Necrowretch – Putrid Death Sorcery

Que tous ceux qui trouvent encore le moyen, en ces décombres de millénaire à peine avancé que déjà bien moribond, de se remettre régulièrement dans les esgourdes les deux premières sorties officielles de Marduk, histoire de ne pas oublier (soit respectivement l'EP démo Fuck Me Jesus et le premier album Dark Endless, je ne parle pas du virage 100% black qui a été effectué après), prennent attentivement connaissance de cette chro... Car il semblerait que les Français de Necrowretch, à contre-courant de tout ce que vous pourrez trouver de nos jours ou presque sur le marché en dehors de la scène 'underground', soient particulièrement friands de ce souffle 'death evil' ancestral mâtiné de black, qui a depuis été en partie balayé par la déferlante d'un black métal plus caricatural et du brutal-death de "techniciens". En partie seulement, car aujourd'hui le légendaire label allemand Century Media a eu la bonne idée de faire sortir ces sulfureux des catacombes pour les exposer au gros jour en les signant chez eux, après une première partie d'Asphyx fort remarquée en terres Teutonnes. Et pour le coup, on peut bien 'growler' un petit « cocorico » de circonstance, car c'est la troisième fois seulement qu'ils le font pour une formation de chez nous! Le groupe de Valence succède donc dans leur catalogue à Kickback mais surtout à ...  Mercyless, et ce n'est peut-être pas là seulement le fruit du hasard, peut-être tient-on ici la relève par chez nous, tout en opérant un véritable retour aux sources du genre !


Il convient de préciser qu'avant cela Necrowretch faisait quand même partie des poulains de l'écurie belge feu-Detest Records (Stench Of Decay, Swallowed...), soit déjà des valeurs montantes du death underground européen, dans une veine alors proche des premiers Asphyx donc, mais également Nihilist (pre-Entombed...) ou Autopsy ! Les 4 titres de l'EP vinyl (si, si, des hommes de goût!), sobrement intitulé Putrefactive Infestation (puisque je vous le disais...), avait déjà annoncé la purulence en 2011, mais le groupe s'était par ailleurs déjà constitué un bon noyau de fans depuis sa création en 2008, avec la parution de deux démos au format cassette cette fois (Rising from Purulence l'année suivante puis Necrollections en 2010) et des concerts dans l'underground toujours remarqués. L'an passé, c'est à un EP 2 titres que l'on avait eu droit, forcément un peu court mais à l'identité toutefois plus affirmé et qui nous offrait en outre une belle relecture d'un grand classique de Death, "Zombie Ritual" (issu de l'inusable Scream Bloody Gore, qui aura durablement marqué les esprits de Vlad, guitariste-chanteur de la formation, apparemment...).

Le 28 janvier prochain, c'est ce Putrid Death Sorcery, leur premier album « full-length » et le premier sur leur nouveau label, que les plus irréductibles d'entre vous, amis lecteurs, accueilleront enfin, et le moins que l'on puisse dire c'est que la patience des fans et la persévérance du groupe n'auront pas été vaines. Cet album reprend exactement là où les choses avaient été laissées sur le mini-EP (notons toutefois la présence en fin d'album de deux morceaux déterrés des démos et remis au goût du jour), tout en les approfondissant... Autant prévenir tout de suite les non-initiés, il ne faut pas vous attendre à votre album de death 'lambda', ce disque nous ramène à la fois directement à la flamme noire des premiers soubresauts du genre tout en s'ouvrant intelligemment à d'autres horizons occultes plus familiers qui sauront peut-être également satisfaire les attentes des 'blackeux' les plus radicaux.
 

Necrowretch, Vlad & Amphycion, Putrid Death Sorcery, Century Media

Car si en effet la facette 'death', crue et « putride » (comme ils la décrivent eux-mêmes) de ce disque, nous renvoit immanquablement à la scène old-school de la fin des 80's, disons les premiers Grave et toute la scène de Stockholm pour les obédiences suédoises ainsi que le premier Death et Sadistic Intent pour les références/révérences américaines (en plus de celles déjà citées), ses penchants 'black', quant à eux (peut-être inopinés, dûs simplement à l'approche, disons bestiale dans la conviction et radicale dans le «zéro concessions» de nos bougres...), nous évoqueraient plutôt la scène tant suédoise que norvégienne (quand il n'y avait encore ni 'clashs' ni clivages entre les deux, cf notamment le rapprochement que voulut opérer en son temps un certain Euronymous sur son label...), mais très largement celle issue de la toute première vague. Dans tous les cas, on note une volonté sans compromis d'instaurer un climat morbide et oppressant (d'où cette prod' « de la crypte » et cette guitare davantage ronflante et étouffée que tranchante et cracheuse de disto et de décibels en tous genres...), bien plus que de dépasser toutes les limites en matière de brutalité et surtout de complexité.
En effet, point de fioritures ici, et si la batterie sait se faire bavarde et diversifiée (c'est l'excellent Mörkk du groupe de black pagan Aldaaron que l'on retrouve aujourd'hui derrière les fûts), c'est davantage via une grosse caisse au rendu délicieusement organique (cette intro de "Impious Plague in Catacombs" qui résonne comme un cœur qui s'emballe, en saccadé...), et surtout par le biais de cymbales lacérantes qui viennent sonner le glas ainsi que sous la forme de toms grondants et apocalyptiques qu'elle se fera entendre (la caisse claire semblant, elle, curieusement un poil sous-mixée sur les premiers titres avant de littéralement se déchaîner à partir de "Spewed from Hell"!). Les moments de plus grande sauvagerie viendraient presque nous évoquer les vieux Incantation, notamment de la période Mortal Throne of Nazarene, même si à aucun moment dans le son Necrowretch ne chercher à s'approcher de l'impact et de la brutalité en tant que fins convoitées par ses pairs Ricains de tous bords depuis l'avènement des bourrines 90's ... Ce malgré l'implacabilité et le côté expéditif de leur musique qui ont été préservés (un seul titre dépasse les quatre minutes, quand la moyenne des autres tournerait plutôt autour de trois !).


