Rock au Château : la lune est inaccessible mais la caravane passe – 06/08/17

Première journée réussie, bonne nuit de sommeil, l’appel du rock progressif résonne à nouveau et on se rend au château de Villersexel”‹. Après avoir pris ses marques lors de cette première journée riche en couleurs et très satisfaisante, on retrouve le festival, ses vigiles et ses bénévoles avec qui on pourrait discuter pendant des heures. On retrouve également ses affiches hors du temps et ses urinoirs qui commencent déjà à être bien remplis (sans atteindre heureusement le point de non retour). Un nouveau regarde admiratif vers la bâtisse, et c’est parti pour le premier groupe de la journée.

 

La Fabricca Dell' Assoluto
 


La fabricca dell' assoluto, Gens de la lune, Caravan, Tristan Décamps

 

Seul représentant italien d'une édition assez massivement orientée vers les groupes français, La Fabricca Dell’ Assoluto intrigue dès le coup d’oeil à la pochette de leur album, ses hommes déshumanisés portant chapeaux et lunettes de soleil et ses couleurs aux tendances glauques. Sur scène, les membres se contentent de bleus de travail, pour un style mécano assez classique mais efficace. Côté musique, on est face à un groupe bien ancré dans les années 70, tant dans les sonorités d’orgue que dans les influences flagrantes de Black Sabbath”‹. La seule spécificité vient du vocaliste, dont les envolées lyriques impressionnantes ne se marient pas toujours bien avec les ambiances plutôt lourdes des morceaux.

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La Fabricca Dell’Assoluto joue fort, bien plus que la majorité des groupes de la veille, et abuse des infra-basses. Le son des compositions s’en retrouve du coup significativement altéré, beaucoup plus agressif et pesant. C’est peut-être pour cela que la foule est si clairsemée ce dimanche, malgré la justesse technique des membres et les compositions riches de passages travaillés et de contre-temps comme on les aime dans le rock progressif. Au final, on retient surtout de ce premier set le bon groove 70’s à base de sonorités bien datées qui fait toujours son petit effet, agréable une bonne demi-heure sans être réellement convaincant outre mesure.

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Tristan Décamps

 

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Et comme viendra nous le dire l'ami Francis, ce dimanche 6 août sera sous le sigle de la famille. Et pas n'importe laquelle, puisque c'est la famille Décamps qui sera à l'honneur. Tristan s'apprête à fouler les planches, seul avec clavier et guitare, et ensuite, ce sera aux Gens de La Lune, du même Francis, oncle de Tristan, frère de Christian, de venir nous affoler les esprits. De progressif, Tristan n'en aura que l'aura, lui-même faisant partie de Ange aux côtés de son paternel. Sa prestation sera une constance quasi a-capella, où il nous délectera d'une voix à la fois douce et puissante de ses plus divins mets.

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Au programme, beaucoup de nostalgie, un grand voyage à travers le temps, Tristan jouant des différentes époques auxquelles il a participé, avec ses propres morceaux, mais aussi celles qui l'ont influencé, jouant avec les morceaux de papa ou allant jusqu'à nous faire une magnifique interprétation du "Bal des Laze" de notre cher Polnareff. Un immense moment de douceur, qui contraste directement avec La Fabricca Dell' Assoluto et leur rock plus lourd, mais qui a toute sa place en ce début de soirée. La voix de Tristan est d'ailleurs d'une magnificence certaine, preuve que la famille Décamps est un immense recel de talent. Tout de blanc vêtu, le musicien présente une certaine classe, et nous laissera devant un lever de lune, celle prête à accueillir ses Gens. 

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Gens De La Lune

 

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C'est d'ailleurs à ce son de clavier si distinct que l'on se prend quarante-cinq ans d'histoire dans les bulbes nostalgiques. Celui qui nous a fait rêver Au-delà du Délire et aux rythmes de l'"Exode" est bien présent devant nous, et après avoir admiré la prestation de Ange en novembre dernier, il allait de soi qu'il fallait continuer l'"Hymne à La Vie", celui de la fantastique famille Décamps. Francis sera d'ailleurs le seul ici maquillé et costumé pour l'occasion, gardant cet esprit venu directement des années 70 et de cette volonté théâtrale qu'il souhaite insuffler àa sa musique. Mais Gens De La Lune ne saurait se reposer sur son instigateur, loin de là. L'autre pilier de la formation, Jean-Philippe Suzan (chant), est plus que déterminé à nous conter des histoires folles et rêveuses, et les trois autres compères, Damien Chopard (guitare) en tête, ne sont pas en reste.

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Autant dire que la prestation de Gens De La Lune commence sous les meilleures augures. Mais à tout rêve éveillé une fin peut arriver, et celle-ci fera nous fera malheureusement retomber avec tristesse. Car en plein milieu d'un medley dédié à Ange, où on venait de nous dire qu'"Aujourd'hui c'est la fête", nous qui virevoltions déjà "Sur la trace des fées", une coupure fera une apparition dramatique. On apprendra vite que c'est l'un des groupes électrogènes qui a sérieusement décidé de nous gâcher la soirée, car après plusieurs reprises, ce dernier coupera systématiquement. Le prenant avec beaucoup d'humour, le groupe comme son public ne se laisse pas démonter, et s'il est moins sûr que les concerts puissent continuer, et que l'on commence à redouter l'incapacité de jouer pour Caravan, on reste dans une ambiance compréhensive et agréable. L'audience se moque avec bienveillance de Francis, qui, sans jamais hausser la voix et doublé par Jean-Philippe qui s'époumone pour communiquer avec nous, nous annonce que ce sont peut-être ses claviers qui font sauter le tout depuis le début.

