Entretien avec Stéphan Forté, guitariste d’Adagio

C'est après huit ans d'absence qu'Adagio revient sur le devant de la scène metal prog française avec la sortie de son cinquième album, Life. C'est au Hellfest que nous nous sommes entretenus avec la tête pensante et guitariste de la formation, Stephan Forté, pour décortiquer ce nouvel opus et en savoir plus sur les projets d'Adagio.

Bonjour Stéphan et merci de nous accorder cette interview pour La Grosse Radio.

Salut !

Nous sommes ici pour parler de Life, votre nouvel album. Pour le sortir après près de huit ans d'absence, vous êtes passés par une campagne de crowdfunding réussie. Etait-ce un moyen pour vous de vous assurer que vos fans étaient toujours présents malgré ce long hiatus ?

Pas vraiment, même si cela nous a effectivement permis de voir les gens étaient encore là. Non, je t'avoue que quand on l'a lancée, c'était avec pas mal de crainte. J'ai un tempérament un peu défaitiste et pessimiste, mais peut-être justement car je préfère être surpris en bien. Du coup, généralement je pars sur le worse case scenario... On avait demandé 15 000 euros par rapport à l'objectif qu'on s'était fixé. Et honnêtement, je m'attendais à ce que nous récoltions 5000. Je flippais pas mal car nous avions pas mal de choses à engager et puis finalement on doit être à 27 ou 28 000. Donc c'était une énorme surprise de voir qu'après autant de temps les fans étaient toujours là et que les gens attendais vraiment l'album. Ça m'a conforté dans l'idée que nous étions dans la bonne direction.

Etait-ce important pour vous de vous libérer d'un label et d'une pression commerciale et marketing pour être totalement libre ?

Les labels avec lesquels nous avons travaillé ne nous ont jamais mis de pression commerciale. Celle qu'on a subit, elle est venue lorsque nous avons signé avec un nouveau management après la sortie d'Archangel in Black. On voulait nous faire prendre une direction beaucoup plus mainstream, qui n'était pas Adagio, et cela m'en a dégouté. J'ai donc pris la décision d'arrêter à ce moment là et de partir sur mes albums solo car là j'avais une totale liberté de faire ce que je voulais. J'ai quand même essayé de faire quelque chose avec ce management. Mais cela m'en a dégouté. Je les ai remercié, j'ai sorti mon premier album solo. Cela m'a vraiment plu donc j'en ai sorti un deuxième. J'ai monté mon label et là j'ai souhaité essayer avec Adagio, et même si c'était un groupe plus gros (et donc plus compliqué) je me suis lancé dans l'aventure.

Qui dit nouvel album, dit également nouveau chanteur. Ce poste a toujours été un poste à problème au sein du groupe. Est-ce vraiment si difficile que cela pour vous de trouver LA bonne personne ?

Oui ! C'est super dur à trouver. Chercher un chanteur dans ce style là, qui a une grande technicité et qui peut chanter plusieurs types de voix différents, et qui humainement est sur la même longueur d'onde que nous, c'est très difficile. Et en même temps, je veux quelqu'un d'étranger. Car en France l'accent fait que c'est un problème rédhibitoire. Ça a donc toujours été un gros problème ! On a eu Gus, Christian, Mat Levens...et Kelly. Mais avec Kelly cela faisait longtemps que nous voulions faire quelque chose de concret ensemble. Au départ, il habitait au Texas, donc c'était impossible qu'il rejoigne officiellement le groupe. Nous avions fait une tournée au Japon ensemble et ça a super  bien collé, mais en terme logistique, c'était pas possible. A partir de là on savait qu'on voulait travailler ensemble, mais on ne savait pas quand. Puis il a déménagé en Belgique et du coup il s'est rapproché, et ça a pu le faire.

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Il y a quelques influences djent sur ce nouvel album d'Adagio, comme sur "Subramanya" ou "Darkness Machine". On a également des thèmes orientaux...

