Mouss, toujours Motivé!, festival Sur Les Pointes 2017


Le festival Sur Les Pointes, 9ème du nom,s'est tenu à Vitry en ce joli mois de mai. Après deux premiers soirs bien énervés, ambiance plus familiale en ce dimanche, avec en tête d'affiche les toulousains de Motivés. A cette occasion, La Grosse Radio a pu s'entretenir avec Mouss, co-fondateur du projet avec son frère Hakim, il y a quelques années déjà.

 

Motivés sur les routes, 20 ans après. Qu'est-ce qui vous a poussé à revenir?

On n’a pas vraiment fait de break de 20 ans. Il y a 20 ans qu’on a créé ce projet. C’est un projet qui était artisanal au départ. On a fait ça comme des fois on peut avoir des idées, ça fait plaisir, c’est bon pour le moral. On participe beaucoup aux manifs contre le Front National, on était très investi, et puis en même temps on devient musicien avec Zebda, et on se rend compte que, dans les manifs, il manque certaines choses.

Et on se dit, mais quelle a été la place de la musique dans tous ces combats ? Et on va trouver un certain nombre de chansons, qu’on va enregistrer sous le nom de Motivés. On va les vendre comme ça d’abord dans des bars, ou dans des manifs, des mobilisations. Mais bon, ça va nous dépasser, ça va être un succès phénoménal, notamment grâce à la chanson Motivés. Et finalement on ne va jamais tourner avec ce projet. On va plutôt faire des concerts de soutien, des concerts plus militants, on ne va pas faire de tournée. Et puis, 20 ans après, on se dit tiens, ça fait 20 piges, on est dans un contexte politique tendu, ou du moins qui nécessitait une énergie de ce type, et on a eu l’idée de remettre le couvert, pour une vraie tournée cette fois.

Q'est-ce qui a changé pour cette édition Motivés, version 2017?

C’est le même état d’esprit. Comme à l’époque, avec mon frère Hakim on est un peu les maîtres de cérémonie, c’est nous qui recevons et accueillons des gens sur ce projet-là. Après il y a un collectif de musiciens, avec des gens qui étaient déjà là à l’époque, comme Serge Lopez, Jean-Luc Amesto ou  Rémi Mouillerac, des gens qui ont chacun leur vie de musicien.

Après il y a des gens qui jouent avec Hakim et moi sur d’autres projets comme Origines Contrôlées par exemple. Ensuite on a la possibilité, régulièrement, et on le fait avec grand plaisir parce que ça fait partie de l’idée qu’on se fait de ce projet, on invite des gens qu’on aime, avec qui on partage évidemment les valeurs, comme Karimouche qui est là ce soir, ou Fredo des Ogres de Barback, ou Gari de Massilia Sound System, Said de Sidi Wacho, Idir, ou d’autres encore, ça dépend des endroits.

Interview, Motivés, Toulouse, Sur Les Pointes, 2017

Les chansons des Motivés sont gavées de soleil. Et pourtant ce sont des chants de lutte. Ce n’est pas contradictoire ?

Pas du tout. On est convaincu que ce n’est pas la musique qui change les choses, la musique elle accompagne les gens qui veulent que ça change. Elle participe à cette énergie de façon flagrante, essentielle. Mais c’est les gens qui font que les choses changent. La musique est là comme la bande originale de leur vie à ce moment précis. Et donc elle joue un rôle, selon nous, c’est celui de nourrir notre capacité à y croire. Ça veut dire nourrir notre capacité à avoir de l’espoir finalement. Même si, quand on regarde les choses, quand on les analyse, on peut avoir des tas de raison d’être désespéré, d’être dans la désillusion, d’être pessimiste même.

Mais quand on est dans l’action, on est beaucoup moins dans le pessimisme, on est plus dans la capacité à y croire. Et la musique participe de ça. C’est du baume au cœur. Ces musiques-là accompagnent, en terme d’énergie, les gens qui sont déterminés. Y compris à l’époque où ces chansons sont nées, certaines au début du XXème siècle. C’est dans des contextes de communion que les gens écoutaient ces chansons-là. Ils pouvaient risquer leur vie le lendemain et en même temps être autour d’un feu, et mettre leurs énergies en harmonie. La musique est un ciment dans tout ça. C’est tout à fait logique qu’elle ait cette dimension nourricière, elle est forcément positive.

Comment sont choisis les morceaux ?

