ELP – Emerson, Lake & Palmer, Tarkus, Pictures at an Exhibition

"Plus brutal, plus sauvage - des grâces intrinsèques au trio, mais que certaines modes sonores ont injustement eu tendance à polisser, que l’histoire a scandaleusement eu tendance à oublier."

Situés à l'exact point d'impact entre deux générations des plus emblématiques qui soient, Emerson Lake & Palmer semblent être figés pour l'éternité dans une faille temporelle, un entre-deux délirant, adulés par les hippies autant qu'haïs par les punks pour une raison unique : avoir incarné, au bord de la falaise, la plus extrême, la plus intellectuelle, la plus populo-avant-gardiste, la plus virtuose des créatures du rock progressif. Il n'est pas un chevelu bedonnant qui n'ait au cœur le souvenir d'une nuit phosphorescente passée à regarder une fumée rose et compacte s'élever dans le ciel pour brouiller les étoiles, au son des arpèges cristallins d'un Lucky Man lointain. De même, il n'existe aucun documentaire Arte sur l'underground londonien sans un passage obligé par une ruelle inquiétante, où un vieux briscard épingle-dans-le-nez cheveux grisonnants adossé à un mur de briques, maudira ELP dans un rictus dégoûté comme s'ils étaient la plus vérolée des catins de Camden.

Il est à présent temps pour nous, jeunesses vingt-et-unièmistes, de balayer ces antiques rancœurs d'un revers de la main, de s'affranchir des rites anciens, de se délester de ces représentations conflictuelles obsolètes, attachées à un monde disparu le 5 avril 1994 en même temps que Kurt Cobain.

BMG a annoncé la réédition deluxe de l'entièreté du catalogue du trio, par vagues successives, en rang trois par trois. En plein milieu de l'été, le 29 juillet exactement, les trois premiers albums de Emerson Lake & Palmer, Emerson Lake & Palmer, Tarkus, et Pictures at an Exhibition ont ainsi été réhabilités, et agrémentés de quelques à-côtés savoureux : ressuscitons donc le trio, enterrons les crinières et les crêtes bien loin sous la terre et, le visage grave, arborant, oh Dieu, un t-shirt Sex Pistols des plus jaunis sous les aisselles, plongeons-nous dans l’œuvre de l'un des premiers super-groupes de l'historie du rock'n'roll, comme ton prof de latin se plonge dans le Satiricon à la récré de 10 heures et demie.

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La genèse

Le samedi 29 août 1970, les festivaliers hagards de l'Ile de Wight assistaient, les yeux écarquillés, à la naissance du nouveau projet de Keith Emerson, Greg Lake et Carl Palmer ; après s'être échauffés quelques jours auparavant à Plymouth, les trois hommes révélaient au grand public l'ampleur de leur projet, à l'occasion de cet événement devenu légendaire à force de programmations exceptionnelles (rien que ce jour-là, les flyers annonçaient la venue des Doors, des Who, de Ten Years After, Sly and The Family Stone et de Miles Davis – ah tu fais moins le malin, les Vieilles Charrues).

La set-list édifiée par le trio, outre une réinterprétation du "Rondo" de The Nice (groupe dont Keith Emerson venait de se défaire - titre lui-même adapté d'un morceau de Dave Brubeck), indique la présence de deux titres que nous retrouverons sur le debut album qui paraîtra quelques mois plus tard, en octobre : "Take a Peeble", et "The Barbarian", un arrangement rock de l'Allegro Barbaro de Bartok, ouvrent les hostilités. Une autre pièce classique est revisitée pour l'occasion, le Casse-Noisette de Tchaikovsky, devenu un "Nut Rocker" (plutôt que Nut Cracker donc) exubérant pour l'occasion ; déjà, la personnalité du groupe nouveau-né est jetée en pleine face d'un public immédiatement enthousiasmé.

C'était d'ailleurs autour de cette passion commune pour la musique savante que l'idée d'une collaboration avait vu le jour entre Emerson et Lake, lorsqu'ils se rencontrèrent un soir où leurs groupes respectifs partageaient l'affiche : The Nice, donc, et King Crimson, qui après un album à peine (In the Court of the Crimson King, 1969) et un succès dément, déjà ("21st Century Schizoid Man", entre autres), implosait alors, Robert Fripp son leader se retrouvant du coup tristement esseulé. Il ne manquait plus aux deux hommes qu'un batteur capable de les suivre dans leurs plus extrêmes expérimentations, qu'ils trouvèrent en la personne de Carl Palmer le précoce, dans le circuit professionnel depuis ses 14 ans ; ils le chipèrent au groupe qu'il venait de former, Atomic Rooster.

