Motocultor 2025 – J2 : Le jour des ovnis musicaux, mais pas que

Vendredi 15 août, Carhaix

Deuxième jour de festival, toujours sous un soleil radieux. Si la Bruce Dickinscène est aujourd'hui consacrée au folk metal, la Massey semble quant à elle identifiée comme celle des objets musicaux non identifiés. Et entre les deux, toujours des poids lourds et des claques en pagaille, pour ce qui est peut-être la journée la plus chargée de cette édition.

De plus en plus, le Motocultor se distingue comme un festival défricheur de talents, capable d'attirer des têtes d'affiche de plus en plus grosses, mais faisant aussi la part belle à des groupes peu connus, et souvent assez novateurs, voire perchés. C'est particulièrement vrai en ce vendredi !

Nos concerts du jour

Benighted 

Dave Mustage, 14h15

Un peu étrange de retrouver Benighted, groupe fer de lance du brutal death / metal extrême français, aussi tôt dans la journée et pour 50 minutes uniquement, mais la vaillante armée de combattants est bien là, prête à en découdre, et ovationne le quatuor qui se présente en plein soleil, arborant de larges sourires.

Dès les premières mesures de « Scars », issue de l’excellent dixième album Ekbom (2024), les pig squeals résonnent bien fort, la rythmique endiablée se met en place, et les pogos se lancent. La poussière s’élève et les slams et autres circle pits se déclenchent spontanément dès « Reptilian », encouragés par le vocaliste Julien Truchan, pieds nus, qui se déchaîne vocalement sur les titres mais prend aussi très à cœur son rôle d’animateur entre chaque morceau, communicant beaucoup avec le public (« À chaque fois qu’on vient, vous foutez un de ces bordels ! Merci d’être là ! »). Vu de la tribune VIP, la fosse prend des allures de scène de bagarre générale dans Astérix, des nuages de terre se forment et montent très haut, au point d’aveugler festivaliers et musiciens. 

L’intro tribale de « Implore the Negative » est l’occasion de mettre en avant la prestation monstrueuse du batteur belge Siebe Hermans, 22 ans, qui a repris le poste de Kevin Paradis, cogneur depuis 2017 qui a quitté le groupe récemment avec un tout dernier show en juin dernier au BetizFest à Cambrai. Les rythmiques effrénées et le groove irrésistible font s’agiter le public, et la prestation vocale de Julien force l’admiration. Il alterne les cris graves et aigus, grunts, pig squeals et growls avec aisance, mais n’oublie jamais de se transformer en leader bienveillant et authentique entre les titres pour remercier le public, ou la sécu, à sa manière (« Pour les remercier, on va les faire bosser! », ce qui déclenche un torrent de slams qui ne faiblira pas tout au long du set). 

Entre les hurlements perçants ou profonds, les thématiques horrifiques, les riffs incisifs mais aussi quelques soli de guitare signés Emmanuel Dalle, les ralentissements groovy portés par la basse de Pierre Armoux, et cette double pédale impitoyable, le set se révèle une véritable tuerie fatale pour les cervicales, et la fosse noire de monde bouge comme un seul homme. Tous les musiciens headbanguent sur l’enchaînement meurtrier (mais peu politiquement correct) « Cum with Disgust », « Collapse » et « Slut », puis le public hurle les refrains des morceaux emblématiques « Experience Your Flesh » et « Let the Blood Spill Between My Broken Teeth », ne semblant ne pas réaliser qu’il est déjà l’heure de se quitter, après cinquante petites minutes de déchaînement de brutalité cathartique.

Setlist Benighted :

Scars
Reptilian
Collection of Dead Portraits
Implore the Negative
Morgue
Scapegoat
Cum with Disgust
Collapse
Slut
Experience Your Flesh
Let the Blood Spill Between my Broken Teeth

Five The Hierophant

Massey Ferguscène, 15h

C’est aussi pour ce genre de moments que l’on vient au Motocultor. Ces sets de groupes jusque-là peu connus qui vous prennent par surprise, vous laissent sans voix avec une musique qui ne ressemble à rien d’autre. D’année en année, le festival s’affirme de plus en plus comme un dénicheur de talents, de préférence des bizarreries musicales méconnues. Comme souvent, il faut s’aventurer sur le site dans les premiers créneaux de l’après-midi.