On aime beaucoup la notion de collectif, ce qu’on peut porter ensemble. Parce qu’on sait, depuis 25 ans qu’on fait ça, que c’est le collectif qui nous sauve, qui nous permet d’exister, qui nous permet de faire ce que personne ne nous aurait prédit. On est des enfants d’ouvriers, on est des enfants d’algériens, on est dans des quartiers, et on a un parcours extraordinaire, autant avec Zebda que 100% Collègues ou Motivés. C’est avec le collectif qu’on a fait ça. Donc pour choisir les morceaux, on est dans cette consultation collective. On regarde ce qu’il y a avec les gens qui sont avec nous sur scène. Ca nous permet de mettre une dimension émotionnelle dedans. Par exemple, quand on fait une chanson comme "El Paso del Ebro", c’est un chant républicain espagnol, c’est parce que dans le groupe il y a des enfants qui sont issus de cette histoire-là. Quand on fait une chanson comme "Sabra et Chatila" sur la Palestine, c’est parce que c’est un sujet qui nous touche depuis qu’on est enfant. Le choix se fait d’une manière émotionnelle.

On ne fait pas une encyclopédie des chants de lutte. C’est un bout de notre histoire qu’on met en commun, et fait que ça devienne vraiment commun, et partagé. Ces chansons ont cette valeur-là, l’idée qu’un monde meilleur est possible, ou au moins qu’on peut s’autoriser à l’imaginer. On est dans un projet où on veut partager ce répertoire. On est un projet qui a un sens collectif fort, antifasciste, anti-intégriste au premier degré. Maintenant, quand on est sur scène, ce n’est pas un meeting. On est sur scène pour partager une énergie, pour se permettre de se détendre un petit peu 5 minutes. Parce qu’il faut se détendre, profiter d’être avec les autres. C’est tout l’intérêt de ce festival, Sur Les Pointes, comme tous les festivals que l’on peut faire. Ce qui nous a le plus nourri, autant que la musique, c’est ce que font les gens. Tous les gens qu’on a croisé en France, qui se lèvent le cul pour faire des choses avec leurs collègues, que ce soit en milieu rural, dans un quarter, en banlieue parisienne, lyonnaise ou marseillaise.

Interview, Motivés, Toulouse, Sur Les Pointes, 2017

Le projet Motivés n'était pas que musical au début, il était politique aussi. Que reste-t-il de cette parti?

En fait ce n’était pas un parti, c’était un mouvement. On a présenté une liste aux élections municipales, en 2001. Et on a fait un très bon score d’ailleurs. On a passé une campagne électorale fabuleuse, beaucoup de gens nous ont rejoint, avec une dynamique citoyenne, de société civile. Beaucoup de gens, de tous bords, de tous horizons, pour porter l’idée de faire de la politique autrement. Et on est en 2001 ! Ça fait déjà 15-16 ans ! Puis on a été dépassé par la dynamique de cette campagne. Le mouvement s’est éteint de lui-même. Mais finalement peut-être aussi parce qu’on était en avant-garde. On fait un mouvement citoyen, complémentaire, faire de la politique autrement, des valeurs et des idées de gauche, il y a 16 ans ! Tout ce que tout le monde voudrait faire aujourd’hui, de plein d’autres manières dans d’autres pays, comme Podemos en Espagne, ou avec Mélenchon ou d'autres d'ailleurs, des gens autour de Hamon, des Verts, tous les gens qui veulent dire qu’on peut faire autrement, finalement, c’est ce qu’on a fait il ya 15 ans !

C’est solliciter les gens dans leur expertise, dans leur envie d’en être, de participer, de sortir des logiques d’appareil, d’inventer des choses ensemble, qu’on puisse réfléchir, qu’on essaye d’atteindre des degrés de démocratie plus importants qu’aujourd’hui… Ce qu’il en reste, c’est une bien belle idée. C’est une idée qui est toujours valable. C’est l’idée qu’il faut en être, de cette logique, il ne faut pas la laisser aux mains de ceux qui veulent en faire un business. Et aussi que tout le monde peut en être. C’est cette idée qu’on peut se tourner vers les gens et leur dire qu’ils ont des choses à apporter, que sans eux ça ne peut pas changer.

Et après cette tournée, as-tu des projets avec Motivés ?

On a beaucoup de projets, avec mon frère Hakim. On a envie de faire un album avec Origines Contrôlées, on travaille aussi sur notre album, il y a des projets qui vont s’enchaîner les uns derrière les autres, et qui vont nous maintenir tous. Parce qu’on est très heureux d’être en tournée, on est 12 sur la route… La route on connaît bien, on aime ça, on aime partager avec nos potes musiciens, on aime ces moments-là, chercher à faire kiffer les gens à chaque fois de manière unique, donc on va nourrir notre vie de musicien comme ça.

Ensuite, Motivés, ce sera toujours un projet qui servira à accompagner les gens dans leurs volontés de changement. Pour faire danser les gens dans les moments importants. On sera aux côtés de ceux qui s’engagent et qui militent. A chaque fois, et indéfiniment. Même si on a d’autres projets en parallèle. Motivés, ça reste un projet d’actualité un peu éternel, un peu indéfini. On fera nos projets de vie d’artiste, et quand les gens auront besoin, on sera là.

Photos Charles Marlangue
Toutes les dates de la tournée Motivés sont sur leur page Facebook, et sur leur site web.
Merci à Aurélien de Sur Les Pointes.
 

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