Emerson Lake & Palmer

C'est donc à l'automne qu'est publié le premier album éponyme. Il présente six longues pistes, incluant les deux titres offerts à la primeur du petit peuple de l'Île de Wight. L'exubérance, la folie, la prouesse technique et intellectuelle dominent la pièce. On y trouve, en vrac, une personnification musicale de figures de la mythologie grecque, les Moires, à l'occasion de "The Three Fates" (Clotho Lachesis et Atropos, trois sœurs préposées à la destinée du citoyen athénien lambda), la réinterprétation mêlée de deux compositions de Janacek ("Sinfonietta", œuvre de 1926 découverte pour les besoins du présent article, très intéressante) et de Bach ("Suite Française en ré mineur"), ainsi qu'une balade que Greg Lake, si l'on en croit la légende, aurait écrite alors qu'il n'avait que 12 ans ; la première chanson qu'il composa, sur la première guitare qu'il se vit offrir : Lucky Man sera le premier grand succès du groupe.

Outre la puissance de l’harmonie vocale orchestrée pour le refrain, c’est un son bien particulier qui retient l’attention du grand public : celui du synthétiseur Moog dont Keith Emerson tire un solo magistral en conclusion du titre et de fait, de l’album. Il s’agit de l’une des premières utilisations en studio de cet instrument révolutionnaire inventé par le docteur Robert Moog, après celle de Wendy Carlos pour la bande originale de Orange Mécanique, et celles de George Harrison pour un album solo expérimental, le bien-nommé Electronic Sound, et bien sûr, le célèbre Abbey Road des Beatles. Ici, même si Keith Emerson est reconnu comme le premier musicien à être parti en tournée avec un Moog sous le bras, à la faveur d’un deal avec le doc’, ça n’est pas le sien que l’on entend sur les bandes, mais celui de Mike Vickers des Manfred Man, qui laissait manifestement traîner ses affaires dans le studio – à sa décharge, l'instrument était lourd comme le frigo américain de mamie, avec mamie dedans.

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En ce qui concerne la réédition 2016, tous les formats sont concernés, et à chacun d’entre eux sa particularité : le vinyle est édité pour la première fois en 24 bit HD, et le pack numérique à télécharger comprend les mixs originaux de 70, ainsi que la remastérisation de 2012. Nous avons affaire, pour notre part, au double CD, un objet magnifique (franchement, j’étais ému en déchirant le plastique – la vérité). Le premier CD contient la même version remastérisée de 2012 ; sur le second, le sublime Steven Wilson, grand gourou entre autres de la secte Porcupine Tree (la filiation avec ELP tombe d'ailleurs sous le sens), a été invité à bidouiller la stéréo ; elle paraît légèrement plus profonde que sur le CD 1, mais seules les oreilles expertes pourront véritablement en identifier les subtilités. Après avoir écouté huit fois d’affilée les quatre premières secondes de chacune des deux versions de "Knife-Edge", il me semble avoir repéré un truc avec les cymbales : si on se les représente mentalement dans l’espace, elles ont l’air d’être plus près du sol. Mais bon c’est probablement n’importe quoi, et c’est pas avec ce vieux casque tout pété que j’arriverai à être plus précis.

Quoi qu’il en soit, ce travail date également de 2012 : les aficionados connaissent probablement déjà. Pour eux, quatre inédits sont proposés en fin de CD. Si les « prises alternatives » de "Take a Peeble" et "Knife Edge" n’ont que peu d’intérêt, pouvant à la limite, puisque dénuées de chant, faire office d’instrumentaux pour vos soirées raclette-karaoké cet hiver, les deux versions de "Lucky Man" sont en revanche passionnantes, principalement en vertu de la mystique établie autour de ce titre.