Dès son entrée en scène, Five The Hierophant frappe les esprits. Des musiciens encapuchonnés, quoi de plus normal dans un festival de metal. Trois d’entre eux arrivent sur scène en faisant sonner des cloches, tandis qu’une odeur d’encens se répand sous la tente. Toujours relativement classique, mais alors que le batteur Chris s’installe derrière ses fûts, rejoint par le percussionniste Dan, Jon Roffey entame un air au saxophone, entouré de ses deux comparses qui soufflent dans des cornes.

Après cette entrée en matière frappante, ils retournent ensuite respectivement à leur basse (Gavin Thomas) et leur guitare (Geryon), et c’est parti pour quarante minutes d’un doom très expérimental, se mêlant allègrement au jazz, au post black, et à des expérimentations sonores avant-gardistes. Le saxophone domine souvent les débats, mais l’ensemble des instruments participent à ces ambiances parfois légèrement malsaines, étourdissantes, à l’occasion incompréhensibles. Le percussionniste apporte des éléments intéressants, jouant notamment aux mailloches, mais s’il est très audible au tout début, il est ensuite malheureusement souvent recouvert par le son de la batterie.

Pas un mot n’est prononcé, mais les musiciens s’inclinent plusieurs fois en bord de scène pour remercier l’auditoire. Le saxophoniste reste au centre de l’attention visuelle en plus de l’attention musicale, il tournoie parfois sur lui-même avec son instrument, semble danser, et même littéralement onduler au son de la musique.

Le groupe anglais est loin d’être un nouveau venu, puisqu’il s’est formé en 2018 et possède trois albums à son actif, dont le dernier en date, l’étrange et excellent Apeiron, est sorti l’an dernier. Après l’introduction et un morceau issu de son deuxième album, les trois derniers titres seront issus de l’opus le plus récent. Five The Hierophant reste cependant relativement rare sur scène, et sa musique très particulière en fait un groupe de niche.

La difficulté apparente d’accès est cependant question de perspectives, car ces expérimentations musicales sont justement ce qui donne son intérêt au quatuor.  Le public présent semble lui aussi conquis, même s’il reste très statique. Il est de toute façon malaisé de savoir comment bouger sur ces rythmes improbables et chaotiques. Alors que le concert s’achève, les applaudissements éclatent, assourdissant, le public conscient d’avoir assisté à une prestation hors du commun.

Wayfarer

Bruce Dickinscène, 15h45

Depuis la sortie de son dernier album fin 2023, American Gothic, le groupe de Denver, Colorado tourne beaucoup en Europe et passe régulièrement dans l’Hexagone. On avait pu retrouver Wayfarer l’an dernier en première partie d’Enslaved, c’est cette fois avec un set plus chargé (bien que toujours assez court) que le groupe se présente devant le public du Motocultor. L’intro de “The Thousand Tombs of Western Promise” retentit avec ses notes métalliques de dobro (guitare à résonateur) : bienvenue dans l’univers western du groupe. Un univers violent, dans lequel le jeu au bottleneck de Joey Truscelli est presque étouffé dans un mix mettant largement plus en avant les growls de Shane McCarthy. La première chose qui frappe lorsque les instruments attaquent le titre est en effet la puissance du son. Le micro de Shane est réglé très fort et très en avant dans le mix. Si ses parties vocales en growl sont largement audibles (comme celles de Jamie Hansen, le bassiste du groupe), il n’en est malheureusement pas de même avec certaines sections en voix claire, en particulier sur “To Enter My House Justified”. La batterie est de son côté bien réglée, intense mais pas trop forte, sans trop de reverb afin de bien apprécier le jeu aux cymbales d’Isaac Faulk. La guitare de Joey est clairement la victime collatérale du mix sur ce début de set, mais les choses s’améliorent lorsque le guitariste change d’instrument sur “The Cattle Thief” pour un jeu plus classique au médiator.

Avec un tel mix, toutes les compositions sonnent ici bien plus brutales qu’en studio, ou même lors de ce concert en première partie d’Enslaved. On en retire un ressenti très différent : assez loin des côtés atmosphériques et oniriques que l’on peut trouver aux compositions du groupe, le concert inscrit au contraire Wayfarer dans un registre bourrin. Certes, ce choix fonctionne bien (à fortiori en festival) sur certaines des compositions : on pense notamment au rapide “Animal Crown” de World’s Blood, qui termine le set avec ses blast beats. Au nez et à la barbe d’un “False Constellation” pourtant taillé pour ce rôle avec ses aspects cinématiques et ses guitares épiques : du dark western black metal dans toute sa splendeur. C’est une occasion manquée, d’autant plus qu’enfin un équilibrage des micros semble avoir été fait et le chant clair (central) est clairement audible. Dommage de devoir atteindre la fin du set, dans son ensemble caractérisé par un son mal réglé. Le groupe a tout de même proposé un set solide pour son dernier concert de la tournée européenne avant de reprendre un avion pour les États-Unis, n’oubliant pas de représenter les deux précédents albums.

