alice), et qui culmine sur cette surprenante outro introspective (les sirènes de police qui retentissent alors nous suggère l'état d'esprit et les souvenirs embrouillés du protagoniste de la chanson...), à laquelle on ne s'attend vraiment pas - et dont un Iced Earth encore une fois aurait été très fier - mais qui plus est portée par une ligne de basse envoûtante qu'aurait pu pondre un Steve Harris en écriture "prog" sur les passages les plus visuels et évocateurs des titres de Maiden comme "Rime of the Ancient Mariner"... Vraiment, l'écriture est d'un niveau pour ainsi dire jamais égalée (à l'exception notable de Nightmare évidemment...) dans la sphère métal 'traditionnel' française !

 

En définitive, on ne saurait imaginer le malheur que pourrait faire (ce pour notre grand bonheur!) la retranscription 'live', en chair et en tripes d'une telle oeuvre ! Car oui, c'est cette particularité-même d'Anemi et de ce The Blackest Lake qui les honore tout autant qu'elle les dessert... Entendons par là qu'il s'agit pour l'heure d'un projet 100% studio et qu'en tant que tel il a pu être peaufiné à un niveau plus que respectable : la prod' est imposante et incisive, l'exécution des deux instigateurs du groupe (accompagnés d'une petite poignée de musiciens de session...) l'est tout autant, vraiment carrée de chez carrée ! L'on sent évidemment que les Parisiens ont pensé cet EP comme une bonne "carte de visite" pour initier l'auditeur à leur univers et montrer l'étendue de leurs capacités. Mais c'est peut-être là aussi où le bât blesse, car ce faisant (pour faire plaisir à nos grand amis les chasseurs...), ils ont enfanté une oeuvre dont le perfectionnisme, le jusqu'au-boutisme même s'accompagnent parfois de détails manquant de naturel (même si on ne saurait en remettre en cause la sincérité et l'authenticité, cette vraie volonté de bien faire), ainsi que de petites fautes de goût qui auraient très certainement été quelque peu rectifiées si elles avaient tourné dans un local de répètes au préalable au lieu d'être passées en boucle par l'ingé-son du studio...

Ainsi, les petits effets de son "traficotés" a posteriori que nous avions déjà mentionnés plus haut s'avèrent être à double tranchant : on pourra y voir comme une volonté de se démarquer d'un style trop 'classique' et de le moderniser quelque peu, apportant en cela une certaine fraîcheur bienvenue ; mais on pourra aussi y percevoir comme une recherche d'originalité pour l'originalité que nous évoquions en préambule à cette chro, voire comme un simple divertissement de musiciens enfermés en studio et faisant "joujou" avec les différentes fonctionnalités.... Il en va de même pour ce petit piano sur "Lady White", vraisemblablement destiné à souligner encore la mélodie du refrain de la chanson qui n'en demandait pourtant pas tant, ajoutant une petite pointe de mièvrerie à la HIM dont le morceau aurait pu se passer, tant elle n'apporte pas foncièrement davantage de délicatesse à cette 'Dame Blanche'... « Le mieux est l'ennemi du bien », comme disait ma grand-mère... Plus grave, certaines transitions auraient pu être mieux aménagées (témoin le tout premier refrain de "Last Round" qui déboule quand même bien abruptement...). Enfin, ce souci de perfectionnisme les a forcément poussés à multiplier les pistes vocales sur les choeurs typiques 'Iced Earth' des refrains, pour un double effet 'Kiss Cool' encore une fois : d'une part, le refrain d'un plus moderne "The Blackest Lake" (à la sauvagerie plus débridée encore, comme l'illustre bien le premier cri de Cyd!) en devient chargé au point de se révéler un poil « brouillon » ; à l'inverse, pour les chorus des autres titres - qui eux sont calibrés au millimètre près! - on en ressent parfois une sorte de froide rigidité, comme si le groupe avait bien assimilé la formule en studio pour plaquer chaque harmonie vocale à la note et à la demi-seconde près, mais perdant un peu en chaleur et en spontanéité ce qu'ils gagnent en rigueur et en application, ce malgré la maîtrise, l'efficacité et le rendu massif évidemment indéniables.

Pour autant, ce ne sont là que de petits points de détails qui m'empêchent juste de donner la note maximale, mais pas d'apprécier à sa juste valeur cet EP bien de chez nous (et l'on peut en être fiers!), d'une durée tout à fait honorable et affichant de manière insolente une très belle diversité. Quant aux influences palpables et au manque d'originalité qui pourrait se faire ressentir, soyons précis, clairs, nets et fermes comme le chantait M. Corbier : qui aujourd'hui en France peut prétendre à jouer dans la même catégorie qu'un Iced Earth? A écrire des morceaux aussi marquants, mais avec tout de même une 'patte' bien à eux? On en revient à ce que je vous disais en préambule : n'attendons pas que plus aucun groupe ne se risque à écrire des hymnes de cet accabit, ne faisons pas la fine bouche quand le résultat est à ce point remarquable, et croisons les doigts pour qu'un véritable line-up au complet se constitue pour donner vie à notre future institution 'heavy' nationale! Et pour le groupe, croisons également les doigts qu'un certain Stu Block ne se décide pas à quitter sa formation actuelle, sinon ça pourrait bien donner des idées à quelqu'un ... Allez, bonne santé quand même et longue vie à Anemi !


LeBoucherSlave

4/5

PS :  The Blackest Lake est disponible au prix dérisoire de 8 euros (frais de port compris) sur la page officielle du groupe. Soutenez donc votre scène 'heavy' française... Car il n'y a pas que Gojira et consorts! Enfin, ça, ça ne tient qu'à vous...

Anemi band promo pic, The Blackest Lake EP

Site Myspace du groupe

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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