Castus Rabensang, chanteur et musicien de Corvus Corax au Festival Trolls & Légendes 2015


Trolls & Légendes - dimanche 5 mai 2015


En ce dernier jour du festival de la fantasy et de l'imaginaire, Castus Rabensang, le chanteur et multi-instrumentiste de Corvus Corax m'accorde une longue et intéressante interview. Il est environ 17h00, les réglages du groupe viennent de s'achever. Je suis tombé sur un homme sympathique, qui fourmille de projets et qui nous fait le plaisir d'en parler avec force détails.
Pour la petite anedocte, une fois l'interview terminée, nous avons encore discuté de choses et d'autres, et soucieux de crééer un lien avec son public, il m'a demandé de lui écrire quelques termes français, dont il s'est inspiré pour en faire une retranscription dans sa propre phonétique.
Ce n'est pas tous les jours que j'ai l'occasion de donner des cours de français et d'en constater le résultat quelques heures plus tard sur la scène !
Un grand merci à Castus, et à Catherine du service presse du festival Trolls & Légendes, pour m'avoir permis cette intéressante rencontre !

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Thomas : Ici en France, vous n'êtes pas si connu, bien que tous ceux qui s'intéressent à la scène rock folk médiévale vous suivent depuis longtemps. La scène allemande commence à traverser la frontière, mais cela reste encore un peu une spécialité, car elle cela reste un genre quelque peu à part, quand on la considère d'un point de vu extérieur.

Castus Rabensang: Il existe en France encore une autre scène, la scène médiévale. On y était très connu au début des années 90, mais on ne le savait même pas. Il s'agissait encore à l'époque d'une scène très petite, mais le groupe qui était leur modèle était Corvus Corax. On ne le savait pas, et un jour, j'ai fais de la musique de rue, seul, à Avignon. Des gens sont venus, ils ont joué également, on a alterné, et à la fin, je leur ai donné un CD de Corvus Corax et ils m'ont dit "tu viens de Corvus Corax (imitant l'accent français) ? Mais on connait, c'est notre grand modèle !".

J'ai aussi joué à Strasbourg, où j'ai rencontré plein de gens; aussi à Paris ou dans le Sud, et on a compris que beaucoup de gens nous connaissaient, mais malheureusement pas dans la scène métal.

En Allemagne, les metalleux vont sur des marchés médiévaux et y boivent de l'hydromel, et les "médiéveux" se rendent aux concerts de metal. C'est une seule scène, et en France, ça commence à devenir comme cela. Les métalleux sont de bonne humeur, et les médiéveux également. Ils aiment tous boire de l'hydromel et faire la fête. Du coup, ils font la fête ensemble ! Avant ce n'était pas comme ça, ils faisaient ça séparément. Maintenant, ça devient comme ça aussi en France, comme en Hollande, en Belgique et même en Italie. On était récemment au Mexique, et là, la scène metal, médiévale et gothique est encore plus unifiée.

Thomas: Tout est mélangé ?

Castus: Oui, là-bas, tu as des gothiques aux cheveux longs qui boit son hydromel et écoute toutes les musiques, et quand tu lui demandes ce qu'il est, il te répond qu'il est humain, et qu'il aime écouter de la musique d'Allemagne ou de France. Tout n'est pas aussi spécialisé là-bas.
On trouve d'ailleurs que la spécialisation, ce n'est pas très bien. On préfère avoir un public coloré. C'est ce qui fait Corvus Corax accompagne les gens de la naissance jusqu'à la mort, avec notre musique (rires).

Thomas: A propos des différentes scènes, vous avez déjà joué sur des festival métal. Je me souviens par exemple de votre présence au Cernunnos à Paris il y a deux ans et du très bon accueil par le public essentiellement de metalleux. Les gens me disaient tous, oui, le groupe à la fin là, c'était vachement bien ! Ici, à Trolls & Légendes, vous êtes sur un vrai festival de fantasy et de féérie. Est-ce que tu t'intéresses à tout ce qui est autour de ce festival quelque peu unique, avec les jeux, les livres ?

Castus: On est là pour la troisième fois. Si on y réfléchi, Corvus Corax existe depuis 26 ans, et on a donc beaucoup eu d'expériences. Enfants, on a eu notre période "chevalier", on courrait à travers les bois et on jouait aux chevaliers qui sauvaient la princesse. On a bien entendu relié le moyen-âge avec ce monde de contes de fées. Enfant, on était déjà dépendant à la fantasy. Corvus Corax ne fait pas de la musique médiévale authentique, on essaie juste de raconter aux gens l'Histoire à notre manière, de façon que tout le monde s'amuse. Il ne s'agit pas d'un mauvais cours d'histoire, mais que l'on puisse vivre Corvus Corax en bouffant et en buvant ! On est en quelque sorte du moyen-âge à toucher. On sait bien sûr qu'on est à 50% fantasy, nos costumes, notre musique... On a dû changer un peu tout ça, pour que les gens s'amusent. Quand on fait de la musique médiévale pur jus, on ne s'amuse pas vraiment. On l'a aussi fait, on sait le faire, mais on pense un peu comme un réalisateur américain qui fait un film sur le moyen-âge et qui se dit que le moyen-âge authentique, personne ne veut le voir, on va ajouter un peu d'action. C'est aussi ça Corvus Corax. Et c'est aussi ce que veulent les gens, ils savent bien que c'est pas authentique à 100%. Il existe des associations, en Allemagne et en France, où on peut confectionner soi-même ses costumes, et ils restent entre eux; ils se moquent de nous, et nous on se moque d'eux. On y va même parfois, pour nous inspirer, mais ce n'est pas possible de refaire ça. On était comme ça au début, disons dans le premier tiers de notre carrière, mais maintenant on préfère vivre une époque médiévale fantastique !

