Mario Duplantier, batteur de Gojira, au Hellfest 2016

"Ce n’est pas dans l’auto-caricature qu’on s’épanouit."

 

Entre deux concerts endiablés, nous avons pu nous entretenir avec Mario Duplantier, l'emblématique batteur du plus célèbre groupe de metal français : Gojira. Nous en avons profité pour parler de leur nouvel album, Magma, mais aussi de leurs racines death metal, sans oublier leurs projets futurs. Car Godzilla a déjà l'oeil tourné vers d'autres horizons.

On se souvient de la chanson « Liquid Fire » sur l’Enfant Sauvage. Joe déclarait en interview que le thème des paroles, ce feu, à la fois indomptable et toujours en mouvement, évoquait les quatre musiciens qui forment Gojira. Est-ce que tu penses qu’on peut y voir un avant goût de ce que Gojira allait faire sur Magma ?

Mario Duplantier : Oui, probablement, c’est une bonne analogie. Le feu liquide, on peut assimiler ça à du magma. Après, musicalement, « Liquid Fire » est un peu un ovni, et nous n’avons pas forcément eu l’envie d’aller dans cette direction. Ce nouvel album, c’est du magma. Donc je vois un lien thématique entre les deux, mais pas au niveau musical.

Est-ce que tu crois qu’avoir fait cet album moins technique et agressif est une réaction par rapport à votre passé, notamment Terra Incognita, qui est nettement plus hargneux ?

J’avais 17 ans  à l’époque de Terra Incognita. Aujourd’hui, j’en ai 34, tu vois ! Je ne pense pas que ce soit une réaction, c’est juste qu’on est obligés de suivre notre instinct, et on a eu envie d’aller vers un son différent, d’explorer de nouveaux territoires musicaux. C’est vital pour nous, c’est grâce à ça que l’on reste stimulés et motivés à continuer. Ce n’est pas dans l’auto-caricature qu’on s’épanouit. Et on respecte notre passé, chaque album est une photographie du groupe à cette époque. Notre passé death metal est respectable, ce sont nos origines. Mais aujourd’hui, dans notre réalité mentale, physique, notre âge, nous devions faire un album qui soit en phase avec nous même. Nous sommes donc allés vers Magma, qui a effectivement un son plus rock.

On vous sait de grands fans de Metallica. Est-ce que vous avez pensé au Black Album en faisant Magma ?

Le Black Album est toujours une référence. Comme Chaos A.D d’ailleurs ! La différence, c’est que Metallica a bossé avec leur producteur Bob Rock, qui a vraiment orienté leur musique différemment. Ils avaient aussi des chansons comme « Nothing Else Matters » qui peuvent passer en radio. Nous, même quand on se calme, ça peut pas trop passer en radio ! Par contre, au niveau de la maturité et de la qualité d’écriture, on y faisait parfois référence quand on en parlait, en se disant que Magma était notre Black Album. Pour la première fois, on était totalement satisfaits par les chansons, chose qui n’était forcément vraie avec The Way of All Flesh et l’Enfant Sauvage. Là on s’est dit : « Putain, on a enfin fait l’album qu’on voulait entendre ! ».
 

Gojira, Mario Duplantier, Warner music, Magma, 2016, sea sheperd ep, silver cord studios,


J’ai cru comprendre que vous aviez pas mal de morceaux qui n’ont pas été intégrés sur l’album, parce qu’ils étaient trop sombres. Qu’allez-vous en faire ?

Oui, on a tenu compte de l’humeur de l’album. Au début, on est parti sur des morceaux assez sombres et mélancoliques, certains assez violents aussi. On a respecté ces morceaux jusqu’au bout, et on serait capables de faire des morceaux très grind et rapides. Mais c’était une volonté du groupe de mettre en avant d’autres humeurs, plus lumineuses. Des morceaux comme « Stranded » ou « Silvera » ont une tonalité plus dynamique et moins dépressive. Donc ces morceaux existent, ils ne sont pas tous finis. Peut être qu’on les sortira, un par ci, un par là… En tout cas, on va essayer de recycler ce matériel.