La primeur aura été davantage laissée ici, très fréquemment, à des accords amples et pesants, conférant une dimension parfois 'doomy' à l'ensemble et évoquant ainsi les lourds passages des damnés de Marduk à la grande époque (cf break de "Goat-Headed", pont de "The Anthropomancer", ou encore le premier leitmotiv de "Impious Plague in Catacombs"...). C'est d'ailleurs cette facette-là qui, combinée à la réverb' de la voix et à des mélodies démoniaques bien senties, finit par donner une dimension réellement «atmosphérique» (attention, Kévin, je ne parle pas là nappes de claviers, chœurs angéliques et tout le tralala, hein, ça va pas, non???!) à une musique qui aurait pu paraître un poil trop brute et dépouillée par ailleurs. L'album se voit ainsi ponctué de leads en tremolos effrénés et dégoulinants, trilles diaboliques ("The Anthropomancer") ou "notes-à-notes" décomposées irrésistiblement lancinantes, qui sur les passages les plus ralentis vous renverraient presque à la bande originale d'un bon vieux film gore 'vintage' ou à un pauvre 'slasher' de série Z ("Putrid Death Sorcery", break de "Impious Plague...")... Effet garanti!

Au final, la nouveauté de cet opus par rapport au reste de leur répertoire antérieur viendrait  plutôt de la présence d'influences plus récentes qui résonnent à nos oreilles, comme le black mélodique Swedish-like toujours aussi sulfureux mais toutefois plus majestueux et entraînant (tendant parfois vers l'"épique" - toutes proportions gardées - et l'exaltation) d'un Dissection ou d'un Naglfar notamment ("Impious Plague..." toujours, break de "Purifying Torment", ...), marquant alors l'apparition d'un jeu tremolo-picking plus fin et posé ("Ripping Souls of Sinners", solo de "Defiler of Sacrality"). Des touches black mélodique de bonne tenue donc, mais qui évoquent hélas des références plus familières entendues dernièrement, de facture plus classique donc (et pas franchement déroutantes comme peuvent positivement l'être les autres composantes de cet opus), et dont par ailleurs le côté propret contraste parfois avec l'aspect plus «boueux» de la musique des 'Wretch... En revanche, elles donnent l'occasion à la basse d'Amphycion (membre fondateur lui aussi et élément-clé du power-trio) de se faire encore plus entendre, nous évoquant alors les Marduk un peu moins vieux -quand un certain B.War y officiait-, ou encore le Enthroned des débuts sur Prophecies of Pagan Fire ...


Une des grandes singularités de la formation depuis ses premiers faits d'armes en revanche (même si elle s'est encore affirmée avec le temps) restera la voix littéralement « habitée » de son chanteur, éloignée de toutes considérations gutturales de quelconque sorte, ici bien plus proche des groupes de black métal dans l'esprit, à travers ce registre aigu, déchiré et déchirant (ce cri à glacer le sang juste avant la deuxième minute de "Goat-Headed" viendra vous hanter pendant un long moment...), ainsi que l'utilisation d'une réverb' caverneuse et à l'occasion d'une légère disto semble-t-il. Elle conserve toutefois une certaine filiation au death par son côté 'percussif' et un débit parfois impressionnant ("Ripping Souls of Sinners"). Cela faisait en tout cas longtemps que l'on n'avait plus eu l'occasion de croiser sur notre chemin un vocaliste aussi convaincant de hargne et de haine maladive, tout aussi à même de véhiculer le malaise que des invocations d'outre-tombe... Il faudrait peut-être pour ça remonter aux démos de Nihilist ou aux premiers méfaits de Merciless (pas de faute de frappe, il ne s'agit pas des Français cette fois...), de Nifelheim ou de Grotesque (c'est dire si la Suède aura compté dans la perception de la musique de nos Frenchies !), voire encore aux allumés de Sarcofago (si l'on se réfère à la parfois trop méconnue scène extrême sud-américaine des origines) !

Quand enfin je vous aurai dit que ce Putrid Death Sorcery a été enregistré au Blackout Studio de Bruxelles par Phorgath (Enthroned, Emptiness) qui s'est également chargé du mix, et que le groupe a de nouveau fait appel à l'artiste Milovan Novakovic (responsable de toutes leurs pochettes depuis les débuts), pour un résultat presque 'Lovecraftien' et d'une froideur insaisissable (même si moins 'dark' qu'à l'accoutumée...), vous aurez compris que l'on est là en présence d'une œuvre pensée et impeccablement maîtrisée de bout en bout, sans pour autant que les intervenants n'aient cédé à la tentation d'en polir et d'en balayer le moindre recoin... Et c'est aussi bien comme ça !

Pas non plus un incontournable au final, pas l'album de la révélation pour ma part (difficile en même temps de passer après une cohorte d'aînés ayant déjà aussi durablement marqué leur temps...), parfois un poil trop répétitif malgré tout et/ou linéaire dans son propos, mais quoiqu'il en soit l'un des disques les plus convaincants que l'on ait entendu depuis un bon moment en termes d'inexorable exécution et d'atmosphères dérangeantes et mortifères.


LeBoucherSlave

7,5/10

Necrowretch, French death metal band logo

Necrowretch band promo pic 2013

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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