Thomas: Et les gens préfèrent certainement, car tout le monde n'est pas archéologue ou historien. Il reste des gens dans votre groupe qui fait encore de la reconstitution historique ?

Castus: On a un collègue, Jordon, qui joue de la cornemuse chez nous. Il fait de la reconstitution historique. Il a étudié l'histoire médiévale, il a même un magistère dans ce domaine, mais il traverse également les époques. Et c'est ce qui fait aussi Corvus Corax, ou même tout simplement nous en tant que musiciens. On a déjà fait des choses dans la musique antique, et on a aussi un autre projet qui se nomme Berlinskibeat, qui est de la musique moderne à danser, pour que les femmes remuent leurs culs, et il y a encore Cantus, c'est du classique moderne où on joue avec un orchestre symphonique et un choeur, et une soliste, une soprano. On est avec eux sur la scène et on fait un show du tonnerre; c'est un peu comme on s'imagine de la musique de film. Et on essaie de faire toute sorte de choses. On avait une première récemment, à Berlin dans un club échangiste, où il y avait une soirée médiévale érotico-frivole. Ca nous a bien amusé, mais quand le sexe a commencé, on a fait une soirée entre nous, on est pas des échangistes. Bref, on essaie toute sorte de choses. Par exemple, il y a deux romancières qui écrivent des histoires de vampires. Jordon dirige toute l'histoire, et elles alternent la lecture, et Norri et moi, on va faire la musique qui va avec. Un peu de Corvus Corax, mais aussi un peu de nouveauté que l'on va composer exprès pour l'occasion. C'est aussi de la fantasy, l'une des histoires de vampire se passe dans le moyen-âge, et dans le passé, et l'autre se déroule dans le futur. C'est un challenge musical, car nous devons unir le passé et le futur. On fait tout le temps des choses très différentes, pour ne pas s'ennuyer ! (rires)
 


Thomas: J'avais justement une question par rapport à cela. Vous avez fait 22 albums, à peu près, tout dépend de ce que l'on compte.

Castus: Oui, et on a aussi participé chez d'autres gens.

Thomas: Oui, justement, rien que trois groupes pour toi tout seul déjà.

Castus: Quatre même, vu qu'on était aussi Tanzwut auparavant.

Thomas: Comment peut-on encore trouver de nouvelles idées, avec tant de choses différentes ? Si je comprends bien, si vous avez une nouvelle idée, vous faites ça dans le cadre d'un nouveau groupe.

Castus: Peut-être pas seulement dans un autre groupe, mais tout simplement dans le cadre d'un projet différent. Par exemple, on avait fait un projet sur les nains ("die Zwerge"). Il y a cet auteur, qui est aussi traduit en français d'ailleurs, Markus Heitz qui a écrit ce texte; je crois qu'il a été traduit en 26 langues, dont le japonais, etc, et c'est un auteur de fantasy très célèbre, surtout en Allemagne. On a travaillé avec un comédien, Johannes Steck, et on a mis tout ça en scène, comme un livre audio. On a fait la bande son et on joue un personnage, et lui il narre toute l'histoire. C'est une histoire super intéressante, qui plait beaucoup aux gens. On sera d'ailleurs à nouveau en tournée pour cela l'an prochain, dans des théâtres. C'est complètement autre chose, c'est pour ça qu'on a dit que Corvus Corax fait "Die Zwerge". Et l'an prochain, on est entrain de travailler dessus avec Markus Heitz, on va aller encore plus loin dans la fantasy. Il travaille sur un livre, et avec ça, il y a une pièce de théâtre que l'on appelle "fantastical", comme un "musical" (terme allemand pour "comédie musicale"). C'est une œuvre musicale fantasy avec Corvus Corax et divers invités, et on y raconte l'histoire de... Je veux pas encore trop en dire, mais ça parle de dragons et des histoires médiévales fantastiques, totalement dans l'ambiance du Trolls & Légendes. Où que se dirige le prochain album, je chanterai en allemand, ce qui est tout nouveau et ça me fait beaucoup plaisir de faire quelque chose en allemand avec Corvus Corax. Je ne sais pas si on va le faire aussi en français et en anglais, mais on va déjà le faire en allemand et on verra se qui se passera par la suite.