Setlist Wayfarer:

The Thousand Tombs Of Western Promise
The Cattle Thief
The Iron Horse (Gallows Frontiers, Act II)
To Enter My House Justified
False Constellation
Animal Crown

Imperial Triumphant

Massey Ferguscène, 16h35

La Massey Ferguscène est décidément la scène des ovnis musicaux aujourd'hui. Après Five The Hierophant, c'est au tour d'Imperial Triumphant d'investir la tente. Le groupe était déjà venu en 2022, mais en plein air, laissant derrière lui des échos mitigés. Il faut dire que le set occulto-improbable est plus à son avantage abrité.

Comme à leur habitude, les musiciens états-uniens sont vêtus d'amples vêtements noirs à capes, et chacun arbore un masque doré du plus bel effet. L’expérimentale musique du trio se laisse difficilement attraper par une description. Son black caverneux et enragé se pare de bizarreries rythmiques, d'éléments de jazz et de musiques latines.

Le chant (assuré principalement par le guitariste Zachary Ezrin et en en complément par le bassiste Steve Blanco) est généralement saturé, parfois caverneux voire sépulcrale. Il va parfois chercher des techniques étranges pour un chant black particulièrement grave et s'aventure même dans l’utilisation d’un vocodeur... Mais toujours saturé, ce qui donne un son extrêmement métallique dans tous les sens du terme, très original.

Le son n'est franchement pas optimal, surtout au début, sans qu'on sache avec certitude s'il s'agit d'un problème de sonorisation ou si les différents éléments qui composent le maelström sonore ont du mal à interagir correctement. "C'est peut-être trop précis en studio pour bien rendre en live" suggère un de nos collègues.

On se laisse tout de même prendre sans forcément comprendre ce qu'on écoute. La dissonance est fréquente, la distorsion la règle, et le déluge sonore rend parfois difficilement audible ce que joue très précisément la guitare. Zachary Ezrin a toutefois des parties intéressantes, notamment du jeu à l’archet, ou au bottleneck.

Le bassiste Steve Blanco se démarque plus, faisant preuve de pas mal d'inventivité. Mais c'est le batteur Kenny Grohowski qui retient le plus l'attention, capable de beaucoup d'agressivité mais aussi d’énormément de variations, proposant parfois des parties très éloignées de ce qui se joue en même temps. Il tient souvent ses baguettes en jazz grip, et l'influence du jazz se ressent beaucoup dans ses rythmes, de même que la musique latine : il gratifie ainsi plusieurs fois l'auditoire de rythmes de samba. Ce qui offre donc, sur ces moments-là, un résultat global très agressif tout en étant fort dansant.

Le groupe s’essaie à un peu de mise en scène, avec par exemple une bouteille de champagne sabrée sur le devant de la scène, ou encore une trompette cassée qui projette des étincelles. A l'issue du concert, le groupe est largement applaudi, et s’il n’est pas forcément évident d’entrer dans ce genre de prestations, celle d’Imperial Triumphant reste clairement en mémoire.

Blackbriar 

Bruce Dickinscène, 17h25

Place au metal alternatif / gothique de Blackbriar sur la Bruce. Vu l’horaire, point d’obscurité qui aurait pu servir l’esthétique sombre et romantique des compositions du groupe mené par la vocaliste Zora Cock, dont le pied de micro est orné de fleurs rouges foncées et de ronces noires (blackbriar, en anglais). Le groupe néerlandais formé il y a plus de dix ans n’a que deux albums à son actif mais a sorti énormément de singles et d’EP depuis sa création, et a déjà beaucoup tourné, notamment en 2019 en première partie d’Epica.

