Chassez le naturel...
Ted NUGENT est-il un gros con ? Chacun a son avis, un peu comme sur l'arbitrage de la Coupe du Monde, le dopage dans le cyclisme et la météo qui fout le camp. Finalement, ce qu'il y a de plus gros chez ce bon vieux Ted, c'est sans doute sa gueule, qu'il n'a de cesse d'ouvrir pour tenter de préserver son précarré tout en fustigeant tout ce que l'Amérique compte d'hommes politiques. Et pendant ce temps-là, la musique se fait attendre. Love Grenade, dernier album en date du bonhomme, est tout de même âgé de 7 ans, ce qui fait long même si l'on sait le guitariste coutumier du fait (le même écart sépare les trois opus publiés entre 1988 et 2002). Si trois albums live sont parus, c'est bien de matériel neuf dont il était temps de parler !
Car là où Ted est fort, c'est qu'il parvient à se rendre sympathique grâce à son hard rock couillu et énergique, avec lequel il rabat avec réussite nos oreilles depuis le début des années 70. La recette est pourtant on ne peut plus simple : un riff efficace, des paroles d'une qualité littéraire discutable, et surtout une énergie communicative qui ne laisse pas le temps à l'auditeur de se demander s'il est consciemment en train de prendre son pied. Sans oublier un sens aigu du second degré.
Le morceau-titre se fait l'avatar de cette recette. Le riff donne rapidement au morceau une allure de brûlot hard rock porté par un son de guitare comme peu de producteurs sont à même d'en proposer. Quelle efficacité, quelle accroche, quel son, à la fois envahissant et d'une clarté à couper le souffle. Et puis le Nuge, qui n'oublie pas de flatter l'auditeur, en s'autoflagellant gentiment :
"Vous savez qui je suis et quelles sont mes idées,
Alors je ferme ma gueule et je joue !"
Au moins, pas de prosélytisme, c'est toujours ça de pris. Tant mieux, car le hard rock du père NUGENT est irrésistible : "Fear Itself", un gros rock bluesy tout droit tiré des années 80, est tout bonnement génial. Ce même adjectif sied à "Everything matters", seule intervention vocale du guitariste Derek St Holmes que l'on aurait aimé entendre plus derrière le micro, ou "She's Gone" qui voit un Sammy Hagar habité et décidément increvable user son chant sur un titre à la fois belliqueux et groovy à souhait. Du grand art.
S'il fallait néanmoins isoler une perle sur cet opus, elle serait à chercher du côté de "Never Stop Believing", et ses six minutes au compteur d'un hard rock traditionnel dans l'âme, mais parfaitement contemporain dans la forme, proposant une mélodie imparable et persistante dont les ambiances sont intimement liées à celles des derniers LYNYRD SKYNYRD. Présent dans une version rock magnifique en milieu d'album, puis réinterprété dans un habillage blues en fin d'album, ce titre est sans doute ce que le bonhomme a écrit de plus convaincant depuis le début des années 2000. Quel pied !
La deuxième moitié d'album est légèrement en-deçà, car proposant des titres tellement débilitants qu'ils en deviennent affligeants. "I love my Bbq", un morceau qui "sent bon" comme tente de nous le dire l'artiste en intro. Un blues bas de gamme, à oublier, au même titre que le poussif "Semper Fi". Preuve que l'énergie ne fait pas tout, "Screaming eagles", joué pied au plancher, se voit doté d'une mélodie bien peu attrayante, et passe son chemin sans laisser de trace.
Mais, tout de même, force est de reconnaître que Shut Up & Jam est un bon, voire un très bon album de Ted NUGENT, dont le hard rock teinté de blues, taillé pour faire fureur sur scène, fonctionne à merveille sur ce 14ème album inspiré et savoureux. Un retour gagnant, pour un album qui peut constituer également une porte d'entrée indiquée pour découvrir le travail de l'artiste.
Tracklist :
Shut up & jam
Fear itself
Everything matters
She's gone
Never stop believing
I still believe
Throttledown
Do-rags and A .45
Screaming eagles
Semper Fi
Trample the weak hurdle the dead
Never stop believing (blues)
