Le président idéal
L'équipe de La Grosse Radio m'a décernée le titre de « grande bibliothèque du metal en Asie ». C'est un honneur pour moi, mais mes connaissances dans le domaine sont loin d'être infinies. Pour autant, retrouver un groupe que je connais bien, à savoir Head Phones President, est un plaisir, qui me met plutôt en confiance avant l'écriture de cet article. Pour les néophytes qui n'ont jamais eu vent d'HPP, la formation est surtout connue grâce à sa chanteuse Anza, et pratique un rock / metal alternatif chanté … en anglais, ce qui est plutôt étonnant pour un groupe japonais. Disillusion, la nouvelle offrande du quatuor, est sa septième en quatorze ans.
Dès "The One to Break", la recette du combo se fait connaître et pour les personnes familières avec la musique des nippons, ce ne sera pas une grande surprise. Nous retrouvons ici des tubes en puissance, comptant avant tout sur l'efficacité, passant notamment par des refrains catchy. L'énergie dégagée par le chant d'Anza aide grandement à rehausser la qualité des morceaux, et ce titre d'ouverture nous confirme que le groupe est en forme. La frontwoman se permet même d'insérer des pointes de chant extrême, ce qu'elle n'hésitera pas à reproduire sur la piste suivante, "A New World", au côté moderne très prononcé. Punch et modernité, voilà les deux maîtres mots qui décrivent à ravir HPP et donc ce Disillusion, dont nombre de compositions sont façonnées dans ce même moule.
Si j'entends déjà certains d'entre vous râler à cause de ma dernière phrase, il est nécessaire de vous rassurer : non, tous les morceaux présents ici ne se ressemblent pas. On en prendra pour preuve les deux premiers titres de la galette, jouant sur des ficelles à la fois similaires et différentes. Oui, il y a toujours cette facette accrocheuse qui caractérise si bien le metal moderne, mais le second est beaucoup plus agressive que son prédécesseur et le ton employé par la chanteuse est bien plus incisif, plus écorché. Cette qualité, déjà présente sur les précédents disques d'HPP, se retrouve donc ici. Capables d'enchaîner les pistes calibrées mais entêtantes, les musiciens offrent une collection rafraîchissante et, en plus, se réécoutant avec plaisir. Il est possible, n'en déplaise aux détracteurs, de chercher à miser avant tout sur les refrains et de posséder une durée de vie conséquente.
Où est la douceur dans tout cela ? Rassurez-vous. Pour calmer les ardeurs de ces fougueux nippons, deux balades viendront vous bercer : "Miss You" et "In Dreams", toutes deux mettant en exergue la capacité d'Anza à émouvoir. La première citée est même très surprenante, car si elle est plutôt calme bien que la guitare soit présente, c'est la voix qui viendra nous mettre une baffe. La jeune femme bascule plus d'une fois en registre hurlé alors que la section rythmique est bien plus tranquille, et si ce contraste est étonnant en premier lieu, on l'adopte immédiatement dès la seconde écoute. Ce titre sort ainsi des carcans habituels et s'illustre parmi les trésors de cette galette. "In Dreams" est un peu plus classique et donc moins marquante, bien que très jolie. C'est dommage, mais on ne boude pas son plaisir non plus devant une conclusion si touchante.
Vous l'aurez compris, Disillusion est un album de haute volée. Avec des pièces maîtresses comme la puissante "A New World", l'étonnante "Miss You", la sombre "Far Away" et le tube "Too Short", Head Phones President maintient son rang parmi les meilleurs du metal moderne. Ce quatuor est affreusement méconnu en Europe et mérite réellement une reconnaissance à la hauteur de son talent. Le Japon possède une multitude de groupes rivalisant largement avec les ténors européens et américains, et si HPP boxe dans une catégorie déjà très prisée par moult formations en provenance d'outre-Atlantique, la bande d'Anza sait comment les mettre au tapis.
La Folle Fougère
Ma note : 8.5/10