Le set de Blackbriar se révèle très mélodique, reposant sur le beau timbre de Zora qui monte facilement dans les aigus, se déplace avec grâce et interprète ses titres avec passion. De nombreux morceaux célèbrent la nature ou la féminité, et la vocaliste demande s’il y a des sorcières pour introduire le titre terriblement accrocheur « I’d Rather Burn ». Autour de la frontwoman à la chevelure flamboyante, les musiciens assurent avec précision des riffs modernes et des passages puissants, tout en démontrant une complicité évidente entre eux : le bassiste Siebe Sol Sijpkens arpente la scène et virevolte avec la vocaliste, les deux guitaristes Bart Winters, Robin Koetzen headbanguent, font lever les bras ou taper des mains le public qui semble ravi de les suivre.

Des intros très folk (« Selkie »), quelques ambiances de chant de marin (« Far Distant Land »), des airs inspirés par les montagnes (« Deadly Diminuendo »), introduisent des passages assez lourds comme « Arms of the Ocean » au début épuré, qui tape bien avant une conclusion sympathique au piano par le claviériste Ruben Wigja. On entend bien tous les instruments, même le clavier ou le superbe son de basse bondissant (« Harpy »). Seul bémol du set, on peut regretter l’utilisation excessive de chœurs et d’orchestre sur piste. Le set n’en demeure pas moins efficace et convaincant, et cela même si musicalement le metal mélodique frôlant le symphonique de Blackbriar ne se distingue pas forcément par son originalité. La singularité vient de cette esthétique gothique qui lui confère un côté envoûtant, cette prestation vocale impressionnante, sans oublier la générosité des musiciens. 

Le public semble apprécier, si l’on en croit les paroles de certains morceaux reprises dans la fosse par de nombreux fans (« Until Eternity », « I’d Rather Burn »). Au milieu du set, Zora introduit deux nouveaux morceaux qui semblent faire l’unanimité dans le public. Ces deux singles déjà sortis, « Floriography » et « Harpy » figureront sur le troisième et nouvel album, A Thousand Little Deaths, dont la sortie est prévue juste une semaine plus tard, le 22 août. La frontwoman en profite pour donner rendez-vous au public français pour l’automne, à l’occasion d’une tournée en headline qui passera par Paris, Lyon et Toulouse entre fin octobre et début novembre 2025.

Setlist Blackbriar :

Crimson Faces
I’d Rather Burn
Arms of the Ocean
Selkie
Floriography
Harpy
Far Distant Land
Deadly Diminuendo
Cicada
Until Eternity

Lacuna Coil

Dave Mustage, 19h10

Les Transalpins ont beau être des voisins, ils sont loin d’être ceux qui passent le plus dans nos contrées. Alors, quelques minutes avant le début du show, une foule relativement importante s’est amassée devant la Dave Mustage. Un par un, les trois instrumentistes entrent en scène, avec les espèces de corpse paints qu’ils arborent depuis quelques années. La musique a beau s’être durcie récemment, elle reste tout de même loin de ce à quoi peut renvoyer cette imagerie.

Puis ce sont les deux chanteurs qui investissent la scène, costumés de façon légèrement plus discrète, pour attaquer l’excellent « Layers of Time » de Black Anima, l’un des meilleurs opus de la discographie récente du groupe, sorti en 2019, qui attaque presque immédiatement avec les rugissements d’Andrea Ferro. Il est assez symptomatique de l’évolution du quintette : passé d’un metal gothique éthéré et mélancolique au début de sa carrière, il s’est ensuite aventuré dans un neo-metal plus ou moins réussi selon les albums, et a pris ces dernières années un tournant plus agressif, tout en incorporant des éléments plus originaux.

Et cela se retrouve sur scène : le son est lourd, agressif, et même les réfractaires aux compositions du groupe reconnaissent l’énergie déployée durant le show. Lacuna Coil n’est pas franchement un combo à solo, et les instrumentistes ne se distinguent pas vraiment individuellement mais plutôt dans l’ambiance générale qu’ils assurent ensemble. Le bassiste Marco Coti Zelati, cofondateur du groupe et le batteur Richard Meiz, présent depuis 2019, n’ont évidemment aucun problème à occuper l’espace. Sur certains passages, le poutrage en règle de la batterie de Meiz impressionne – entre autres sur les récents « Hosting the Shadows » et « Oxygen », mais on le voit aussi s’amuser à jouer au chef d’orchestre avec sa baguette lors des passages plus calmes où le public chante en chœur, notamment sur « Heaven’s a Lie ». Le guitariste Daniele Salomone, arrivé l’an dernier en remplacement de Diego Cavalotti, semble également parfaitement s’intégrer dans la formation.