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Une grande déception que de n'avoir pu assister à la présentation de l'univers très étrange des Gens De La Lune, et si l'on espère que le groupe n'en est pas à son Epitaphe, on se vengera au Prog en Beauce, dont nous venons d'apprendre l'existence. Rendez-vous en octobre, Gens De La Lune

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Caravan
 

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Le doute s’installe durant la dernière demi-heure de pause du festival, après le set avorté de Gens de La Lune”‹. Les problèmes techniques ayant émaillé leur prestation jusqu’au bout, nous ne savons pas si Caravan”‹, référence du rock progressif de Canterbury à la carrière approchant le demi-siècle, pourra assurer sa prestation ce soir. Pye Hastings et ses compères arrivent vite pour installer et accorder leurs instruments. Si le passé du groupe pourrait laisser penser avoir affaire à un gros groupe qui en met plein la vue, la batterie et son simple patch au nom du groupe ou encore le bassiste qui garde son manteau même après le début du show sont autant de preuves qu’aujourd’hui Caravan ne se soucie guère de son image, et continue avant tout pour se faire plaisir.

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Enfin, l’instant de vérité arrive et avec le premier titre (tiré de Paradise Filter, dernier album en date) la confirmation qu’on pourra apprécier le concert sans interruption. À l’exception de quelques larsens ponctuels et des régulières pannes du micro de Geoffrey Richardson”‹, lequel s’énervera à plusieurs reprises, le changement d’équipement semble avoir résolu les problèmes : le public peut se donner corps et âme au rock de Caravan”‹.

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Sur scène, tous s’échangent regards et sourires : une véritable complicité est palpable, aboutissant dans de dantesques solos où tous se retournent pour admirer la performance, comme dans les quartets de jazz. Pye ne tire sur sa voix que pour sortir certains aigus hauts perchés, ce qui rapporté à l’âge du groupe reste tout à fait acceptable. On regrette en revanche le faible niveau des autres micros : il manque du coup vraiment quelque chose lors des titres riches en choeurs de l’époque For Girls Who Grow Plump In The Night, à l’instar de “Headloss”.

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Rien de suffisant toutefois pour empêcher le public d’être transporté lors de l’exécution des autres classiques du début des années 70 que sont “Golf Girl”, “In The Land Of Grey And Pink” et “Memory Lain, Hugh”, chansons que le groupe n’hésite d’ailleurs pas à faire durer nettement plus longtemps en y ajoutant du jam et plus d’exploration musicale. À l’instar d’un groupe comme Deep Purple”‹, on assiste vraiment à un concert d’amis qui se font plaisir sur scène, et c’est vraiment agréable.

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Geoffrey Richardson est très impressionnant avec chacun de ses instruments, du violon au duo de cuillères, même si ses interventions à la flûte traversière restent trop discrètes, la faute à ce micro mal réglé. Indéniablement, le second membre le plus ancien de la formation est le pilier de la recherche musicale que développe Caravan”‹. À la basse, Jim Leverton nous gratifie de quelques solos bien inspirés et Mark Walker déborde d’énergie sur ses fûts. Jan Schelhaas reste en revanche décevant sur les envolées de claviers, majoritairement trop brouillonnes pour être appréciées comme elles le devraient.

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Si la plupart des plus anciens titres sonnent vraiment bien 45 ans après et ne manquent pas d’énergie, le constat est nettement différent pour les morceaux plus récents. Là où un “Dead Man Walking” ne manque pas d’intérêt et trouve écho dans la foule, le public est sensiblement moins réceptif lors des beaucoup plus pop “I’ll Be There For You” et surtout “Fingers In The Till”. Heureusement, les compositions progressives que le public aime et veut entendre sont bien majoritaires, en témoigne le choix évident du morceau fleuve “Nine Feet Underground” en rappel, de quoi apposer un point final épique à ce festival si particulier.

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Le Rock Au Château nous a réservé beaucoup d’émotions, du bonheur de découvrir ou retrouver sur scène certains groupes uniques, à la peine partagée de celui qui a souffert des lourds ennuis techniques du second jour. La programmation était très bonne, donnant suffisamment de visibilité à des formations jeunes tout en s’offrant en têtes d’affiche de vraies références. Cerise sur le gâteau, la météo excellente assurant un ciel parfaitement clair durant toute l’édition nous a permis de savourer le cadre saisissant, argument fort du lieu. Le Rock Au Château est naturellement un festival que l’on recommande, en particulier si les prochaines programmation s’avèrent aussi excellentes que celle qui vient de s’achever.

Crédits photos : Bill Bocquet
 

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