Maudit Tangue – Compilation Rock île de la Réunion

"Réunion, rock’n’roll island !!!" Mais, arrêtez les substances hallucinogènes et les psychotropes divers et variés ! La Réunion, tout le monde le sait, c’est le pays du Maloya, du Sega, du Nintendo… Puis y a pas de rock, là-bas ». Comme dans tout cliché, il y a un fond de vérité. Mais il subsiste quelques îlots de résistances qui luttent pour maintenir vivace une flamme rock bien présente.

Preuve en est, cette compil sortie tout droit de l’association Ravine des Roques regroupant bon nombre de pirates et flibustiers prêts à redonner au rock ‘n’ roll ses lettres de noblesse sur l’ile Bourbon. Maudit Tangue regroupe des enregistrements live, bruts de décoffrage, effectués lors des festivals Rock à la Buse et Dr Alexis Festival en 2010 et 2011 (il a fallu un peu de temps pour traverser les océans). Y en a pour tous les goûts ! On part du ska roots pour les plus calmes jusqu’au gros métal bien énervé en explorant ici et là le coté alternatif de la force rock ‘n’ roll. Petit tour d’horizon des différents protagonistes.

 

 

La partie ska roots est assurée par Rocksteady Sporting Club. On sent bien l’influence des pionniers comme les Skatalites. Du reggae rapide quoi. Pas ma came mais super bien foutu. Le mélange des deux voix est top. "Arte Bella" nous offre un havre de pet (comprendre pétards plutôt que flatulence) dans cette compile de brutes. C’est joliment fait bien que peut-être un peu hors sujet dans le cadre de cette compile. Allez, la Réunion est une terre de mixité. Soyons tolérants. Tchiguidop Tchiguidop ! Les gardiens de l’esprit two-tone à La réunion relèvent le flambeau efficacement.

La Réunion, territoire punk ? C’est bien ce qu’essayent de nous prouver les Circle-A. Leurs morceaux dépassent à peine les deux minutes, ce qui est bien suffisant pour nous en mettre plein les feuilles. Donc si on a des choses à dire, il faut le faire vite. Des Ramones du 21ème siècle, bien que j’ai cru noter un morceau à plus de quatre accords. C’est l’influence hard-core qui s’y mélange… Pas grave. C’est des punks. Le son est bien crade. Marco, tatoueur de son état, officiant ici à la six-cordes, s’en porte garant. Parfois on sent l’esprit des Toy Dolls. Prendraient-ils des substances illégales pour jouer aussi vite et être aussi furieux ? En tout cas ces 2 minutes 30 passent à la vitesse de la lumière. Réunion, punk island ! En plus la voix de la chanteuse anglaise Penny sait se faire "soooo" sexy. Ca donne un coté punk vintage type Blondie. C’est bien.
 

 


 

Du rock alternatif à la Réunion ? Y en a aussi. C’est le boulot du Cri de l’Entonnoir ou de AOC entre aucritres. Pour les premiers, Du pur rock alternatif lorgnant tantôt vers les Béru tantôt vers Ludwig von 88. Poum Tchac Poum Tchac !!! T’en veux du rock alternatif en français. Y en re-n’a. Si Bruno de Sergent Garcia était parti à la Réunion au lieu de partir vers les contrées africaines, il aurait fini dans les Cri de l’Entonnoir, c’est sûr, et il n’aurait pas abandonné le rock alternatif. Emmené par Chucky, célèbre metalleux réunionnais, à la gratte et au chant, le Cri de l’Entonnoir va vous emmener loin. Ces gens là on déjà entendu un entonnoir crier ! C’est pas rien quand même. Les AOC rajoutent au coté alternatif, un petit coté franchouillard dans les intonations à la Bernie Bonvoisin bien que les textes soient bien plus philosophiques. "Ou est passé mon béret" semble bien plus inquiétant que "Les Sectes" ou "Le Mitard". Aussi intellectuel que les Wampas ou mieux le Louison Bobet des Ludwig Von 88. On a là, les fervents défenseurs du "rougail rock" comme ils se définissent en référence à une valeur sûre de la cuisine locale. Une bande de potes qui s’éclatent à faire leur musique. C’est t’y pas ça tout simplement ça être rock ‘n’ roll ?

On trouve aussi du bon vieux rock, « bien retro » (cf. Marty Mc Fly dans Retour vers le Futur). Les Riske Zero s’y collent avec leur chant en français influence Noir Désir. Ca cogne fort derrière les fûts. C’est du rock poilu. Bien ficelé. Ca ne dit pas que des conneries. C’est agréable à écouter et pas mal écrit du tout.

Golgot VR sort des sentiers battus malgré son bon gros rock traditionnel. Un petit coté garage sixties pas déplaisant du tout avec un clavier envoûtant qui balance des nappes lysergiques. Le chant s’inspire parfois du Robert Smith période grandes envolées lyriques. Disto et fuzz s’acoquinent avec les grattes de golgot VR. Des ambiances planantes, un univers particulier. A découvrir. On tient ici les délires sous acide d’un fan de Goldorak (pour les plus incultes les golgots étaient des robots destinés à détruire Goldorak…) me suis-je dit. Renseignement pris, le gars n’a jamais entendu parlé du robot d’Actarus et, pour lui, les Cure évoquent uniquement Vichy quand il a mal au foie. Malgré cela, musicalement ça tient la route. Les paroles sont déjantées. Particularité non négligéable, Golgot VR, c’est le one man band de la Réunion. Le coté Do It Yourself poussé à l’extrême.