Les deux vocalistes, évidemment, ont de l’expérience et occupent la scène avec aisance, se perchant régulièrement sur les praticables d’avant-scène, allant jouer avec les musiciens, haranguant la foule… Cela pourrait sembler un poil automatique, mais il en émane un charisme et une simplicité qui dilue cette sensation. Surtout, cela fait quelques années qu’ils semblent à l’apogée de leurs capacités : la voix saturée et parfois scandée de Ferro est bien plus tranchante et efficace que lors de ses (désormais lointains) débuts pas toujours maîtrisés. Quant à Scabbia, elle impressionne lors de morceaux de bravoures tels que les vocalises haut perchées de « Reckless », second titre tiré de Black Anima – et de la setlist. Léger problème de communication :  la chanteuse semble expliquer qu’un invité très spécial va se joindre au groupe pour le prochain morceau, Randy Blythe, chanteur de Lamb Of God. Or, il n’en est rien… Elle a manifestement simplement voulu rappeler que le monsieur a en effet posé sa voix sur le récent « Hosting the Shadows ».

Presque la moitié du set est composé de morceaux du dernier opus, Sleepless Empire, sorti cette année, tout aussi agressif que son prédécesseur mais légèrement moins surprenant. En tout cas, les morceaux passent parfaitement l’épreuve du live, les excellents « I Wish You Were Dead » (entamée a capella) et « Gravity » en tête. Les morceaux plus anciens ne sont pas oubliés, même si évidemment, en cinquante minutes de set, il faut faire des choix.  Car le groupe a désormais plus de trente ans de carrière, dix albums, deux EP et un disque de réenregistrements à son actif.

Tous les albums ne sont pas représentés, et si l’on peut regretter l’absence des deux premiers opus, qui montrent l’aspect le plus gothique du combo, on a au moins la satisfaction d’éviter le très surcoté Karmacode. A l’exception, il est vrai, de la très bonne reprise du lui-même très bon « Enjoy the Silence » de Depeche Mode, qui permet de convaincre les fans de Lacuna Coil et les spectateurs plus sceptiques. Le son actuel du groupe, plus agressif, se ressent dans l’interprétation des titres plus anciens, culminant sur « Heaven’s a Lie », tiré du classique Comalies, album qui a fait l’objet en 2022 d’un réenregistrement à la sauce plus énervée que sert désormais le groupe. Le morceau, plaidoyer pour la liberté d’expression et contre les idées dogmatiques, est l’occasion pour la chanteuse de rappeler que « nous sommes nos propres maîtres », et est repris en chœur avec enthousiasme par la fosse.

Le son est dans un premier temps assez brouillon mais s’améliore passés les premiers morceaux. Sur l’ensemble du set, certains passages d’Andrea Ferro sont plus difficilement audibles, mais on soupçonne que les choses iront mieux lorsque quelqu’un aura pris la peine d’expliquer au monsieur qu’il n’est pas nécessaire de tenir son micro aussi loin. Cela n’empêche en tous cas pas le public, du moins celui le plus près de la scène, d’être complètement à fond.

Le set terminé, Richard Meiz se croit dans un match de baseball et veut envoyer ses sticks de batterie tenus par Cristina Scabbia en les frappant avec une autre baguette… Cela échoue assez lamentablement, mais montre que le groupe s’amuse toujours sur scène. Au final, les Italiens ont livré une prestation très convaincante – du moins pour ses adeptes, peut-être moins pour les autres. On peut essentiellement regretter un son pas optimal au début et quelques absences dans la setlist, explicables par la brièveté du show. Cela tombe bien, Lacuna Coil sera de retour en France dans quelques semaines, avec des concerts à Paris, Toulouse, Grenoble et Lille.

