Léo Leoni guitariste de Gotthard

 "Il faut toujours y croire et travailler pour s'améliorer !"

A l'occasion de la sortie de l'album Silver (le 13 janvier 2017 – PIAS), c'est Léo Leoni, guitariste soliste du groupe Gotthard et de passage à Paris, qui s'est prêté au jeu de nos questions, au beau milieu du show-room Gibson, et entouré d'un nombre impressionnant de guitares...

La Grosse Radio : Bonjour à toi Léo ! Gotthard s'apprête à sortir Silver, douzième album pour les vingt-cinq années de carrière, comment as-tu abordé le travail de composition du nouvel album, après toutes ces année ? Est-ce que les choses ont été faites de la même manière que les albums précédents ?

Léo : Eh bien tu sais, comme pour tous les albums, tu dois commencer quelque part. Tu commences en écrivant les morceaux, par poser les idées, regarder ce que tu peux faire avec ces idées collectées dans l'année. On a toujours fait comme ça, c'est de l'entraînement et ça fonctionne bien. Chacun a ses idées au début du travail de l'album, on commence à évaluer ce qu'on peut utiliser, tous ensemble.

Vous avez sorti le premier clip et single ''Stay With Me'', c'est une ballade sans vraiment en être une ?

Une headbanguing ballad !

Ça colle pas mal oui ! Pour nous, ce n'est pas forcément représentatif de l'ensemble de l'album, pourquoi choisir un titre comme celui-ci ?

Je ne sais pas, si je regarde tout l'album il y a des ballades et des morceaux rock. Donc si tu mets tout ensemble, on arrive en moyenne à un titre comme celui là, avec un peu de blues dedans... En fait je trouve que c'est vraiment représentatif de l'album.

Si on parle de headbanguing ballad, alors d'accord ! A propos du clip, il a été tourné dans le château Weissenstein en Allemagne, ayant servi de décor au film "Les Trois Mousquetaires". C'était la raison précise de ce choix de lieu ou est-ce un pur hasard ?

En fait je cherchais ma nouvelle maison, et on est tombé sur cette ''vieille'' bâtisse, j'ai dit ''ouais c'est joli !'' mais depuis qu'ils s'en servent pour le cinéma, je pense que c'est trop populaire maintenant... (rires).

Est-ce que les filles étaient déjà dedans ?

Non ! Malheureusement... Alors non, en fait, on cherchait au départ quelque chose de spécial, qui n'etait pas vraiment connu, et on l'a su après que c'était utilisé par le cinéma. Nous sommes tombés sur ce château, c'était fantastique. A voir dans le clip c'est une chose, mais en fait il faut le visiter car il y a la plus grande collection privée au monde de tableaux ! Il y a des pièces vraiment très importantes, on a eu la chance de pouvoir visiter et c'était vraiment incroyable.
 


Cela fait maintenant trois albums que Nic Maeder fait partie du groupe, comment participe-t-il au processus de composition ? Quel est ton ressenti par rapport à l'évolution des titres depuis son arrivée ?

Tu sais, quand on a commencé avec Nic, un des points qui étaient importants pour nous quand on a fait l'audition du nouveau chanteur, c'était la composition. Savoir si on pouvait travailler ensemble. Donc ça veut dire que Nic a été impliqué dans l'écriture dès Firebirth. C'est vrai que maintenant, cela fait cinq ans que l'on est ensemble, on travaille ensemble, on se connaît bien plus, on est plus en phase.

Donc venant de lui maintenant, ce n'est pas que des écritures de paroles, c'est aussi de la direction artistique, des idées de riff...

Pour la direction artistique, Gotthard c'est Gotthard. Il y a déjà une ligne directrice, tu ne peux pas vraiment changer grand chose. Mais c'est vrai que chacun a son idée de la musique, et lui il a amené sa ''marque''. Mais ce n'est pas complètement différent de ce que l'on faisait avant quand même. Silver correspond au vingt-cinquième anniversaire de la sortie du premier disque, mais moi je pense aussi que c'est vraiment Gotthard. Quand j'écoute Silver, pour moi, ça reste Gotthard. Ça aurait pu être notre deuxième, notre troisième disque... On peut le comparer à un album classique de Gotthard pour moi.

