The Aurora Project – Selling the Aggression

Quand l'aurore pointe son nez, le poète se réveille lentement d'une nuit embrumée, opiacée, de rêves sans fin, d'espoirs anéantis par le simple fait d'ouvrir les yeux. Le matin calme et oppressant s'offre à ses yeux, une larme coule fébrilement sur sa joue et, face à cette modernité destructrice, il se prend la tête entre les mains puis essaye de réaliser que longue sera la route avant un changement positif et optimiste de ce monde en proie à un égoïsme sans faille. C'est alors que l'artiste a un projet qui lui vient en tête. Observant le lever du soleil à l'horizon, il l'intitule ainsi sobrement The Aurora Project, espérant ainsi éveiller le subconscient humain face à cette terrible réalité qui est la nôtre. Et quoi de mieux que de mettre tout ceci en musique ?

C'est ainsi que l'on pourrait résumer la création de ce groupe hollandais se baladant entre rock et metal progressif, bien qu'ici le rédacteur de cette chronique prenne quelques libertés d'écriture et d'interprétation. Il faut avouer que The Aurora Project est plutôt peu connu en dehors de ses terres, une formation qui a du mal à s'exporter depuis sa création à la fin des années 90. En 2006, le premier album voit enfin le jour, un Unspoken Words très prometteur aux accents plus rock que metal dans le prog que nous apprécions tous, entre Porcupine Tree et Riverside en passant par les inévitables Rush ou Pink Floyd. Mais très vite, TAP se forge une certaine personnalité, confirmée en 2009 avec la parution de Shadow Border, sous la houlette de Joost van den Broek (Ayreon, After Forever), affirmant ainsi nos hollandais dans une cour des grands bien qu'encore confinée dans un certain underground.

Avec la sortie de ce nouvel album studio intitulé Selling the Aggression, toujours chez DVS Records (label local) le 12 février 2013, The Aurora Project espère certainement franchir le cap tout en restant fidèle à ses ambitions propres, ne reniant rien, et personnalisant encore plus une musique pourtant ancrée dans de multiples influences. Celles citée plus haut sont forcément toujours présentes et façonnent la clef de voûte des compositions de nos bataves préférés, mais on pourrait presque s'aventurer en soulignant que, sur ce nouvel album, la musique doit autant à Pink Floyd qu'aux grands Led Zeppelin, certains riffs ou rythmes (que ce soit dès l'intro du premier morceau "Dualistic Conciousness" ou le côté grandiloquant de "The Oil Supremacy" qui n'est pas sans rappeler les charmes d'un certain "Kashmir"  - même si là Pink Floyd semble tout de même l'emporter) ne trompant pas, prouvant à leurs auditeurs que les néerlandais ont un large panel d'inspirations.

The Aurora Project Live

Afin de continuer sa progression, The Aurora Project nous propose ainsi un album concept, qui marque l'évolution du monde de 1999 à nos jours, retraçant au passage l'histoire du groupe depuis ses débuts. Depuis la popularisation d'Internet (et ses bruits de vieux modem présents en sample sur la première piste... ah nostalgie !) jusqu'à la formation de cette société actuelle... autrement dit une grande critique de cette évolution dystopique, mise en exergue via le titre de l'album pointant du doigt la société de consommation, et sa pochette mettant en "vedette" ces écrans qui dictent notre quotidien. L'aspect nostalgique est donc de mise, mais pas seulement... une certaine agressivité se veut traduite par un renforcement de quelques guitares ("Speeding Up of Time" en tête, et son refrain qui n'est pas sans rappeler cette chanson folklorique nordique "Vodka" reprise notamment par Sonata Arctica en live - ceci étant juste une anecdote) orientant le côté posé du rock progressif vers un metal plus heavy à quelques moments fort bien choisis.

Car la force de cet opus s'avère être son dosage entre moments envoûtants ("Turning of the Tide" et son entame tout en délicatesse, naviguant entre Vangelis et The Alan Parsons Project), techniques et rapides ("Selling the Agression" qui offre l'originalité de proposer dans ses paroles le point de vue d'un président américain faisant face à une crise sans précédent et défendant l'idée d'une guerre inévitable), plus rentre dedans (dès le premier morceau d'ailleurs) ou alors symphoniques puissants. Sur ce dernier point, il faut préciser que le groupe a reçu l'apport d'un jeune compositeur ami nommé Siddhartha Barnhoorn pour les arrangements et orchestrations de l'opus, celui-ci imposant sans patte sur la conclusion de "Turning of the Tide" mais aussi et surtout sur l'imposant morceau "The Oil Supremacy" qui brille ainsi de mille feux façon bande son de film et explosions maîtrisées. Au final, ce monument n'a pour égal que la conclusion de l'opus, "Newstopia", diamétralement opposée dans l'approche avec une introduction aérienne et lancinante (avec quelques cris de baleine appelant à un certain "retour à la nature") qui couvre à elle seule le tiers d'un morceau dépassant les neuf minutes. C'est alors qu'on ressent une approche à la Pain of Salvation de l'époque, ère oublié depuis par son génie créateur suédois parti exploré des chemins plus rock old school.

L'album, bénéficiant d'un son parfaitement irréprochable sans pour autant tomber dans la surenchère de production, se déroule ainsi dans une tonalité quelque peu mélancolique mais aussi éthérée car guidée par un certain espoir mené par quelques riffs soutenus et presque martials. Son grand final, au titre ironique, annonce d'ailleurs la couleur : il est temps pour l'être humain de se réveiller, mais n'est-ce pas cependant trop tard ? Par pour The Aurora Project qui s'affirme ici de plus en plus comme un potentiel grand dans une scène qui manque peut-être d'un nouveau souffle. Alors pourquoi pas ? D'autant plus que leur chanteur Dennis Binnekade, visiblement fortement inspiré par Vincent Cavanagh (Anathema), a une vraie théâtralité vocale qui apporte un gros plus dans les compositions du groupe, surtout que sa progression est réelle voire vertigineuse depuis le premier brûlot.

Nous invitons donc les proggeux de tout horizon à s'intéresser au niveau disque de ces hollandais volants. Nul doute que le bouche à oreille devrait déjà les aider à voir plus grand, et à forcément se montrer encore plus ambitieux. Car le seul défaut de l'album au final reste sa relative "timidité", avec des compos qui auraient pu aller au-delà des dix minutes pour certaines (là encore on revient à la conclusion "Newstopia" qui semble presque inachevée), et qui au final restent plutôt "sages" dans l'ensemble pour un CD dépassant à peine les 50 minutes. Mais peut-être est-ce aussi là que réside la clef d'une certaine réussite ? Rester simple tout en accouchant d'une musique à la fois complexe, soignée et plutôt accrocheuse... L'avenir nous le dira et nous serons là pour l'écouter.

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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