La première est une version enregistrée par Greg Lake en solo, tout seul avec sa guitare et des tas de voix pendant le refrain. Ainsi dépouillée, elle est étrangement pure et touchante ; l’un des voix du chœur, d’ailleurs mise en évidence côté gauche, semble toujours légèrement fausse sur l’attaque du refrain, celui-ci prenant ainsi une dimension plus humaine, loin de la grosse production du titre que l’on connait. L’absence de solo de Moog à la fin se ressent comme une tragédie, le silence qui suit est dérangeant, en même temps qu’émouvant. La piste suivante est un nouveau "Lucky Man", collant cette fois à l’original, mais dépouillé là encore de son synthétiseur ; la place est laissée à quelques giclées de guitare wah-wah sur fond de solo de guitare acoustique lointain, du meilleur effet.

Tarkus

Le successeur du premier album paraît au mois de juin 1971 ; le trio ne perd donc pas de temps pour étoffer sa discographie nouvelle-née. Le succès est immédiat pour Tarkus, qui atteint très rapidement la première place des charts anglais. Pourtant, c’était mal barré ; dès le départ, Greg Lake et Keith Emerson ne s’entendent pas sur la direction à emprunter pour ce second opus. Ce dernier, qui maîtrise de mieux en mieux la créature du docteur Moog, souhaite écrire une pièce grandiloquente, inspirée par l’Estencia Op .8 Malambo d’Alberto Ginastera, où il pourrait explorer toutes les possibilités offertes par son synthétiseur futuriste. Lake, lui, n’aime pas l’idée, a peur que son groupe passe pour une bande de vilains prétentieux si leurs compositions deviennent trop démonstratives. Mais Carl Palmer se range du côté du claviériste, appâté par sa promesse de lui laisser jouer un pattern en 5/4 (pour un batteur des années 70, le 5/4 c’est un peu comme si on promettait son poids en coke à Frédéric Beigbeder, une offre qu’on ne peut pas refuser), Lake s’arrache les cheveux, une mesure impaire, c’est sûr, ils vont passer pour de gros pédants ; les débats s’éternisent…

Depuis, on sait qui a gagné : l’album s’ouvre sur un riff en 5/4 introduisant "Eruption", premier des sept mouvements qui constituent "Tarkus", une pièce figurative de vingt minutes amenant de manière inédite la musique savante à se marier avec les codes du rock.

Ainsi, si Lake a finalement fait preuve d’une grande lucidité (« Je ne vais pas dissoudre un groupe pour un riff » - des paroles sages s’il en est, surtout quand on a planté King Crimson il y a tout juste un an), ces doutes que le livret magnifique de cette réédition 2016 met à jour malgré lui, sont d’un grand intérêt pour saisir la complexité du personnage, en même temps que le regard qu’il porte sur une époque, et  sur sa propre musique. « A moment-là, nous dit-il, de nombreux groupes essayaient d’être démonstratifs, voulaient faire voir à quel point ils étaient intelligents » ; une telle phrase dans la bouche du chanteur de l’un des groupes les plus exubérants des années 70 peut étonner.

Emerson Lake & Palmer n’était pas exactement un modèle de sobriété. Mais cette question de la perception du groupe par le public semble obséder Lake, qui met dès lors tout en œuvre pour désamorcer par avance la moindre accusation de fatuité qui pourrait leur être soumise, quand au même moment ses camarades s’attellent à l’édification de l’ultra-complexe "Tarkus". Ainsi justifie-t-il le titre "Jeremy Bender", un boogie entraînant mais un peu nais : par une volonté d'inclure à chaque album un morceau plus léger, pour « montrer [leur] côté plus lumineux » ; comprendre, pour prouver qu'ils ne se sont pas encore aliénés dans un ego-trip fumeux. Son insistance est même à la limite de l'embarrassant lorsqu'il veut nous convaincre à tout prix que oh, on sait aussi s'amuser quand même : « Carl et moi riions souvent comme des idiots. On avait mal au ventre à force de rire ».

Les « bruits de studio », qui ponctuent l'album, pourraient avoir la même fonction de ré-humanisation, de ré-sociabilisation. Ces moments saisis au vol, qui ponctuent l'album et mettent gentiment en scène quelques instants de « réalité pure », rétablissent la proximité entre les musiciens et leur public, visant ainsi à annuler l'aspect hautain et prétentieux que peut revêtir une musique quelque peu élitiste.