Fleshgod Apocalypse

Supositor Stage, 20h05

Un beau piano droit trône sur la scène de la Supositor siglé F.A., les initiales de Fleshgod Apocalypse. Un petit medley de musique classique (surtout du Mozart) est joué dans les enceintes: ambiance. Veronica Bordacchini et Francesco Ferrini arrivent sur scène et attaquent rapidement en duo piano/voix “Ode to Art (de' Sepolcri)”, introduction du dernier opus sorti l’an dernier, Opera. À l’instar du visuel de ce dernier album, Veronica tient un drapeau italien lors de cette introduction solennelle. Elle est en voix ! Sans surprise, le concert enchaîne ensuite sur le second titre de l’album, “I Can Never Die”. On accueille les premières lignes de chant saturé de Francesco Paoli et une bonne dose de blast beats signés Eugene Ryabchenko. Le public commence à se déchaîner : une zone de mosh se forme et la poussière du sol très sec commence déjà à former des nuages. L’énergie dans la foule ne redescend pas, atteignant probablement son paroxysme lorsque Julien de Benighted est invité par Fleshgod Apocalypse pour exécuter “The Fool”. Forcément, quand le bougre demande un circle pit, le public s’exécute ! Julien prend manifestement plaisir à partager la scène avec le groupe italien, et à en juger par les nombreux échanges entre les membres, la bonne humeur est sincère sur scène. Citons entre autres Francesco qui vient taper sur le charleston d’Eugene pendant “Pendulum”, celui-ci qui prend la place au piano en fin de concert pour jouer la mélodie de… “Blue (Da Ba Dee)” d’Eiffel 65, devant le regard médusé de son collègue, avant que le groupe n’en propose une reprise digne du Motocultor.

Heureusement, parce que Fleshgod Apocalypse n’est pas gâté par la technique sur la seconde partie du set. Alors que tout était propre jusque là, et peu de temps après avoir demandé un wall of death sur l’intense “Bloodclock”, une coupure massive de son vient subitement casser le set. Comme si la façade s’était coupée, on n’entend alors plus que les retours. Certains micros restent audibles, d’autres non et le son grésille jusqu’à la fin du titre. Le groupe se retire alors, puis revient assez vite continuer le concert. Le son semble avoir été réparé, mais la situation n’est que temporairement rétablie : Fleshgod Apocalypse quitte la scène une seconde fois et c’est avec un son aléatoire que le concert se termine, certains des micros ne produisant plus rien. Pas de quoi altérer la volonté du public de se lâcher une dernière fois, trop heureux de faire un circle pit en chantant “I’m Blue, Da ba dee da ba da”.

Setlist Fleshgod Apocalypse: 

Ode to Art (de' Sepolcri)
I Can Never Die
Sugar
Minotaur (The Wrath of Poseidon)
The Fool
Pendulum
Bloodclock
The Violation
Epilogue
Blue (Da Ba Dee) (Eiffel 65)

Kerry King

Dave Mustage, 21h

Un an après le passage au Hellfest de son nouveau groupe, le guitariste égocentrique de Slayer se retrouve pour la première fois au Motocultor sur la scène Dave Mustage... quelle ironie quand on sait l’aversion entre les deux hommes ! Sans nouvel album ou compositions à défendre depuis la sortie de From Hell I Rise l’an dernier (et son immonde pochette), on s’attend à retrouver un concert assez proche, mettant suffisamment en avant l’album et puisant quelques brûlots chez Slayer, parce que ce serait dommage de ne pas le faire. L’occasion de prouver une seconde fois au public français la pertinence de ce nouveau combo, qui sur le papier s’annonce assez prometteur par les talents réunis. Phil Demmel (ex-Machine Head) à la guitare, Paul Bostaph (également passé chez Slayer) à la batterie ou encore Mark Osegueda au chant, la voix de Death Angel : avouons que ça permet de belles choses. Après avoir abreuvé le public du festival avec des titres de l’intemporel Back in Black (clin d'œil au come-back de Kerry ? Ça pourrait marcher si Slayer ne s’était pas déjà reformé…) dans les enceintes, puis “Diablo” pendant l’arrivée des musiciens, ce sont les riffs acérés de “Where I Reign” qui ouvrent le set. Ça va vite, c’est bourrin et les premières lignes de chant confirment ce dont on ne doutait pas : Mark est en voix, et il a de la puissance ! Phil nous gratifie d’un bon solo sur ce premier titre, et les fûts de Paul sont martelés en règle, alors que les croix sur la scène sont recouvertes de lumières qui s’allument en fonction des passages et ambiances.

