Perfect Giddimani – Reggae Farm Work

Avant toute chose, je tiens à mentionner Salomon Roots qui m’a été d’une aide précieuse pour la réalisation de cet article. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

On vous annonce la sortie de Reggae Farm Work de Perfect Giddimani depuis un bon mois déjà. En effet, trois morceaux ont déjà fait leur apparition sur Youtube et pas des moindres !

Vous avez pu découvrir le dubstep survitaminé "Nobody knows" et les excellents "Straight to mi heart" et "On my corner".

Car une fois de plus, Irie Ites a mis le paquet pour cette prochaine release avec l'un des singjays jamaïcains les plus talentueux de sa génération. Le label angevin nous a effectivement gâtés avec cette galette qui se révèle comme l'une des parutions les plus prometteuses et les plus abouties de ce début d'année 2016. Vous pourrez vous en rendre compte le 4 mars.

Perfect Giddimani ou tout simplement Perfect avait été révélé à l'international avec le titre "Handcart boy". Artiste éminemment prolifique, il a publié près de 800 singles et il signe avec ce Reggae Farm Work son neuvième album. En tant que Bobo Shanti, l’un des courants du rastafarisme (dans lequel on retrouve aussi Sizzla, Capleton…), il se réfère à Jah Rastafari et à tous les attributs rasta. 
Vous avez pu l'entendre dernièrement sur le Minstrel Riddim ou encore aux côtés de Tomawok dans "Good ganja weed" sur l'album Weedamuffin.

Aujourd'hui donc, c'est avec Irie Ites qu'il a choisi de collaborer, mais pas que. Car outre l'équipe du fameux label, on remarque la présence des Roots Radics (dont la magistrale ligne rythmique composée de Errol "Flaba Holt" Carter à la basse et de Style Scott à la batterie), mais aussi Mafia & Fluxy, Judi K, Willy William, Green & Fresh, Binghi aux percussions, Dean Fraser au saxophone et Nambo Robinson au trombone.

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Vous pouvez constater que ça en impose en ce qui concerne les musiciens. A propos des Roots Radics, on notera qu'ils jouaient aussi sur la version Irie Ites du célèbre Cuss Cuss Riddim paru en novembre dernier.

Quant aux instrus, il s'avère que ce Reggae Farm Work se révèle assez hétérogène, pas d'un point de vue qualitatif, j'entends bien, mais dans la composition. On l'a déjà évoqué plus haut, "Nobody knows" est un dubstep (surprenant de la part de Irie Ites !!) et Perfect Giddimani fait également quelques incursions dans le hip-hop, voire même la soul.

De soul, il en est question justement dès le morceau d’ouverture, "Nigerian girl". Enfin, je dis soul, c’est à prendre ou à laisser, ce sont les cuivres, en particulier, qui orientent le titre vers ce genre musical surtout dans la dernière partie. Le saxo pourrait même être mis en parallèle avec celui de "Englishman in New York" de Sting, composition aux influences multiples. Ou alors, vous pouvez l’interpréter comme une piste dub ; le skank s’efface par moment, voire est quasiment absent. Tout cela pour dire que "Nigerian girl" n’est pas un reggae classique, à proprement parler. En outre, la voix de Perfect est assez suave, a contrario de ce qu’il peut proposer habituellement.

Très bonne entrée en matière donc, avant de débuter franchement les hostilités, puisque le rythme de l’album va aller crescendo.

En effet, le reggae fait sa véritable apparition sur la deuxième chanson, "River Jordan". Comme son titre l’indique, les références rasta sont omniprésentes ici : "Lion of Judah" "Jah Rastafari", "Nyabinghi". Les instrus, notamment le trombone de Norma Robinson sont d’une rare qualité, tout comme la guitare solo. Cette dernière, dans la conclusion, pouvait laisser supposer une extended version, toutefois ce n’est pas le cas. On attend désespérement que le beat réapparaisse mais le morceau se clôt toutefois très rapidement pour laisser la place à "Never will forget Jah", dans lequel les Roots Radics font montre de leur incroyable potentiel. On se replonge dans leurs années de gloire (surtout  ici concernant la guitare de Dwight Pinkney et la batterie de Style Scott), celles de Channel One. Période également où ils backaient, entre autres, le grand Gregory Isaacs. La structure de "Never wil forget Jah" peut ainsi être perçue comme une référence à son album Night nurse . Sur le refrain d’ailleurs, Perfect adopte une voix avoisinant celle de l’artiste lover’s rock.

