Ultra Zook + Chromb! – Ursa Minor (42) – 12/12/15


Il est des endroits dont on ignore l'existence, où l'on n'aurait jamais pensé atterrir un jour et qui pourtant finissent par sortir de l'ombre à un moment donné. Le weekend dernier, alors que je me morfondais avec mon colloc de la disparition des squats et des lieux dédiés aux cultures alternatives, et spécialement chez nous à Saint-Etienne, URSA MINOR nous a ouvert par hasard ses portes telle la caverne d'Ali-baba et nous a laissé entrevoir ses trésors. Pour remettre les choses dans leur contexte, parlons un peu de cet OVNI du paysage culturel Stéphanois qu'est URSA MINOR.

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Désignant à la fois le lieu et l'association qui le gère, URSA MINOR a commencé son activité courant 2010. Implanté sur le site Mosser, une ancienne brasserie stéphanoise de la fin du XIXème siècle, le lieu est désormais un espace dédié à la création et à la diffusion artistique. L'équipe de l'association aura littéralement tout donné pour réussir à transformer cette friche industrielle en un assemblage de bureaux, studios d'enregistrement, ateliers divers et espaces de vie commune. La quinzaine d'artistes et techniciens son et image qui constituent aujourd'hui le noyau de l'association organisent depuis plusieurs années des expositions, des soirées, des concerts ainsi que des prestations audio et visuelles dans ce lieu atypique. Conçue comme une sorte de laboratoire de recherche et de création artistique, URSA MINOR compte de nos jours plusieurs centaines d'adhérents.

Le site d'URSA MINOR :

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URSA MINOR avant rénovation :
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URSA MINOR ajourd'hui (oui, le résultat est impressionnant !) :
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Maintenant que le décor est posé (et quel décor !), il est temps de s'attaquer à la programmation de cette soirée intitulée Youpi Clermont qui s'est déroulé à URSA MINOR le samedi 12 décembre dernier. Personnellement c'est CHROMB! que je venais voir. Ces quatre musiciens originaires de la région de Lyon ont depuis quelques années développés un son absolument unique qui n'avait pas manqué de m'émoustiller les oreilles. J'attendais donc impatiemment leur performance Live. Mais commençons par le commencement, c'est SPACE PLUMBER qui aura donné le départ de la soirée.

Plus qu'un jeu rétro 3D, SPACE PLUMBER est un musicien atypique qui réalise seul sur scène une performance où se mélange musique, univers geek et parodie. Entouré d'une batterie électronique, de synthétiseurs et séquenceurs analogiques ainsi que d'un tas d'objets plus ou moins improbables (theremin, pistolet laser, boîte à oeufs sonore, gameboy etc.), le plombier de l'espace compose des chansons coup-ci coup-ça à mi-chemin entre la drum&bass, la musique de jeux vidéo rétro et le hardcore (tout un programme donc !). Ci-dessous de quoi vous donner une idée :


L'installation de SPACE PLUMBER a de quoi rendre perplexe. L'ambiance créée par le musicien est bien plus travaillée qu'il ne pourrait laisser le croire à première vue. Le set complet ressemble à un atelier de bricolage de geek informatique (ce que je le soupçonne fortement d'être d'ailleurs), et  la tenue orange de bagnard du musicien vient rajouter une couche au côté "fou/dérangé" du total. Si le public semble un peu frileux sur les premiers titres (au sens littéral ET figuré puisque les locaux d'URSA MINOR n'étant pas chauffés, il caille dur là-dedans !), les spectateurs se dérident vite, emportés par le délire franchement drôle du SPACE PLUMBER. Le show est dynamique, le musicien souriant et un vidéo projecteur projette derrière la scène des motifs qui apportent une plus-value visuelle au spectacle. Rapidement, le SPACE PLUMBER demandera des volontaires pour s'essayer à des expériences mêlant musique et jeux vidéo. C'est ainsi qu'on assiste à une bataille de pistolets laser à bulles ou plus tard à une partie de jeu vidéo dont les bruitages sont récupérés en Live pour créer des samples et finalement une composition.

