Ludwig Von 88 – Rencontre avec Karim Berrouka pendant les Déferlantes

Avant de faire revivre Louison Bobet, Oui Oui ou autres William Kramps, les héros de leurs plus grands succès, les membres de Ludwig Von 88 se payent du bon temps avec une petite ballade maritime organisée par leur hôte du soir, le festival Les Déferlantes.

Au retour (carrément à la bourre) de cette petite excursion, les trois regagnent l’espace presse pour se prêter au jeu des interviews. On est en retard donc pour satisfaire tout le monde, les médias se regroupent. La Grosse Radio fait équipe avec le Travailleur Catalan et Radio Vallespir. Bruno, un verre de blanc à la main et Charlu s’approchent de nos confrères tandis que Karim Berrouka, éminent chanteur emblématique du combo s’installe pour répondre au feu nourri de questions de notre "dream team" presse.

La Grosse Radio : Salut Karim ! Tu es en pleine tournée depuis votre retour de 2016. Ludwig Von 88 joue dans de grosses enseignes comme le Hellfest, la Fête de l’Humanité, ce soir les Déferlantes… A l’époque le groupe n’était pas un habitué d’aussi grosses scènes.  Comment tu vis cela ?

Karim Berrouka : Très mal ! (Il se marre). En venant ici, on pensait que c’était un festival auto géré, organisé par une dizaine de passionnés dans un squat près de la mer et finalement nous voilà tombés dans ce gros festival, très grand, super bien organisé. Il y a avait même des loges avec en plus plein de produits locaux à découvrir ! On n’a pas à se plaindre, on le vit bien ! Mais tu vois, hier on était dans un festival organisé par des punks dans la montagne qui s’appelait Skardèche. L’ambiance était tout le contraire d’ici mais c’était super génial aussi. Nous on aime bien passer d’un truc complètement improvisé à un truc totalement maitrisé. Le plus important, c’est de se retrouver sur scène et que ce soit bien, que le public soit heureux, que nous on penne notre pied et que tout le monde reparte avec la banane.

L.G.R. : Vous retrouvez un public d’anciens connaisseurs mais aussi des nouveaux venus. Comment tout ce petit monde cohabite et comment vous arrivez à toucher les nouvelles générations?

K.B. : Ah ! Mystère ! C’est surtout le mystère de la promotion par Facebook. (Il se marre). Je ne sais pas vraiment comment les plus jeunes découvrent Ludwig Von 88. Nous on se contente de jouer.  On ne sait pas vraiment qui vient à nos concerts. Moi, quand je joue je n’ai pas mes lunettes donc je ne vois rien (Il se marre). Je ne sais pas si c’est des jeunes ou des vieux en face de moi. Mais c’est sur qu’il y a toute une ancienne génération qui connaissait les Ludwig à l’époque qu’on retrouve et puis se rajoute un tas de curieux qui découvrent.

L.G.R. : Mais tu as quand même des retours. Qui vient te voir dans les loges à part les journalistes pénibles comme nous ?

K.B. : Majoritairement des gens qui viennent nous insulter pour nous dire qu’on est nul ! (Il se marre). Non, il y a de tout. Enfin pas dans les loges puisque l’accès est quand même un peu compliqué mais quand on traine un peu sur les lieux du concert on croise plein de gens différents, on a droit aux anciens inconditionnels qui nous ressortent la date de la première fois où ils nous ont vu en 1843 avant l’invasion de la Prusse et aussi aux nouveaux qui écoutent notre musique comme un héritage et qui finalement sont contents de voir en vrai un groupe qu’ils ne pensaient connaitre qu’en CD ou en son digital maintenant.
 

Ludwig Von 88 Presse Déferlantes


L.G.R : Est-ce qu’on pose encore aux membres de Ludwig Von 88 des questions sur les influences musicales ?

K.B. : Non, je crois que les gens ont arrêté et c’est plutôt bien parce que comme on n’était pas sûr nous même de nos influences, c’était toujours une question compliquée. Non sérieusement, toutes les questions sont bonnes, c’est souvent les réponses qui sont déplacées. Et oui, on nous pose encore la question de nos influences mais ne me la pose pas car je ne saurais pas quoi répondre, je n’ai pas révisé. (Il se marre).

