Forks – II

"la profondeur de cette musique étrange et envoûtante proposée à nos oreilles fatiguées par tant de titres et d'albums dénués d'ambitions est un pur bonheur"

Après un premier album éponyme, les suisses de Forks nous sortent un deuxième album appelé II. Fort heureusement, le groupe a plus d'imagination quand il s'agit d'écrire des morceaux que pour les titres de ses sorties. On avait laissé le quatuor avec un premier essai convaincant, ré-appropriation assez jouissive des codes de l'Acid Rock des sixties le long d'un album qui ne se refusait pas grand chose et qui passait à deux doigts du coup de maître, la faute à quelques petits défauts de jeunesse, notamment celle de traîner un peu trop ici et là. Pour le reste, l'alternance de morceaux efficaces avec de longs plans psychédéliques illuminés par des solos de guitare interminables (pour notre plus grand plaisir) sur lesquels se posait une voix féminine de bon aloi nous avait largement conquis. C'est donc avec joie que l'on se plonge dans la découverte de ce nouvel essai, qui a bénéficié d'une campagne de crowdfunding réussie.


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La pochette, l'intro du premier titre, la durée des morceaux qui s'affiche sur notre lecteur numérique... Seulement 5 titres, les trois premiers dépassant tous les 11 minutes. Oubliez l'efficacité, Forks a décidé de mettre les pieds dans le plat, quitte à se mettre certaines personnes à dos, rebutées par le manque de couplets-refrains. Tant qu'à être un groupe à la reconnaissance modeste avec des chances quasi inexistantes d'être diffusés en radio (bien sûr, on leur souhaite que ça marche), pourquoi se casser la tête à faire ne serait-ce que semblant de se soucier vaguement des conventions en vigueur ? Sur II, Forks a mis ses tripes en musique, ne se refuse rien et privilégie l'aspect purement artistique de sa démarche de création à toute autre considération. Soyez prévenus, il faudra accepter de se laisser entraîner dans cet univers pour avoir une chance d'apprécier l'expérience.

Pas de couplet refrains, pas de gentilles mélodies accrocheuses pour prendre l'auditeur par la main. "Profondo Rosso" démarre lentement, pesamment, et entraîne l'auditeur dans une transe sombre et étouffante. Les passages qui rappelaient l'euphorie des années 1960 ont disparu, c'est bien davantage la noirceur de la fin de la décennie et des années 1970 (la démarche n'est pas si éloignée de celles d'artistes comme le Velvet Underground et Lou reed), mais aussi bien sûr de notre époque contemporaine, qui transparaissent désormais. Curieux d'ailleurs de voir à quel point dans ces années 2010, le paraître, qui semble prendre toujours plus d'importance, côtoie la noirceur et le désespoir le plus terrible. Si Forks s'inspire de certains grands anciens et joue sur des instruments conventionnels, il est étonnant que sa musique ne sonne pourtant pas datée. Surtout, le groupe confirme de manière éclatante que l'on peut s'inspirer du passé sans tomber dans la redite ou le "revival" à deux sous. "Silencio" poursuit dans une veine assez proche, tout en s'éloignant doucement de la noirceur pour se rapprocher de la transe.


 

 

Après ces deux titres, ce sont les 12 minutes de "Sarah Jane" qui se chargent de mettre davantage de rythme et d'allant, avant que le single "Sunday Sunshine" ne nous ramène vers des terres plus conventionnelles. Presque dommage de devoir redescendre sur terre après de pareilles montagnes russes, mais comme l'indique son titre, le morceau fonctionne vraiment comme un rayon de lumière après avoir traversé un long tunnel (et démontre que le groupe n'a pas complètement tourné le dos au rock déluré). La montée en puissance de "Lake" est là pour conclure les débats de belle manière.
 

S'il est certain qu'apprivoiser cet album ne se fera pas en deux coups de cuillière à pot, la profondeur de cette musique étrange et envoûtante proposée à nos oreilles fatiguées par tant de titres dénués d'ambitions est un pur bonheur. Quel plaisir de se laisser entraîner, de ne pas savoir dans quelles directions le titre va nous entraîner, de partir à la découverte d'une oeuvre, une vraie, afin d'en découvrir tous les secrets ! Il en faut pourtant du courage, pour se jeter corps et âme dans des compositions aussi casse-gueule, et du talent pour parvenir à les faire vivre. Ambition et talent, soit deux mots qui résument parfaitement cet excellent album.

Pour découvrir le groupe, voici son Bandcamp avec l'album en écoute, et leur site Internet.
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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