Puisque tu parles de recyclage, parlons de l’arlésienne Gojira : l’EP Sea Sheperd qui n’a jamais vu le jour. Est-ce que vous comptez le sortir un jour ?

On en parle beaucoup en ce moment, on aimerait vraiment le sortir. Là, je vais te dire quelque chose qui n’a jamais vraiment été révélé jusqu’à présent : je pense que « Of Blood and Salt » était abouti [NDLR : seul morceau de l’EP sorti dans une compilation], mais que les autres chansons ont encore besoin d’être poussées dans la composition. Donc j’aimerais qu’on puisse les peaufiner. On a effectivement eu un crash de disque dur et ça nous a coupé dans notre élan. Du coup, on a vite rebondi sur l’Enfant Sauvage, et ensuite, il y a eu la tournée, et c’est passé à la trappe. Donc l’idée n’est pas de repartir de zéro et aussi de garder les contributions des invités comme Fredrik Thordendal.  On va essayer de faire ça l’année prochaine.

Sur Magma, on ne retrouve plus votre crissement emprunté à Morbid Angel, qui est devenu votre signature. Ce son a été plus ou moins remplacé par des effets à la pédale Whammy. Penses-tu que cet effet va devenir votre nouveau gimmick ?

Non, tu sais, en studio, on est comme des gosses. Un jour, on est arrivé dans le local, et il y avait cette pédale Whammy qui traînait. Et comme tout musicien qui aime expérimenter, on a commencé à expérimenter avec cette pédale. Il n’y a pas eu vraiment de volonté d’utilisation à long terme, elle était là, on a fait quelques riffs avec, ça risque de s’arrêter là. La spontanéité fait partie de notre manière de composer.
 

Gojira, Mario Duplantier, Warner music, Magma, 2016, sea sheperd ep, silver cord studios,


Par rapport aux studios Silver Cord. J’ai cru comprendre que Joe voulait produire des groupes. Est-ce que tu vas t’investir là-dedans ?

Non, je ne ne vais pas travailler à Silver Cord, c’est le projet de Joe. Ceci dit, j’ai été très impliqué dans la production et les arrangements de Magma. Mais pas pour d’autres groupes, je n’ai pas envie de bosser dans un studio, ça ne m’attire pas. [rires]

Par le passé, vous avez souvent pris en tournée avec vous des groupes qui, selon vous, mériteraient une plus grande reconnaissance. Je pense par exemple à Car Bomb, Klone, Hypno5e ou Trepalium.

C’est vrai ! Personnellement, j’adore Hypno5e et Trepalium, et j’aimerais beaucoup retourner avec eux. On a aussi tourné avec The Atlas Moth aux US, et j’ai beaucoup aimé les écouter tous les soirs. J’aimerais beaucoup tourner avec Wolves in The Throne Room, tous ces groupes de black metal hipster ! [rires] On pourrait aussi le faire avec Car Bomb, parce qu’il y a leur nouvel album qui arrive, et c’est une tuerie explosive !

Il me semble que c’est Joe qui le produit.

Oui, tout à fait ! Ils ont un peu épuré leur style, c’est plus accessible maintenant. Il faut dire que ce qu’ils ont fait jusqu’à présent est tellement incompréhensible que même les musiciens ne peuvent pas comprendre ! Mais là, ils arrivent avec un album… Attention, quoi, une bombe nucléaire, tout en étant beaucoup plus intelligible.

On se souvient encore de leur passage avec Meshuggah en Europe.

Oui, eh bien la présentation s’est faite par nous ! [rires]

Dernière question : qu’écoutes-tu en ce moment ?

Pas de metal. J’écoute beaucoup le dernier James Blake, rien à voir donc ! Mais après, tu vois, j’aime autant Meshuggah que Radiohead. Ah si, j’écoute le dernier Deftones ! C’est un groupe qui a bercé mon adolescence, et qui est resté de qualité avec les années, je trouve. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de groupes qui, je ne sais pas pourquoi, perdent en crédibilité artistique avec le temps. Mais eux non, ils restent ultimes !

Interview par Tfaaon

 

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