L’énergie retombe pourtant déjà lorsque le groupe enchaîne avec “Trophies of the Tyrant”, ponctué par un solo assez inintéressant de Kerry. Cet enchaînement entre titres nerveux et plus poussifs préfigure déjà le principal défaut de ce concert : tous les titres de From Hell I Rise ne sont pas exceptionnels, et vu la quantité qui en est jouée (neuf, on ne va pas reprocher au groupe de le défendre), il y a mécaniquement du déchet. Le public, très énergique sur “Where I Reign”, se calme alors relativement. Il faut attendre “Idle Hands” et surtout “Repentless”, première reprise de Slayer, pour voir la zone de mosh pit retrouver des dimensions conséquentes. Le missile de l’album éponyme est superbement exécuté, Mark assure dans les chaussures de Tom Araya. Impérial, y compris lorsqu’il s’agit de reprendre “Black Magic” en fin de set, où Mark cale les cris aigus comme Tom le faisait en 1983. Impressionnant ! Mais si les reprises de Slayer constituent évidemment les moments forts du set - au sommet duquel trône vraisemblablement “Raining Blood”, les croix virant au rouge et le nuage de poussière créé par la fosse déchaînée devenant immense - le combo tient à introduire les compositions de son album. Pour “Toxic”, Mark se lance dans une déclamation sur la situation politique mondiale, les politiciens toxiques et corrompus et demande au public de s'unir dans une réaction de rage, celui-ci répondant en étant particulièrement dynamique. Moins de succès en revanche pour le final sur le titre éponyme : ”From Hell I Rise” ne voit qu’un petit nuage de poussière se lever. Peut-être aurait-il fallu finir par les reprises de Slayer ?

Setlist Kerry King:

Diablo
Where I Reign
Trophies Of The Tyrant
Residue
Two Fists
Idle Hands
Repentless (Slayer)
Toxic
Rage
Disciple (Slayer)
Shrapnel
Raining Blood (Slayer)
Black Magic (Slayer)
From Hell I Rise

Tribulation

Supositor Stage, 22h05

Les musiciens déjà maquillés font leurs balances, l’encens brûle depuis un moment, la Supo prend des airs de temple goth le temps d’une heure avec la venue des Suédois de Tribulation qui terminent cet été une longue série de concerts dédiée à leur dernier album, Sub Rosa in Æternum, paru l’an dernier. Sur l’intro sombre et solennelle et les premiers morceaux issus de ce nouvel opus s’élève le timbre grave du bassiste / vocaliste Johannes Andersson. Les silhouettes des musiciens se dessinent sur un jeu de lumière et d’ombres (et de jets de fumée) qui doit donner des sueurs froides aux photographes présents. Le début de set se révèle élégant et très classe, marqué visuellement par cette présence fantomatique et les mouvements énigmatiques des musiciens.

Alternant morceaux mélodiques et titres plus anciens et rugueux, tout en infusant des touches de rock’n roll, de blackened death voire de prog dans ses compositions, Tribulation varie les ambiances et les tempos. La récente « Hamartia » se révèle très rythmée, tandis que sur « Hungry Waters », le timbre de Johannes se fait bas, presque de crooner. Les deux guitaristes Adam Zaars et Joseph Toll (dernier arrivé dans le groupe après le départ en 2020 de Jonathan Hultén) ont chacun leur solo avant une fin épique où ils font virevolter leurs lignes de guitares ensemble. Dans la fosse le public écoute assez sagement, mais réagit plutôt bien aux accélérations tout en puissance, et aux quelques échanges avec le frontman Johannes qui montre son amour pour la France en attaquant une bouteille de vin rouge sur scène – il faut croire que le combo suédois n’a pas eu le temps d’être initié aux spécialités bretonnes comme le cidre, le chouchenn ou les bières bretonnes pourtant présentes partout sur le site du festival.

L’intensité monte d’un cran avec « Saturn Coming Down », dotée d’une sacrée rythmique. Derrière les fûts, Oscar Leander cogne sérieusement. On retrouve une langueur goth dans « Murder in Red », plus lente et très mélodique, introduite même par des lignes synthwave. À noter que le quatuor se repose essentiellement sur les sons organiques, de basse et de guitares, utilisant finalement assez peu les intros sur pistes ou sons de synthés.

Un premier départ de scène amène un rappel qui met à l’honneur l’album emblématique Children of the Night, sorti en 2015. Rock’n roll, riffs et grosse rythmique sont au programme de l’excellente « Melancholia », qui marque le retour du cri de Johannes, et l’enchaînement des soli pour Joseph qui finit à genoux. Pendant l’intro à l’orgue de la très dark « Strage Gateways Beckon », Johannes trinque à nouveau avec le public avant de poser son timbre bas sur le morceau lent tout en fixant l’auditoire de son regard menaçant une dernière fois. Le groupe remercie les festivaliers et quitte la scène acclamé par le public présent, et pendant que résonne « Across the Universe » des Beatles, les enfants de la nuit quittent lentement les lieux, encore enveloppés dans cette atmosphère dark goth dont Tribulation a le secret.