Dans une interview récente, Nic explique qu'il n'a plus trop le temps de revenir en Australie, du coup, quelle est votre implication à tous au sein du groupe ? Est ce qu'entre les tournées et les albums vous avez un peu de temps pour vous au final ?

Moi en tout cas j'ai pas beaucoup de temps pour me reposer ! C'est vrai, y a pas vraiment beaucoup de temps parce qu'on essaye d'enchaîner albums et tournées. Ensuite, chacun de nous a quelque chose à faire avec le groupe en plus, moi je m'occupe de la production, Hena s'occupe un peu du fan club, chacun fait quelque chose à côté aussi...

Tu dois nous raconter l'anecdote qui se cache derrière le titre ''Tequila Symphony No.5'', forcément une histoire de soirée arrosée... Non ?

C'est assez ironique, il y avait Freddy qui apportait ce chorus, les mélodies étaient là, et puis on ne savait pas quel riff ajouter... Je lui ai proposé un riff qui se rapprochait de la ''Symphonie No. 5'' de Beethoven, ces quatre notes caractéristiques. Tout le monde connaît ! Pour la Tequila, si tu écoutes le morceau, il parle d'un hommage à Beethoven, en espérant laisser quelque chose d'aussi grand que lui a pu nous laisser. Il buvait aussi, de la tequila, du vin ou du whisky ça je ne sais pas mais, en rigolant, on s'est dit qu'après une soirée arrosée on pourrait créer quelque chose ayant autant d'impact que sa musique... Mais c'est fait avec grand respect ! Ce n'est pas comparable à sa musique bien sûr.

Sur cet album on retrouve à nouveau de belles parties de guitares, comment tu construis les soli, c'est improvisé ou écrit à l'avance ? Quelle part laisses-tu éventuellement au feeling ?

Freddy par exemple, il voit les choses. Il essaye. Moi aussi, je vois ou je veux aller, mais je prends ce que j'ai sur le moment. Le feeling est important pour moi, c'est une petite partie de la chanson au final. Et puis il y a des morceaux sans soli parce que parfois il n'en faut pas, mais par exemple pour ''Tequila Symphony No. 5'', j'avais cette vision, je voulais faire quelque chose qui était dans la direction classique, une parodie, c'était l'idée, et c'est venu sur le moment. Je travaille très souvent comme ça. Tant que l'on sert le morceau, la musique, avec un solo ou en rythmique c'est la même chose, et c'est le plus important. Comme avec ce titre, ce serait incroyable d'écrire un riff qui reste comme la Symphonie No. 5, à la manière du riff de Ritchie Blackmore pour ''Smoke on the Water''. C'est un des rêves de chaque guitariste d'écrire LE riff, qui restera à travers les générations. Chaque personne ou gamin qui prend une guitare, la première chose qu'il essaye de jouer c'est le riff de ''Smoke on the Water''... Ou l'air de Beethoven pour du piano !
 


En concert live, quelle différence fais-tu entre des dates de festival et les dates en salle ou le public vient pour vous, à part la longueur du set ? Y-a-t-il un état d'esprit ou un but différent entre les deux possibilités ?

La longueur du set est la chose qui détermine ce que tu vas vraiment faire. Ça veut dire qu'en festival, si tu n'es pas tête d'affiche, tu n'as pas tout le temps pour un vrai set, peut être une heure si tu as de la chance... Tu fais un best-of ? Plus de morceaux du dernier disque ? Vu que c'est notre vingt-cinquième année on va devoir jouer de vieux morceaux tout en présentant Silver bien sûr. C'est un choix suivant le temps disponible. Et pour moi, c'est plus difficile de jouer dans les petites salles qu'en festival. C'est des dimensions très différentes. En festival je nous conçois un peu comme un groupe de reprises, c'est pas grave si tu te trompes un peu, tu es un peu excusé si les lumières ne sont pas parfaites, le son moins bon etc... En tête d'affiche d'un festival ou dans une salle, les gens sont là pour toi. C'est plus difficile, ça fait une différence dans le public aussi, mais c'est comme ça !