L.G.R. : Vous êtes présents sur les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ?

K.B. : Pour nous, c’est tout simplement on moyen de communication. Ca existe et on s’en sert. C’est un outil. Quand nous avons arrêté en l’an 2000, ça n’existait pas. Ca nous permet de nous mettre rapidement en contact avec les gens. On peut échanger facilement via le jeu des questions réponses avec les fans. C’est sympa. Ca permet de garder les gens proches. Après je ne suis pas totalement convaincu de l’utilité et des bienfaits de médias comme Facebook. Cela permet aux fans de se sentir en contact avec les gens mais c’est un peu un leurre. Il y trente ans bien évidemment nous étions loin de tout cela…

L.G.R. : Finalement qu’est-ce qui vous a poussés à revenir sur le devant de la scène ?

K.B. : On a arrêté de tourner vers 2000 après 17 ans de tournées. On a commencé en 1983. On en avait un peu marre de jouer tout le temps les mêmes chansons. Bruno faisait Sergent Garcia. Charlu est parti habiter dans le Sud, moi j’avais d’autres projets. On a choisi de faire notre vie un peu dans tous les sens. On se voyait quand même assez régulièrement mais pas toujours parce que Bruno est parti habiter à Valencia en Espagne puis en Colombie, moi j’habite du coté de Paris et avec le bassiste en Avignon, ce n’était pas très simple. Mais quand on se voyait on parlait du groupe. Puis l’année dernière, on s’est dit que si on voulait s’y remettre s’était maintenant avant qu’on soit trop vieux…

L.G.R. : Et aussi pour régler quelques problèmes avec le fisc ?

K.B. : Il se marre ! Non, on ne gagne pas assez d’argent nous, on n’est pas concernés !
 

Ludwig Von 88 Déferlantes 09


L.G.R. : Plus sérieusement, au niveau des ventes de disques, Ludwig Von 88 se situe comment ?

K.B. : Pour les disques, il faut se replacer dans le contexte. On a commencé à une époque ou il y avait très peu de groupes français. Ceux qui existaient étaient dans le réseau alternatif où les vinyles se vendaient énormément parce ce que ce n’était pas cher. Et puis c’était culturellement installé d’acheter du vinyle. Du coup, nos deux premiers albums, on a dû les vendre à 200 000 exemplaires, un truc comme ça… Apres quand le CD a commencé à arriver, nos ventes ont baissé un peu. C’était plus cher, plus facile à copier puis il y a eu une chute complète du marché du disque. Aujourd’hui, on voit un retour du vinyle avec un coté plus affectif, plus objet.

Tiens, je ne me rappelle plus de ta question mais je trouve que la réponse n’est pas mauvaise ! (Il se marre).

L.G.R. : On discutait vente d’albums…

K.B. : Ah oui ! En fait maintenant, on vend encore des CD et on a re-pressé tous les vinyles. Mais il y a surtout chez les acheteurs ce côté collectionneur et le plaisir de l’objet parce que la musique est disponible sur Internet donc on peut allez la pirater sans trop de problème. Enfin moi je n’appelle pas ça du piratage. Disons qu’on peut la télécharger plus ou moins illégalement mais en tout cas la musique, elle est là, et elle est faite pour être écoutée.

Nous, quand on fait un morceau on ne le fait pas pour le vendre. On veut qu’il soit écouté. Moi, ça me fait plus plaisir que quelque un fasse une reprise d’un de mes morceaux en concert plutôt que de savoir que tant de personnes on acheté mon disque. Aujourd’hui, le commerce du support de musique c’est bien cassé la gueule mais en échange de ça il y a beaucoup plus de concerts. Pour moi, la musique, à la base, elle ne se fait pas sur des disques mais en live. L’industrie du disque date des années 20 ou 30 du siècle dernier mais pour nous c’est le live qui prime. Enfin, cela ne nous empêchera pas de refaire des disques si on en a envie…
 

Ludwig Von 88 Déferlantes 04


L.G.R. : Aujourd’hui les gens sont plus demandeurs de concerts que dans les années 80 ?