De manière générale, l'univers de SPACE PLUMBER suinte le jeu vidéo et le bricolage. Le meilleur exemple pour illustrer cela est sans doute le morceau réalisé intégralement à base d'une Gameboy trafiquée et branchée sur un jack ! Je pense d'ailleurs pouvoir affirmer que si le Joueur Du Grenier (testeur de jeux vidéo rétros sur le net) a un cousin musicien, c'est bien SPACE PLUMBER. Néanmoins il serait réducteur de parler de ce spectacle comme un simple show humoristique, le musicien a beaucoup de talent et cela se voit même si il n'en fait étalage au cours de son set. On se souviendra notamment de plusieurs interventions au theremine d'une grande maîtrise, dont un morceau en solo qui aura mis tout le monde d'accord tant il était si inattendu d'entendre un résultat si harmonieux.

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Le SPACE PLUMBER aura offert au public d'URSA MINOR une excellente première partie. Aussi improbable que drôle et bien maîtrisé, ce musicien unique aura régalé un public conquis pendant les 45 minutes de set et c'est le sourire jusqu'aux oreilles que les spectateurs sont allés boire une bière en attendant le début d'ULTRA ZOOK

22h30, l'appel se fait, les lumières s'éteignent et les musiciens d'ULTRA ZOOK font leur entrée. S'il y a bien une chose que je peux affirmer, c'est que je n'avais encore jamais assisté à un concert de cette trempe ! Originaire d'Auvergne, ULTRA ZOOK est à mon sens un groupe aussi talentueux que décalé, et le mot est faible. Plus que de longs discours voués à chercher en vain une étiquette qui collerait au style musical du groupe, c'est en musique que je vous propose de (re)découvrir ULTRA ZOOK avec leur excellent deuxième album Epuzz :

Ce qui frappe chez ULTRA ZOOK, en dehors de leurs compositions sorties de nulle part, c'est avant tout la mise en place des musiciens. Les trois musiciens (clavier, batterie, basse) font preuve d'un professionnalisme carrément bluffant. Pas une fausse note, pas un accroc ou un coup de cymbale à côté, et quand on voit à quel point leurs compositions sont alambiquées on se dit que cela tient de la réelle performance ! Très énergique, le trio développe sur scène une ambiance hypnotique, d'abord fleuretant avec l'épilepsie et ensuite s'y noyant complétement. Si bon nombre de sonorités peu communes sont utilisées par les parties clavier et les voix, les compositions montrent certaines influences dérivées de la pop et du rock, mais toujours savamment diluées à la sauce ULTRA ZOOK. Le fait que les trois musiciens chantent amène d'ailleurs des possibilités dans les harmoniques et les questions-réponses que le groupe utilise à merveille. Dans la lignée de SPACE PLUMBER, les musiciens d'ULRA ZOOK sont très détendus sur scène et ne se gênent pas pour blaguer entre deux titres. Leur bonne humeur et leur joie évidente d'être sur scène font que l'ambiance devient électrique dès les premières compositions. Le public qui s'est déplacé nombreux pour assister au spectacle se prend instantanément au jeu des musiciens et les sourires refont leur apparition sur tous les visages.

C'est à ce moment que je me rends subitement compte de l'excellente acoustique de la salle d'URSA MINOR. Le son est soigné, propre, certes fort mais sans faire tomber les tympans des spectateurs sur le sol. C'est pour moi une autre raison de saluer bien bas l'association qui aura prouvé par A plus B qu'il est possible de proposer des spectacles de grandes qualités sonores même dans un lieu qui pourtant avait toutes les chances de sonner aussi mal qu'on peut l'imaginer !

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Pendant 45 minutes, ULTRA ZOOK aura offert à son public un moment hors du temps. Leur musique délivre une explosion de sonorités et subtilités qui ont de quoi laisser sans voix. La balance entre la musique et la dimension comique du spectacle est ici aussi très bien gérée. Le groupe n'hésite pas à introduire ponts musicaux de flûtes à bec au milieu de certaines compositions, qui surprennent autant qu'ils amusent tout en conservant leur intérêt musical. Certaines chansons chantées en patois auvergnats réussiront également à déclencher des rires de part et d'autre de la salle.