Est-ce que l'on peut espérer un nouveau live acoustique comme le D-Frosted ? Depuis cet album, beaucoup de nouveaux morceaux acoustiques se prêteraient bien au live, non ?

D-Frosted date de 1997, et les guitares acoustiques sont présentes dans nos productions en permanence, le morceau ''Why'' par exemple en avait besoin. Peut être que l'on y reviendra un jour oui ! Mais changer des morceaux électriques en acoustique pour un live, non... On a des morceaux écrits comme cela, c'est devenu une partie des titres plus importante au fil des albums. Hormis pour de la promo en radio par exemple, ou on se doit de jouer en acoustique, parce que pour eux c'est mieux. Pas pour nous ! On le fait mais les morceaux n'ont pas été pensés comme cela.

Après vingt-cinq ans de carrière, est-ce qu'il y a des morceaux que vous n'avez encore jamais joués et que tu voudrais jouer, et comment arrivez-vous à construire une set-list avec autant d'albums ?

C'est comme essayer de demander à un mec qui fait du Bordeaux, de lui demander : c'est quelle bouteille qui te représente le plus ? L'année x ? Une autre ? Y a des bouteilles qu'il n'ouvrira jamais parce qu'il n'a pas à les ouvrir, peut-être parce qu'elles ne sont plus bonnes. Mais il les a. C'est la même chose. On a des morceaux que l'on a jamais joué, et que l'on ne jouera sûrement jamais. En tout cas il y a des morceaux qu'il faut faire, c'est difficile à dire. Il faudrait les faire tous pour contenter tout le monde. Regarde AC/DC, Deep Purple ou les autres, ils doivent jouer les titres les plus connus comme ''Smoke on the Water'' par exemple. Tu ne peux rien y faire, c'est comme ça !

Petite question matériel : on voit beaucoup de groupes jouer sur des amplis numériques, sans ampli sur scène, mais avec des retours en oreillettes. Pourrais-tu lâcher tes stacks Marshall sur scène pour avoir ton son de guitare uniquement aux écouteurs ?

Ils ont essayé de me mettre des ears-monitors il y a quelques années. Ils les ont récupérés au bout d'une minute et demi. La technologie avance, on ne peut pas dire je ne le ferai jamais, mais c'est deux choses vraiment différentes. Il y a des gens qui y croient, mais moi ce n'est pas mon truc. Je trouve que ce n'est pas la même chose, ce n'est pas mon son. Toutes les Gibson sont différentes, mais elles sonnent Gibson. Des amplis numériques vont t'aider si tu es à l'autre bout du monde sans ton matériel par exemple, et théoriquement tu peux avoir ton son. En pratique... C'est pas vraiment la même chose. C'est mon expérience. Si je peux avoir un ampli, je suis plus heureux. Pour avoir la puissance sur scène et et les réactions de l'ampli lui-même. Les vibrations, le feeling entre la guitare et l'ampli, sur scène comme en studio suivant le matériel que tu utilises... Tu penses que le numérique arrive au même résultat. Tu y arrives surtout quand tu joues tout seul. Mais dans une production par exemple, c'est difficile de placer ces sons là. Pour comprendre encore mieux, écoute la différence entre des répliques numériques de pianos très chers et les originaux. Le touché, la résonance, le son qui sort... Tu es plus heureux de regarder un film porno ou d'avoir une femme avec toi ? C'est pareil ! (rires).

Belle comparaison oui ! Mais il y a aussi le côté pratique qui doit jouer...

Quand on va en Amérique du Sud par exemple, on loue des amplis. Je n'ai pas les miens, mais il y en a d'autres et j'aurai plus ou moins ce que je veux quand même. C'est un compromis. Avec du numérique, tu amènes ton son, mais ce n'est pas ton son quand même, c'est un autre compromis. Chacun le voit comme il le veut. Moi je préfère un ampli ! Comme je préfère les femmes au porno !
 