Thomas: Je constate que la créativité et l'imaginaire est très important pour toi. Il y a aussi un salon du jeu ici. Est-ce que tu connais les jeux de rôles et ce genre de choses, comme les GN ?

Castus: Oui, je connais tout ça, mais je ne pratique pas.

Thomas: Parce que ça ne t'intéresse pas ?

Castus: Non, on en a fait dans les années 90. On a même fait un film avec des gens impliqués là dedans. On ne connaissait pas, pour nous c'était nouveau, et on pensait qu'ils voulaient faire un film. Mais c'était tous des amateurs. Pour eux, c'était OK de le faire avec Corvus Corax, et nous pensions que c'était des pro. On s'est un peu étonné, mais bon, ils ont fait tout ça pour leur salon et non pas pour le cinéma. C'était évidemment non professionnel, mais a postiori, c'était drôle. Et je crois qu'on avait pas compris à l'époque que c'était pour rire. Mais quand des amateurs font quelque chose avec des pros, il peut y avoir des malentendus ! Mais j'accepte le concept. Ce sont des gens qui viennent à nos concerts et s'amusent pacifiquement. Quand ils combattent, c'est de la comédie, pas comme au foot ! (rires)


Thomas: Comme nous sommes aussi dans un salon littéraire, qu'est-ce qu'il y a actuellement sur ta table de chevet ?

Castus: En ce moment, j'ai un livre sur les millionnaires durant l'Antiquité qui traite du fonctionnement du système financier à cette époque. C'est un ami qui me l'a offert, et je le lis pour savoir s'ils étaient autrefois aussi stupides que le trésor public en Allemagne. Peut-être pas juste en Allemagne, mais chez nous, ils sont célèbres car c'est si compliqué que personne ne le comprend, même pas eux. Tu connais les Vogons ? Dans le "Guide du Routard Galactique" ?

Thomas: Ah oui, 42 !

Castus: Exactement. Ils se moquent des bureaucrates. Mais ça doit être pareil en Angleterre ou en France. Mais ça m'intéresse de voir comment ça se passait il y a deux ou trois milles ans.

Thomas: Il me semble que la chute de l'Empire Romain était ...

Castus: Due à cela ? (rires)
 


Thomas: Quand à la fin, les pièces d'or n'étaient plus vraiment de l'or. Remarque, nous en sommes au stade où le papier n'a même plus de valeur, mais c'est un autre sujet... Revenons un peu à la musique.
Quelle est ta chanson préférée dans le metal ?

Castus: Il serait faux si je disais autre chose que "Twillight of the Thunder God" (rires).

Thomas: Je m'y attendais ! Sincèrement, du fond de ton cœur ?

Castus: Oui, je suis aussi un grand fan de Slayer, j'aime aussi Lemmy. Récemment, je me suis réécouté du Prong et du Machine Head, et du Volbeat. Bon, Volbeat, c'est pas tout à fait du metal. Je dis toujours que je n'écoute peut-être pas tout de chaque groupe, ah oui, et Sepultura dans toutes ses formes, mais je vais souvent boire des bières près de chez moi à Berlin. Il y a ce bar metal, le Blackland et je demande des fois qu'est-ce que c'est que ça, etc. Je suis un peu naïf dans ce domaine, je ne connais pas tout mais il y a beaucoup de choses qui m'intéressent et que je trouve bon. Je ne connais pas toujours les noms, mais il y a beaucoup de groupes avec lesquels on a parfois même joué, au Summer Breeze par exemple, mais Amon Amarth, on a déjà partagé de l'hydromel ensemble (rires).

Thomas: C'est en quelque sorte de la musique festive également.

Castus: Oui, pour les vikings !

Thomas: J'arrive à l'avant-dernière question. D'habitude, je la met à la fin et je la pose à tous les groupes que j'interviewe.
Pour toi, en 2015, qu'est-ce qu'est Corvus Corax ? En un seul mot si possible ?

Castus: De l'amusement.

Thomas: Ca c'était spontané ! D'habitude, les gens sont entrain de se dire "mince, ça c'est une question compliquée" et réfléchissent. Mais l'amusement, ça c'est logique !
Donc, la dernière question sera pour toi. Qu'est-ce que tu aimerais dire à nos auditeurs et lecteurs ?

Castus: On peut aussi s'amuser sans Corvus Corax, mais avec, c'est encore beaucoup mieux ! (rires)

Thomas: Merci beaucoup !

Castus: (en français) A votre santé !
 

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Et la démonstration de l'amusement et du plaisir de faire la fête sera donnée quelques heures plus tard dans un excellent concert, qui résume à lui tout seul la philosophie du groupe !


Thomas Orlanth


Photos : © 2015 Thomas Orlanth  - galleries complètes sur le site internet: www.thomasorlanth.com / Facebook . Toute reproduction interdite sans autorisation spécifique du photographe.

 

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