Depuis 2018, AURI, le side project de Tuomas Holopainen et Troy Donockley, enchaîne les albums avec un timing de coucou suisse. Avec l'arrêt temporaire des tournées de leur groupe principal, Nightwish, on espérait qu'un autre album verrait le jour, et c'est le cas aujourd'hui. Un troisième opus est toujours une entreprise délicate : après la découverte du premier et la confirmation du deuxième, il faut toujours aller plus loin et ne pas tomber dans la routine afin de donner envie à l'auditeur d'écouter ce nouvel effort.

Après un second opus intitulé II Those We Don't Speak Of extrêmement varié et plus aventureux, on sent que AURI a voulu revenir à certains éléments plus développés dans le premier album. Ce troisième effort est plus dans la veine prog folk atmosphérique et repose quasiment sur la prestation magistrale de la chanteuse Johanna Kurkela. L'épouse de Tuomas Holopainen brille pas la diversité de ses émotions et nous prend par la main pour nous conter différentes histoires. Que ce soit a cappella dès le premier titre "The Invisible Gossamer Bridge", telle une prêtresse psalmodiant des incantations sur "The Apparition Speaks" ou même réconfortante avec ses chuchotements sur "A Boy Travelling With His Mother", la chanteuse brille, quitte parfois à éclipser ses collègues masculins. Il faut dire qu'elle est servie par une production somptueuse mais surtout un travail sur les voix très intéressant, qu'elles soient plusieurs au sein d'un chœur ou traitées de façon synthétiques avec les claviers de Tuomas. On retrouve un peu le même état d'esprit que sur le premier CD de Human :||: Nature de Nightwish, à savoir mettre l'humain au centre de la musique.
Exit donc les expérimentations ou le côté plus enjoué du deuxième album, III Candles & Beginnings se recentre sur l'essentiel : la voix et l'émotion avec un retour au côté primaire de la musique qui fait penser parfois au projet Wardruna. Il faut louer le gros travail de Troy Donockley, ce musicien touche à tout qui utilise tout un arsenal d'instruments assez traditionnels pour ancrer les compositions dans cette ambiance folklorique sans pour autant tomber dans le kitsch. Il faut vraiment tendre l'oreille pour distinguer ce qu'il se passe en arrière plan et admirer les mélodies de bouzouki, de guitare acoustique, de flûte ou d'Uileann pipes. D'ailleurs ces dernières, cousines irlandaises de la cornemuse, apportent toujours une vraie musicalité et se marient bien avec les voix de Johanna. Preuve quand même qu'AURI n'est pas coincé dans le 15ème siècle, Troy utilise la guitare électrique sur "The Apparition Speaks" pour apporter un côté très sombre.

Cette noirceur est un peu le fil rouge de l'album. Entre les ambiances minimalistes qui rappellent la BO de Dune de Hans Zimmer, les effets parfois nasillards de Johanna ou des progressions d'accords absolument sublimes mais très dissonantes qui rappellent le travail de Danny Elfman, ce troisième opus est souvent loin du côté plus enjoué des précédentes œuvres. Il y a quand même quelques titres qui nous font voyager notamment du côté oriental avec "Museum of Childhood" qui rappelle la musique du film Gladiator avec même un petit passage du côté du Roi Lion. Tuomas n'a jamais caché son amour pour Hans Zimmer et ça se sent. Autre morceau tout aussi arabisant, le très surprenant "Helios", sans doute composé par Troy Donockley, tant ses instruments et sa voix répétant le titre imprègnent la composition.
Quelques morceaux paraissent plus "classiques" pour ceux qui connaissent la discographie du groupe et de Nightwish comme le très celtique "Blakey Ridge" avec ses synthés qui ramènent l'auditeur vers des albums comme Oceanborn ou Wishmaster. Ça et là, on entend des parties de violons qui rappellent "All the Works of Nature Which Adorn the World", la composition orchestrale présente sur le deuxième CD de Human :||: Nature, ou des intonations proches d'Imaginaerum. Bien sûr le côté très atmosphérique et orchestral, la voix de Johanna font également penser à Music Inspired by the Life and Times of Scrooge, l'album solo de Tuomas. Mais AURI a toujours eu et a toujours un style vraiment à part. Et ce n'est pas le morceau-fleuve "A Boy Traveling with His Mother" qui fera dire le contraire. D'une durée de onze minutes, il bat de loin le record de la plus longue composition du groupe. Extrêmement déconcertant dans ses atmosphères et ses ambiances, on se laisse guider par la voix fragile et maternelle de Johanna.
Moins facile d'accès peut-être que son prédécesseur, on ne peut pas dire qu'avec cet opus AURI se repose sur ses lauriers. Toujours aussi immersif dans la création d'atmosphères, on vous garantit que III Candles & Beginnings vous emmènera vers des horizons certains. Parfois exigeant au niveau des compositions, des mélodies et des progressions d'accords, c'est un album qui s'écoute et non qui s'entend. On a plus que hâte de voir comment cette ambiance si particulière sera retranscrite en live puisque le groupe entame sa première tournée européenne et passera par Paris le 17 septembre.
L'album est disponible en précommande ici sur le label Nuclear Blast et sortira le 15 août.
Crédits photos : DR Pete Voutilainen

Tracklist
- 01 The Invisible Gossamer Bridge
- 02 The Apparition Speaks
- 03 I Will Have Language
- 04 Oh, Lovely Oddities
- 05 Libraries Of Love
- 06 Blakey Ridge
- 07 Helios
- 08 Museum Of Childhood
- 09 Shieldmaiden
- 10 A Boy Travelling With His Mother