K.B. : Je ne sais pas s’il y a un engouement plus grand ou alors s’il y a tout simplement plus de structures, plus de facilité pour se rendre à un concert. Nous quand on a commencé, il y avait très peu de structures en France, et surtout pour les petits groupes, il n’y avait que dalle ! On jouait dans des squats, dans des cantines de restaurants universitaires, n’importe où… Dès qu’il y avait quelqu’un qui avait une association et qui avait envie de faire un concert, il se débrouillait pour trouver un lieu mais il n’y a avait pas de salle rock, pas de Zénith, de festivals… Aujourd’hui, il y a tout un réseau… A l’époque de toute cette scène alternative, on a vu le début de la création d’un courant qui a été à l’origine de l’organisation d’un réseau de salles. Tout cela s’est construit petit à petit. Mais aujourd’hui, tu vois, en France en été particulièrement, tu peux faire tout un tas de de festivals. Ce n’est plus aussi compliqué qu’avant…

L.G.R. : Tu trouves ça moins rock ‘n’ roll alors ?

K.B. : Non ! Tout ce réseau très visible sert surtout aux très gros groupes ou aux groupes moyens comme les Ludwig. Nous par exemple, on n’a pas trop de problèmes pour trouver des plans dans des salles. Mais finalement tous les groupes qui commencent se retrouvent un peu comme nous à l’époque. Il faut qu’ils se trouvent des petits endroits alternatifs capables de les accueillir. Il n’y a pas longtemps on a joué dans un de ces endroits du coté de Montreuil, la salle Armand Gatti, pour la fête d’un syndicat. C’est un petit endroit mais ça a le mérite d’exister et les jeunes peuvent y faire leurs armes. Il y a des groupes qui veulent rester dans ce circuit là sans avoir d’ambitions plus grandes. Il y heureusement des réseaux pour ce genre de salles qui constituent des niches musicales pour tous les style de musique. En tout cas, en France, selon les coins, on peut encore trouver pas mal de petits endroits bien sympathiques pour jouer.
 

Ludwig Von 88 Déferlantes 05


L.G.R. : Vous avez cette annoncé cette tournée comme la dernière avant l’Apocalypse ! Que va-t-il se passer maintenant ?

K.B. : Pour l’instant, on évoque la possibilité d’écrire quelques nouveaux titres avec les Ludwig. Ce groupe fonctionne à l’envie, au plaisir. On a fait nos quelques concerts pour le retour en 2016 en se disant qu’on verrait bien ce que ça allait donner. On n’avait pas prévu le Hellfest, on voulait des petites salles mais comme on nous proposait on s’est dit qu’on allait bien se marrer et on l’a fait. On s’est fait plaisir alors on a décidé de continuer un peu. Pour nous, le plus dur c’est de trouver du temps. Bruno est sur d’autres projets, il n’habite pas là, Charlu aussi. Je pense que d’ici à la fin de l’année, on se lancera sur des créations. Ca sera peut-être complètement nul mais on verra. On veut se faire plaisir. On ne fait pas ça avec un projet ou un plan de carrière, on s’en fout ! C’est peut-être le meilleur moment pour nous !

L.G.R. : Pour finir, y a-t-il brin de nostalgie de l’époque des squats ?

K.B. : Nostalgie, pas toujours. Tu sais, ce n’était pas toujours rose. C’était souvent très mal géré, c’était un gros bordel ! Donc oui, il y a quand même une part de nostalgie parce que c’était une manière de jouer et de faire des concerts qui était fun et qui était différente mais il y a aussi une partie de moi qui te dira non parce que des fois c’était vraiment insupportable. Il nous est arrivé de voir des trucs, on n’a pas le temps pour que je te raconte tout mais il y a de quoi noircir pas mal de pages. Mais on joue encore avec plaisir de temps en temps dans des plans comme ça à l’ancienne !

L.G.R. : Bon bien, on a hâte d’entendre vos futures compositions alors, à très bientôt !

K.B. : OK. En tout cas, ce ne sera pas pour ce soir, vous aurez droit a nos gros classiques !

 

Propos recueillis par Eric Jorda (avec le Travailleur Catalan et Radio Vallespir)
Photos : Eric Jorda (interview) et Yann Landry /La Tête De L'Artiste (live)
Plus de photos de Ludwig Von 88 aux Déferlantes sur le site de La Tête De L'Artiste
Merci à Thierry et Géraldine du Bureau de Presse des Déferlantes

 

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