Le groupe réalisera pour la majorité des titres de son deuxième et troisième album, en introduisant par-ci par-là quelques nouveaux titres (le titre "La plasticité mentale du monsieur" a d'ailleurs marqué le public !). Parfois rock, parfois pop, disco, rétro, fusion voire jazz, le groupe se plaît à brouiller les pistes et à proposer sans cesse un show vivant et qui avance. La complicité entre les musiciens marche complètement et, au risque de me répéter, la mise en place du groupe est à couper le souffle ! Les musiciens d'ULTRA ZOOK ont développé une musique sérieuse (presque savante ?...), d'une précision millimétrée, qui néanmoins n'hésite pas à se parodier elle-même de temps en temps, rendant le set aussi digeste que savoureux.

C'est donc l'esprit aussi embrouillé que ravi que je suis sortie de ces 45 minutes d'immersion au coeur du délire d'ULTRA ZOOK. Moi qui ne m'attendais à rien pour les premières parties de CHROMB!, j'aurais été bien incapable de prédire la claque que j'avais pris après ces deux premiers groupes. Il était temps à présent de boire une autre bière dans l'attente du clou de la soirée.

C'est peu avant minuit que CHROMB! lance les premières notes de son set. C'est depuis la sortie de leur premier album en 2012, CHROMB! I que mon intérêt pour ce groupe lyonnais avait grimpé en flèche. Le mélange jazz/rock/fusion aux forts accents psychés du groupe avait su marqué par son originalité et sa prestance. Composé de ses quatre musiciens (clavier, batterie, basse et saxophone), le set du groupe a oscillé entre les morceaux de leur premier album, ceux du deuxième (CHROMB! II sorti en 2014) et un certain nombre de titres inédits. S'il n'y a rien à redire dans l'interprétation faite par les membres du groupe qui sont tous d'excellents musiciens, on se rend néanmoins vite compte que l'alchimie entre eux est moins présente que dans le groupe précédent. Les musiciens ont plus tendance à jouer un peu "dans leur coin" et à maintenir une communication avec le public qui relève plus du strict minimum que de la réelle complicité. 

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Les ambiances créés par le groupe sont puissantes et sans compromis. La personnalité des compositions et la maîtrise des musiciens est sans faille. Au final, la réelle grosse surprise dans ce set aura été de constater le changement d'orientation musicale opéré par le groupe entre son premier et son deuxième album. Alors que les premières sonorités du groupe étaient empreintes d'influences jazz, world et fusion, le groupe opte aujourd'hui pour un son bien plus lourd orienté majoritairement rock avec quelques sous-jacences liées à la musique pop et au punk. A en croire les dires des musiciens eux-mêmes, il semblerait que ce changement soit le résultat de nombreux mois de tournée à partager la scène avec des groupes de rock bien lourds. Finis, les petites ambiances légères et psychédéliques des premiers temps, bonjour les rythmiques qui décollent la tête !

Malgré ce revirement stylistique qui m'aura personnellement sorti quelques peu du concert, le concert se sera déroulé sans fausse note. Les transitions entre les morceaux fonctionnent bien et CHROMB! déploie peu à peu son univers. Le groupe est définitivement ancré dans une démarche expérimentale, certainement même bien plus que lors de ses débuts. En témoigne entre autres un long morceau basse/batterie qui aura amené le spectateur aux limites de l'expérimentation épileptique. On notera également un titre joué avec les membres d'ULTRA ZOOK en guest avec leurs flûtes à bec. Si le résultat est musicalement contestable, l'ambiance elle s'en trouve revigorée !

CHROMB! aura donc surpris son petit monde. De telles transitions stylistiques entre deux albums sont rares, même pour des groupes axés sur la musique expérimentale et qui cherchent toujours leur identité propre. J'ai été pour le moins surpris par ce revirement et attends donc assez impatiemment une nouvelle production du groupe, avec l'espoir secret qu'il opérera un mouvement de recul vers ses premières productions (à écouter sans modération ci-dessous, l'excellent titre tiré du premier album de CHROMB!, intitulé "Il l'a fait avec sa soeur"): 

Au final, c'est une soirée inoubliable qui se sera déroulé à URSA MINOR ce weekend. Savoir qui aura été le plus improbable entre tous ces excellents artistes et ce lieu définitivement atypique est une question sans fin. Toujours est-il qu'il est très appréciable de se rendre compte que ce genre de choses existent, et qu'il suffit de faire l'effort de gratter la surface pour découvrir de vrais trésors. Merci URSA MINOR, merci Youpi Clermont !

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