Après ces vingt-cinq ans de carrière, quels seraient les conseils que tu aurais à donner à un groupe qui débute, pour essayer d'avoir au moins la même carrière que Gotthard ?

Je me suis toujours dit une chose : le temps que tu passes à critiquer quelqu'un d'autre, en disant je n'y arrive pas ou ce n'est pas possible... Passe le même nombre d'heures à travailler pour faire quelque chose, pour t'améliorer, et tu y arriveras, c'est le premier conseil. Beaucoup de monde aime se plaindre, c'est plus simple de dire ''Ah moi je pourrais jouer mieux que lui'', mais la différence c'est que ce mec là en est là. Ne pas se plaindre, ne pas s'arrêter au premier obstacle, il faut toujours y croire et travailler pour s'améliorer. Les plus grands artistes ont travaillé toute leur vie ! Musicien, peintre et autres, Johnny Hallyday il travaille encore aujourd'hui non ? Chanteur, acteur, il travaille... C'est ça que je veux dire.

L'album s'appelle Silver, est que l'on aura droit à l'album Gold pour les cinquante ans du groupe ? Comment te vois-tu dans vingt-cinq ans ?

(Rires) ça je ne sais pas ! Avant tout il faut penser, est-ce que dans cinquante ans il y aura encore des albums ? Est-ce qu'on sera encore là ? Je ne sais pas, si j'ai la force de faire encore quelque chose de bon, de ne pas être ridicule, de ne pas être une mauvaise copie de ce que j'ai fait par le passé, peut-être que oui. Tu dois être honnête avec ce que tu fais, avec ton corps, j'aurai donc 75 ans... Peut-être que je ferai du blues !

A propos du marché du disque, c'est un marché très difficile de nos jours, même pour les artistes généralistes et diffusés sur les radio nationales, beaucoup de musiciens n'arrivent pas à vivre correctement de leur art, et dans le metal en particulier. Comment as-tu vécu cette évolution ?

Oui c'est vrai, c'est toujours plus difficile. Mais, il y a une chose vraiment importante qui doit être dite, par les musiciens et par les gens comme vous qui s'occupent des médias. Est-ce que la musique a encore une valeur ? La réponse est oui, mais il faut le faire comprendre à tout le monde. Gratuitement ? Ça n'ira pas bien loin, un jour il n'y aura plus d'artistes qui pourront faire leur travail correctement, plus de studios... Il y a encore beaucoup de musique qui s'achète, beaucoup de guitares qui se vendent, et ça c'est important. Mais quand les gens ne donnent plus de valeur à la musique, les jeunes par exemple qui n'ont pas appris qu'il y a une valeur derrière tout ça, beaucoup de travail, des heures passées... Ça, c'est à vous de le faire comprendre ! Avant il y avait les maisons de disque pour rémunérer les artistes, et ça fonctionnait. Maintenant il y a beaucoup d'argent qui arrive, par Spotify, YouTube et autres, mais ce n'est pas partagé comme il le faudrait. Donc oui, il y a une crise, mais il y a toujours beaucoup d'argent ! Il faut trouver un système où tout le monde est gagnant. Par contre, utiliser Spotify pour découvrir des artistes, et acheter les albums derrière, ça c'est super ! C'est fantastique d'avoir tous ces moyens d'achat ou de découvertes, mais le partage derrière doit être juste.

Tu ne penses pas que le crowdfunding utilisé par beaucoup de groupes pour se financer peut être la réponse à cela ?

Non je ne crois pas. C'est demander encore plus à un fan qui donne déjà beaucoup, et le système ne doit pas fonctionner comme ça.

Merci à toi pour ces réponses, un dernier mot pour les lecteurs de La Grosse Radio ?

Essayez de donner toujours plus de valeur à la musique ! Nous, nous sommes déjà le passé. Ce sera important pour le futur !

Interview réalisée le 15 décembre 2016 à Paris
Merci à Replica Promotion.
Photographies: © Watchmaker 2016
Toute utilisation interdite sans accord du photographe.

 

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