Oui, il y a pas mal de fans qui ont été déconcertés quand on a sorti les premiers extraits en disant "Adagio a tourné djent". Non en fait. Moi mon principe c'est d'aller piocher des choses partout où ça me plait. Il y a des choses qui me plaisent dans le djent, c'est tout.

Justement, sur Archangel in Black et Dominate, on avait des influences black et death, là où les premiers opus étaient plus inspirés de Malmsteen et Symphony X. C'est important pour toi de tenter des nouvelles choses ?

Oui, mais cela se fait naturellement. C'est ce que j'écoute qui m'influence et je me rappelle à l'époque de Dominate et d'Archangel, j'étais vraiment dans Dimmu Borgir. Pour moi, le djent c'est du prog moderne, et sans clavier. Cela fait donc partie de mes influences. Mais je n'ai pris que quelques éléments, notamment pour l'intro de "Darkness Machine". Sinon pour le reste il n'y en a pas beaucoup. Donc c'est une demi-prise de risque pour moi. Parce que les fans de djent vont dire que nous sommes trop prog. Et pour les progueux, on a viré djent. Mais on ne peut pas faire plaisir aux gens, donc ma démarche c'est de me faire plaisir avant tout.

Est-ce que ces influences metal extrêmes moins présentes sont liées au timbre de voix de Kelly ?

Non, je n'en avais justement pas besoin. Il y en a un peu sur "Subramanya" et "Darkness Machine", mais ce sont les deux seuls titres où il y a du growl.

Quelle a été la part d'arrangements de Kevin sur les parties orchestrales et orientales ? Sachant que l'album a été uniquement composé par toi ?

Il n'a pas participé du tout aux arrangements. Je pense que tu dis cela car il travaille avec Myrath. Mais son bébé, son projet actuellement, c'est justement Myrath, qu'il manage et produit. Après, la musique d'Europe de l'Est et la musique orientales ont toujours fait partie de mes influences, dans mon jeu de guitare. A la base ma culture vient de Jason Becker et Marty Friedman, qui sont eux-même très influencés par ces musiques orientales et asiatiques, en plus du néo-classique. Sur cet album, Kevin a travaillé sur le mix. C'est moi qui ai produit Life, car j'ai une vision très claire de ce que je veux, mais Kevin s'occupe du mix.

Comment parviens-tu à distinguer si ce que tu composes va être pour Adagio ou finir sur un de tes albums solo ?

Parce que dès le départ je sais pour quoi je travaille. Quand je commence un album, je sais pour quel projet il sera écrit. Si c'est de l'instrumental uniquement, cela sera pour moi, si je dois incorporer du chant, ça ira pour Adagio.

Tu es connu pour ta technique en terme de guitare. Il y a toutefois beaucoup de mélodies dans cet album. Comment fais-tu la part des choses entre la technique et l'émotion ?

Je m'amuse autant à écrire des lignes simples qu'à enchaîner des plans en sweeping. Pour moi, les deux sont liés et les gens ont du mal à voir cela car ils associent la virtuosité à de la branlette. La technique, c'est un outil qui est nécessaire pour exprimer mes idées, mais la finalité c'est la musique, donc si la musique n'a pas besoin de shred, il n'y en aura pas.

Oui puis il y a des ballades, comme "Trippin' Away"...On sent que c'est important pour vous d'avoir cette approche mélodique.

C'est le plus important pour moi ! Ce qui prime ce sont les émotions et la technique va véhiculer les émotions. Une montée de gamme sera là par esthétisme, mais ce sera une envolée pour amener une note en particulier. C'est rarement gratuit. Après il y a des solo techniques par soucis de challenge, comme celui de "Subramanya". Mais c'est par ce que j'avais envie d'exprimer et que je trouvais cela beau. Une phrase de Nuno Bettencourt m'a beaucoup marqué. Il considérait que le solo était une chanson à l'intérieur d'une chanson. C'est exactement ça ! Du coup je n'improvise jamais mes solos parce que je suis pas assez bon improvisateur et que si j'essaye, je vais avoir tous mes réflexes de gammes qui vont revenir. Et ça donnerait quelque chose de mécanique et pas très intéressant.