Steven Wilson, par une étrange coïncidence, semble se sentir une certaine empathie à l'égard de Greg Lake : il n'hésite pas à rallonger ces conversations captées par hasard, approfondissant le processus... Comme s'il savait, en quelque sorte, ce qu'un génie technique et théorique peut ressentir lorsque l'humanité pose ses yeux sceptiques et stupides sur lui !

De son travail, comme précédemment, on en dira peu : soit que notre matériel n'est pas assez performant, soit que nos oreilles sont sceptiques et stupides, mais on n'entend pas de grande différence – on ne saurait en tout cas dire si « c'est mieux » ou non, que la remastérisation sur laquelle il s'est basé, comme pour Emerson, Lake & Palmer.

Une remastérisation que l'on doit d'ailleurs à un certain Andy Pearce, ni le footballer, ni le compositeur du jingle de ciné dimanche sur TF1, il y en a un autre : celui à qui, traditionnellement, on demande une remastérisation quand on veut une remastérisation. Sa discographie est pour le moins spectaculaire, puisqu'il s'est occupé, entre autres, du lifting de quelques albums de, Black Sabbath, Hendrix, Elvis, Pretty Things... Le site discogs.com référence pas moins de 328 albums sur lesquels il aurait travaillé. Les forums spécialisés parlent d'un style « décontracté », « chaleureux », et globalement, les fans le remercient de ne pas abuser des compresseurs, comme d'autres le font.

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Les visuels sont signés William Neal...

Keith : « Est-ce que Tarkus raconte une histoire ? Oui, je suppose que tu peux dire que c’était une interprétation de la théorie de l’évolution de Darwin, par le biais d'une certaine licence poétique. C’était les 70’s. Tout le monde était défoncé, genre, "Wow mec, c’est cool" ».

Pictures at an Exhibition

C’est à peine cinq mois plus tard, en novembre 1971, que le successeur de Tarkus est publié. Keith Emerson se promène dans Londres avec sa donzelle, et passe plus ou moins par hasard devant le Royal Festival Hall. Il décide de prendre des places pour assister au concert du soir ; on y joue "Tableaux d’une Exposition" ("Картинки Ñ Ð²Ñ‹Ñтавки" en VO) de Modest Mussorgski, un compositeur russe de la fin du XIXème siècle. C’est une révélation pour le claviériste, qui court acheter le disque. Quelques jours plus tard, en répétition, il en joue les premières notes pour se chauffer ; Greg Lake le rejoint, puis Carl Palmer… Le projet Pictures at an Exhibition est né.

Mussorgski, dans son œuvre originale de 1874, entendait représenter par la musique la visite imaginaire d'une exposition d'œuvres de Viktor Hartmann, son ami décédé un an plus tôt. Chaque mouvement correspond à un tableau, tous reliés par le thème "Promenade", symbolisant la déambulation du visiteur dans la galerie. "Tableaux d'une Exposition" a initialement été composé comme une pièce pour piano ; plusieurs orchestrations ont vu le jour après la mort du musicien en 1881, mais celle de Maurice Ravel fait clairement autorité : c'est à travers cette version que l'œuvre atteint la postérité, et à partir de celle-ci que Keith Emerson travaillera pour en offrir sa propre interprétation.

Le claviériste ne garde que cinq mouvements de la pièce originale : "Promenade", bien sûr ; le thème apparaît cinq fois dans l'oeuvre de Mussorgski, trois fois ici, pistes 1, 3 et 7. Comme à l'origine, quelques variations apparaissent à chaque reprise, de tempo, d'instrumentation, d'harmonisation, toujours dans une optique symbolique : les émotions du visiteur évoluent au gré des découvertes, la pulsation est définie par la vitesse de sa démarche. Puis, "The Gnome", "The Old Castle" (particulièrement recommandé : la batterie, d'une fureur stupéfiante, est jouissive) ; de ce mouvement est tiré la piste 6, "Blues Variation", arrangement sauce ternaire du vieux château... Vient "The Hut Of Baba Yaga", mouvement qui là encore, inspire au trio une continuation : "The Curse Of Baba Yaga", puis "The Great Gates Of Kiev". A l’exception de "The Sage", qui est une composition de Greg Lake, et "The Curse of Baba Yaga", crédité aux trois musiciens, les instrumentaux sont tous placés sous l’autorité de Keith Emerson ; Lake écrit quant à lui les textes qui se superposent à la mélodie principale, et qui n’existent pas dans l’œuvre originale.