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J’évoquais Channel One, mais il est un autre grand studio jamaïcain duquel on peut déceler des influences certaines sur ce Reggae Farm Work . Je parle bien évidemment de Studio One, puisque "Wonderful people", adaptation du "Party time riddim" (avec ses cuivres immédiatement reconnaissables), initialement composé par les Heptones en 1968, sort tout droit de la firme de Coxsone Dodd.

Quant à "Back to black" (non, ce n’est pas une reprise d’Amy Winehouse) il repose sur un one riddim tout aussi fameux, le "Satta Massagana riddim" des Abyssinians. Alors que la version originelle était d’un aspect roots, Perfect la revisite sur un mode plus rockers ; en témoigne la guitare solo à la Mikey Chung.

Tonalité one drop pour "Showbiz", avant d’entamer les deux titres hip-hop de cet album, "S.T.F.U" et "On my corner". On remarque que Perfect est très à l’aise sur ces derniers et qu’il peut passer très facilement d’un flow reggae au chant scandé propre au rap. Si le premier titre est peut-être plus énervé, le refrain le confirme (je vous laisse deviner de quel acronyme il s’agit), "On my corner" s’oriente du côté du raggamuffin, voire du dancehall.

Petite démonstration en images.

Puis on revient au reggae au avec "Poorman", sur lequel on peut écouter un excellent Dean Fraser au saxophone. Car outre quelques solos lancinants, ça fait toujours plaisir d’entendre le skank joué par cet instrument.
Le remuant "Reason" est un rub-a-dub très efficace qui s’ouvre par un clavier remarquable. La qualité de la ligne de basse de Errol "Flaba Holt" Carter est également à signaler. On ne le dira jamais assez.

Ligne de basse moins prononcée sur la combination de cet album. En effet, c’est Spectacular que l’on retrouve sur "A.S.A.P" dans une tune au clavier digital en introduction mais qui propose une guitare solo qui résonne tel un leitmotiv dans cette track. 
On notera sur "Marcus fi us" le talent vocal de Perfect, capable, à l’instar d’un Sizzla, de modifier sa voix avec brio, de monter dans les aigus avant de reprendre un flow plus grave et raggamuffin.

Pour finir, nous allons aborder mes deux coups de cœur de ce Reggae Farm Work. Le dubstep puissant "Nobody knows" qui figure également sur une galette intitulée World War III Riddim, sur laquelle a aussi toasté Skarra Mucci. Car même si le dubstep est un genre musical en vogue aujourd’hui qu’on entend pratiquement partout, Irie Ites a su se le réapproprier. L’ambiance y est beaucoup moins dark que sur les productions anglaises et beaucoup plus aboutie que la soupe diffusée continuellement sur les ondes FM. "Nobody knows" conserve, bien sûr, toutes les caractéristiques du genre (basse bien grasse, rythme saccadé et effets électro), mais le label y a apporté sa touche personnelle en incorporant un skank. Normal ! Quant à Perfect, il arrive à très bien se positionner sur ce style. Quelle claque ce morceau !

Et pour "Straight to mi heart", il s’agit d’une reprise du "How long do I have to wait for you" de Sharon Jones, chef-d’œuvre soul. Il avait déjà bénéficié d’une adaptation reggae par Ticklah. Puis en 2014, Irie Ites en a fait un one riddim, baptisé Soulful Spirit Riddim. Skarra Mucci, Sizzla, Yellam, Papa Style ont, entre autres, chanté sur cette release. Si "Straight to mi heart" est donc une franche réussite, on regrettera que le label ait décidé de supprimer la guitare soul/funk du titre original. Il en reste donc une track exclusivement reggae, une massive ganja tune.

Le Reggae Farm Work est finalement un album varié en ce qui concerne l’approche stylistique. Irie Ites et Perfect n’ont pas craint de s’aventurer dans des genres extérieurs au reggae (mais qui lui restent proches d’une certaine manière) et sont parvenus à offrir un résultat des plus réussis. Les instrus, les arrangements, la voix du singjay révèlent une maîtrise prononcée du reggae music.

En un mot ? PERFECT !!

TRACKLIST

1 - Nigerian Girl
2 - River Jordan
3 - Never Forget Jah
4 - Wonderful People
5 - Showbiz
6 - S.T.F.U
7 - On My Corner
8 - Poorman
9 - Back To Black
10 - Reason
11 - A.S.A.P feat. Burnin’ Spectacular
12 - Marcus Fi Us
13 - Straight To My Heart
14 - Nobody Knows

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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