Pourquoi avoir intégré Mayline, une violoniste dans le line-up officiel ?

En fait, ce n'était pas prémédité. C'est un ami qui me l'a fait découvrir et m'a dit qu'elle allait vraiment dans l'idée de son plus organique que je recherchais. J'ai écouté et j'ai bien aimé ce qu'elle faisait. Elle a accepté tout de suite de travailler avec nous.

Tu parles justement du mot organique. Etait-ce important d'avoir ces sonorités organiques pour contrebalancer le côté plus froid des instruments électriques ?

Oui. Plus j'avance, plus j'ai besoin de vie dans ce que je fais. C'est d'ailleurs le nom de l'album. Ce qui est intéressant c'est que le titre où il y a le plus de violon, c'est celui où le son des guitares est le plus froid. J'aime jouer comme cela avec les contrastes.

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On commence avec un violon, mais quand est-ce que vous finirez avec un orchestre ?

Quand on aura les moyens ! (rires). Mais ça a toujours été le rêve d'Adagio. Il y a une personne qui a essayé d'oeuvrer dans ce sens. C'est le député Patrick Roy, qui était un ami et qui est décédé depuis. Il avait commencé à mettre quelque chose en place pour que l'on puisse jouer avec le Philharmonique de Lille. Malheureusement, avec son décès cela n'a pas pu se concrétiser car tous les engagements pris avec les mairies se sont effondrés. Mais cela fait partie de nos objectifs. Car cela serait bien aussi d'avoir des instruments traditionnels d'autres cultures, comme du sitar.

Du coup, avec une musique uniquement occidentale, est-ce que tu te sens limité dans l'approche de la composition ?

Je ne me sens pas limité, non. C'est juste que les sonorités que j'aime sont ailleurs, dans plein de choses. Même dans la musique électronique. Dans Enigma, mon album solo, il y a même des passages dubstep. Parce que je ne m'impose pas de limites. Si quand je compose je n'ai pas une démarche égoïste, cela ne sera pas une démarche sincère et donc ce ne sera pas de la vraie musique pour moi.

On est au Hellfest, as-tu eu le temps de voir quelques groupes ?

Je ne veux pas rater Aerosmith. J'ai pas eu le temps de voir grand chose car je suis ici en priorité pour donner des interviews. Donc hier j'ai seulement pu voir Behemoth. J'ai trouvé qu'en plein jour cela perdait de son charme, mais c'était quand même bien.

Quels artistes émergents trouvent grâce à tes yeux en ce moment ?

Tesseract et Periphery. Mais je préfère Tesseract car il y a plus de textures sonores. J'aime beaucoup Kalindja. Et dans d'autres registres, j'écoute beaucoup de trip-hop, avec Portishead, Massive Attack...J'aime la musique électronique, de l'ambiant...Je sais c'est bizarre mais j'ai besoin d'écouter d'autres choses pour ne pas penser au boulot. Dans le rock, j'écoute beaucoup Led Zeppelin pour décrocher aussi du metal et ne pas me pencher trop sur l'aspect technique ou sur les plans en soi.

Avez-vous des dates de prévues, car il y a eu seulement une date au Petit Bain ces derniers temps ?

La date au Petit Bain, c'était surtout pour remercier pour le crowdfunding et présenter le nouveau line-up. C'était une retrouvaille. Pour les dates à venir, on est en train de développer le côté visuel et esthétique. Dès que nous serons prêts on se lancera. J'ai envie de plonger les gens dans une ambiance et sortir du cadre du concert en tant que tel.

Merci pour cette interview. As tu un dernier mot à adresser à nos lecteurs ?

Merci pour le soutien depuis un bon moment maintenant. J'espère que tes lecteurs vont aimer Life et qu'ils vont faire un vrai voyage avec cet album car c'est le but. Qu'ils n'hésitent pas à laisser un petit message sur notre page facebook et on les retrouve vite sur scène !

Entretien réalisé le 18 juin à Clisson
Merci à Guillaume de la Klonosphère qui a rendu cette interview possible.
Photos promo : DR

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