Comme le public a bon goût, il en redemande – dieu merci ; le rappel est ce même "Nut Rocker" déjà joué sur l’Île de Wight, l’adaptation de Casse-Noisette, qui était, pour l'anecdote, basée sur une première adaptation de Kim Fowley pour B. Bumble and The Stingers, le groupe de René Hall, Plas Johnson et Earl Palmer (aucun lien).

Un rappel, oui, car il se trouve que ce troisième album n'a pas été enregistré en studio, mais au Newcastle City Hall, à l'occasion de leur représentation du 26 mars 1971. Un choix osé de la part du trio qui aura failli leur porter préjudice. Certes, Pictures at an Exhibition atteint des sommets de virtuosité, de complexité, de frénésie, d'enthousiasme. Mais ELP, en explosant ainsi aux yeux de tous les concepts même de musique rock et musique savante, désintègrent les frontières (et on ne le sait que trop, les magnats du capitalisme et de la mondialisation n’aiment pas trop qu’on touche à leurs frontières ; de l’Europe à l’Amérique, on préfère les bons gros murs)... Ainsi leur label nord-américain, Atlantic, refuse de publier le LP aux Etats-Unis aux motifs suivants : il s'agit de musique classique, et ça n'est de toute façon pas un album à proprement parler, puisqu'il a été enregistré en public ; autant de raisons disqualifiant toute possibilité d'être diffusés en radio.

Finalement, après que 120 000 copies exportées par Island, leur label en Angleterre, ait été vendues, Atlantic reconsidère son point de vue, et trouve qu’en fait, si, si, c’était bien du rock ; l'album est donc publié outre-Atlantique, fait un tabac, et la radio new-yorkaise WNEW diffusera même une face entière du vinyle (première fois que quelqu'un fait ça, à ce qu'on dit).

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De ces trois premières rééditions, ce troisième album est, à notre sens, le plus intéressant : outre le fait que la remastérisation du Pictures at an Exhibition de 71 est tout à fait inédite, et que le livret est toujours aussi bien fourni grâce au travail remarquable de Chris Welch, les bonus tracks ont enfin une crédibilité indiscutable. Le CD1 contient en appendice le medley "Pictures at an Exhibition", sorte de condensé représentatif de l’œuvre (un peu comme du corned beef), plein de verve et de folie, enregistré en live à Porto Rico le 4 décembre 1972, sans doute orchestré ainsi lorsque de nouvelles compositions ont chassé les anciennes de la set-list. L’évolution des morceaux offre aux fans la possibilité de s’imaginer les méthodes de travail du trio ; on s’en sent plus proche, on accède plus facilement au monde complexe d’un groupe bien souvent taxé d’élististe.

Le CD2, dans cet ordre d’idées, est encore plus fascinant : il s’agit d’un live antérieur à celui de l’enregistrement original, datant du mois de décembre 70, capturé au Lyceum Theatre de Londres. A la faveur de quelques subtilités, on trouvera fort subjectivement qu’il est tout simplement encore meilleur que la prise de 71. Le son est moins pur, ou moins lisse ; ce ne sera, pour certains, pas un gage de qualité, mais pour nous, jeunesses du XXIème, souvenez-vous, punk-progressifs, tout ça, c’est une jouissance absolue ; le jeu est moins précis peut-être, mais plus brutal, plus sauvage en somme – des grâces indiscutablement  intrinsèques au trio, mais que certaines modes sonores ont injustement eu tendance à polisser, que l’histoire a scandaleusement eu tendance à oublier.

Que la faute en revienne aux proto-punks, légitimement puisque nécessaire dans  l’édification de leur manifeste d’existence, ou à des générations de critiques complaisants, cela importe peu ; ce qui compte, au final, c’est que la triplette Emerson Lake & Palmer, Tarkus et Pictures at an Exhibition puisse être posée, sur mon étagère comme sur la vôtre, entre le premier album des Bad Brains et le dernier de Motorhead, sans craindre chaque nuit une descente de l’inquisition rock’n’roll.

Crédits Photos : Emerson, Lake & Palmer

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