Rayon rock ‘n’ roll mais avec une dose de funk, je demande Les Salauds. D’entrée ça groove. Manifestement Flea des « Petits Piments Rouges qui Piquent le Cul » a fait des émules au pays du piment oizo. Les textes en français rappellent parfois les beaux jours de Thiéfaine. L’esprit d’Elmer Food Beat est dans la place pour revisiter le mythe de l’infirmière bandante sur "Uniforme". Les Salauds nous montrent un grand talent dans le maniement de la langue (pas l’organe, les mots). Le tout est posé sur un rock classique mais efficace. Ils représentent le funk rock "made in péi".
 


La Réunion. Principale ressource, le sucre, l’ananas, le rhum… mais aussi le métal ! Chez les Tukatukas, le chant se fait très Maidenien période Dickinson, notamment  sur "I Told You Backwards". La chanteuse Laetitia vient de la scène métal et officiait dans Deep Krisis. On a là du bon gros heavy metal mélangé avec un coté hard-core type Suicidal Tendencies saupoudré d’une pincée de folie punk. Leur morceau "No Gun For Kids" va nous fâcher tout rouge le vieux Charlton Heston, fervent défenseurs des armes en vente libre.
 

tukatukas
 

Moi, je vois bien Mike Muir chanter ça avec son bandana et son bermuda trop grand. Ah pour l’anecdote, quand on leur demande pourquoi un tel nom de groupe, ils nous répondent que c’est le son que produit leur batteur pendant les morceaux. Quoi qu’il en soit, les Tukatukas sont actuellement un des fer de lance de la scène rock réunionnaise et leur aura a franchi les limites insulaires lors d'une tournée métropolitaine en 2011 sous la houlette du label Massprod.


bb
Pour finir, deux groupes ont crée un univers qui leur est propre. Black Babouk nous propose musicalement du métal old school avec le titre "Met’Encore" mais avec des textes en français bourrés de références au Créole. Si James Hetfield avait été réunionnais, Metallica aurait sonné comme Black Babouk. En plus, les adjonctions d’interview en VO créole sont terribles. Yes, on peut faire du métal en Créole ! Nico Nourry (ex-Zears) a depuis quitté le groupe. Est-il parti à la manière de Trujillo quittant Infectious Grooves ? Quel combo a deboursé quelques millions de brouzoufs pour l’enrôler ? L’histoire ne le dit pas. En attendant, les Babouk viennent de finir d’enregister…

mothraAutre groupe à part, Mothra Quartet Orchestra. Ce ne sont pas des petits nouveaux. Après avoir écumé l’île et avoir eu les honneurs de Rock ‘n’ Folk avec son précédent groupe les Z’ears, le chanteur/guitariste Eric Julien  remet le couvert en version psycho barrée, toujours flanqué de David, son compère six-cordiste chez les Z’ears. Du rock efficace, une voix tantôt crooner tantôt braillarde soutenue par une rythmique puissante. A découvrir d’urgence. Avec “Jeckyl And Hyde”, on plonge dans le monde Mothra. Là, on est dans la série Z à fond ! Les gonzes ont du en bouffer du "Maciste contre Hercules" ou autre "Chinetoque Ninja contre l’Homme Araignée". Le morceau a une construction tordue mais accrocheuse. Pour une fois dans ce style de musique, c’est en français que ça cause malgré l’intro pompée certainement sur un film de Godzilla faisant référence à Mothra son adversaire préféré. Ils définissent leur style comme du "rock horror punk garage psycho punk ska". Rien que ça ! Le quartet a depuis été frappé par la malédiction du bassiste. Après en avoir épuisé quelques uns ils ont fini par prendre un contrebassiste. Pas un inconnu... On ne sait par quel subterfuge, les Mothra ont réussi à dénicher sur l'ile de la Réunion le chanteur-contrebassiste des ska-punks montpellierains Gilbert et Ses Problèmes. Les voila devenus Mothra Slapping Orchestra. Leur album est fini. Ca va pas tarder à débouler et d’après les démos qui traînent sur le net, ca devrait envoyer sévèrement !

Comme vous l’avez compris, il ne vous reste plus qu’a vous jeter avidement sur cette compil pour mettre un peu de son sur les quelques lignes que je viens d’écrire. Pour plus d’infos, allez faire un tour sur le site de l’association Ravine des Roques qui a produit cet album. Oui, je sais l’association s’appelle Ravine des Roques et le site c’est ravine des sables. Soyez indulgents, ce ne sont que de pauvres pirates rockeurs. Vous y trouverez des liens vers les pages des groupes où vous pourrez découvrir leur musique plus en profondeur ! Bonne écoute à tous !

Crédit photos : Toutes les photos sont réalisées par Mikael Thuillier. Un grand merci pour son autorisation de publier ses clichés. Plus d'infos sur sa page "Du Son En Image(s)" : http://mikael-thuillier.tumblr.com/
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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