Cyril Mokaiesh – Clôture

Si l'on entend aussi peu parler de Cyril Mokaiesh, c'est que les mass médias ont bien joué leur rôle de censure, si bien d'ailleurs que dix ans plus tard, ce jeune porte-drapeau de la chanson Rock peinte en rouge peine à élargir son audience. Il est vrai que depuis deux ans, on assiste à un retour progressif de cet engagement dans la musique rock au sens large, avec des groupes comme Tagada Jones et son EP deux-titres Je Suis Démocratie, Luke et son Saez-like à la sauce électro-pop-rock Pornographie, No One Is Innocent et sa doublette coup de poing réunissant l'explosif Propaganda au génial Barricades Live, ou encore, plus récemment, les premiers jets du Manifeste de Damien Saez, sans oublier la reformation historique de Trust, la sortie du dernier Humeau ou du Benvenuti. Des déceptions aussi, avec le retour de Renaud qui, face à un Bernard Lavilliers toujours plus engagé et cohérent dans ses propos, semble avoir trahi ses vieux idéaux et être devenu un pur produit du système. Mais revenons-en à Mokaiesh qui nous revient en grande forme, deux ans après son très mélancolique L'Amour Qui S'Invente porté par des titres tels que « Buenos Aires », « La Nuit » ou « La Demande », avec un nouvel effort.
 

Crédits photo : Droits réservés


Adieu l'ère du « Communiste » qui chantait sous la bannière d'AZ, filiale du groupe Universal Music France, pendant sept ans... Le revoilà traçant sa route avec Un Plan Simple, petit label indépendant créé fin 2012 (parmi les artistes signés, Dan Black et Singtank des Américains de MGMT), sur lequel le prodige trentenaire avait sorti une oeuvre d'une toute autre mouvance en 2015, Naufragés, en compagnie du pianiste Italien Giovanni Mirabassi, de nouveau crédité sur un morceau au style résolumment BO du nom de « Une Vie ». Cyril Mokaiesh pourra ainsi compter sur sa solide fan-base, des jeunes fans absorbés par son engagement humain et politique aux fidèles de L'Humanité qui avaient pu le découvrir à La Fête de l'Humanité en septembre 2011 à l'heure de son désormais classique Du Rouge et des Passions. Musicalement, même si l'on reconnaît immédiatement la patte de Mokaiesh sur la seconde partie du disque beaucoup plus posée et poétique, qui, dans l'idée, n'est pas si éloignée d'un L'Amour Qui S'Invente, Clôture est un album qui tranche littéralement avec les précédents car très proche d'un album d'actualité, d'un pamphlet, d'un manifeste.
 


"On vous laisse la tribune les honneurs du pouvoir, on vous laisse voler la victoire". C'est sur cette phrase forte de sens que le disque démarre en trombe. Ouverture faite par le très politique « La Loi du Marché », en duo avec nul autre que le patron Bernard Lavilliers ! Sensation étrange que d'avoir affaire à une pièce aussi poignante dès les premières écoutes tant les arrangements sont fins et possédent une identité, un tampon, une marque de fabrique assez incroyable. Censuré par la plupart des radios Françaises pour ses prises de position humanistes (ce que dénoncera Mokaiesh très vite après la sortie du single sur sa page Facebook), « La Loi du Marché » constituera, aux côtés du morceau « Je Fais Comme Si », un ensemble de titres très fusionnels : présence d'un mini-orchestre, d'une mélancolie quasi-contagieuse, de paroles sombres et de moments vibrants (cf. la montée d'adrénaline à 1:08 de « Je Fais Comme Si », par exemple). Dans une moindre mesure, on pourrait ajouter le dramatique et terrifiant « Novembre à Paris » ("La haine a sali, nos brèves de comptoir. En mémoire quelques amis, tombés par hasard") qui joue habilement sur un duo électro-orchestral et quelques guitares rock saturées. Recette qui sera par ailleurs ré-exploitée avec brio sur « Seul » où certains passages mettront en exergue une énergie et une puissance émotionnelle semblable à une pièce de musique classique (cf. de 1:17 à 1:22), ce qui nous rappelle Du Rouge et des Passions, album à la fois si simple, si pur et si représentatif de ce qu'est Mokaiesh.
 

Malheureusement, on aura aussi quelques titres en-dessous du lot comme cet « Houleux » marqué par les lignes de chant tout en retenue d'Elodie Frégé mais qui manque de punch dans sa globalité et « 32 Rue Buffault », chanson qui nous semblera un peu mielleuse au niveau des refrains. Toutefois, les petites incartades de Clôture ne suffiront pas à nous gâcher le plaisir d'écouter ce disque. "L'enfant de la république en colère" nous livre ainsi sa tranchante poésie révolutionnaire sur l'accrocheur « Ici en France », d'un savoureux "la fachiste blondeur s'invite au débat" en passant par une petite pique aux médias "[...] et dans l'art des médias, aux allures de diktat". Et comment faire l'impasse sur le titre-éponyme « Clôture », son feeling à la Léo Ferré, qui soulève nombre de questions ("combien de fois faut-il mourrir pour être audible ?") et de réflexions sur le comportement moutonnier des hommes, le licenciement en Europe, l'opposition au capitalisme et le vote "par pitié, ne votez plus!".


C'est un fait. Cyril Mokaiesh s'affirme de plus en plus. Entre hymnes humanistes, résignation, introspection et contemplations musicales, Clôture est un album qui se vit, se goûte une, deux, trois fois, pour en comprendre le sens et s'imprégner de chaque phrase forte de ce onze-titres. "J'pense qu'on va aller au cinéma revoir le Petit Prince. C'est réussi ce qu'ils ont fait en animation... puis j'ai grave envie de dessiner un mouton..."

Sortie le 20 janvier chez Un Plan Simple
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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