Setlist Tribulation :

The Unrelenting Choir
Tainted Skies
Nightbound
Hamartia
Hungry Waters
Saturn Coming Down
Muder in Red
Melancholia
Strange Gateways Beckon

Sólstafir

Massey Ferguscène, 22h05

Solstafir est indéniablement un groupe qui attire. Il y a déjà pas mal de monde devant la scène vingt minutes avant le set, et quelques minutes avant le coup d’envoi, la tente est pleine. Le public peut donc profiter d’une étrange musique d’attente, qui va de sonorités très electro à du chant traditionnel a cappella.

Enfin le groupe islandais arrive, et c’est parti pour cinquante minutes d’un set violent et planant en même temps, qui emprunte à la fois au post black et au metal atmosphérique le plus éthéré. Les longues compositions du quatuor, qui dépassent allègrement les dix minutes, ont quelque chose de contemplatif malgré l’agressivité, lancinant malgré les explosions sonores, plaintif sans être pleurnichard. La noirceur est souvent présente mais elle s’accompagne aussi d’éclaircies lumineuses, malgré l’aspect élégiaque de plusieurs passages. Les lumières vaporeuses sont elles aussi magnifiques, jouant sur les couleurs, entourant les musiciens d’un flou nébuleux, éthéré. C’est vraiment du plus bel effet.

La musique grave, nostalgique du groupe va de pair avec une attitude très sérieuse des musiciens. Mais cela ne les empêche pas au fil des morceaux de jouer un peu entre eux. La foule est en grande partie composée d'aficionados convaincus, qui chantent spontanément certaines vocalises en introduction des morceaux. Quand il n'est pas occupé à jouer de sa guitare à l'archet, le chanteur guitariste Aðalbjörn "Addi" Tryggvason apprécie manifestement, puisqu’il s’approche parfois de la scène en tendant l’oreille. A l’occasion, il jette aussi un médiator dans le public. Il communique d’ailleurs avec le public d’une manière relativement enjouée, qui tranche joyeusement avec la musique du groupe, demandant par exemple l’aide du public pour crier le plus fort possible… Et en faisant reprendre plusieurs fois, parce que « c’est très mignon, mais vous pouvez faire mieux ». C’est facile, mais ça marche.

Lors d’un morceau, des ballons sont lâchés dans le public. Cela a quelque chose d’incongru, vu la musique mélancolique du quatuor… mais peut-être pas autant que les slams, pas si rares, qui gâchent l’immersion à partir du tiers du concert – bousculant au passage les gens autour d’eux quand ils tombent, parce que les spectateurs ne s’attendent pas forcément à les voir débarquer. Il y a suffisamment de groupes dont la musique est tout à fait appropriée pour le crowdsurfing pour ne pas aller s’y jeter sur des sets si mélancoliques.

Cela ne perturbe en tous cas pas les musiciens. Sur le dernier titre, Tryggvason s’approche encore plus près de son auditoire. Il grimpe sur les crash barrières, commence à avancer, serre des mains, manque perdre l’équilibre, mais continue, et tout en chantant s’accroupit, se redresse, tandis qu’une cavalcade musicale emporte tout derrière lui. C’est peu dire que le groupe est très applaudi, il salue d’ailleurs plusieurs fois, visiblement toujours connecté à son public.

Dimmu Borgir 

Dave Mustage, 23h

La fosse déborde pour la tête d’affiche du jour, assurément l’un des groupes les plus attendus du festival à en juger par le nombre de t-shirts à son effigie. Avec trente ans d’existence, le groupe fait figure de légende du metal, malgré un parcours chaotique, et même si dans son line-up actuels seuls deux membres d’origine ont résisté, le guitariste Silenoz et le vocaliste Shagrath. Avec des décors monumentaux, une scénographie travaillée, des costumes et l’utilisation de pyro, c’est une performance plus qu’un concert que réserve le sextette au Motocultor. Quant à la setlist, elle est habilement conçue pour balayer différentes périodes de la carrière longue mais mouvementée des piliers de la scène metal norvégienne.

Le concert s’ouvre sur la période intermédiaire dans l’histoire du groupe, celle de la mutation des années 2000. « Puritania », issue de Puritanical Euphoric Misanthropia, marque l’arrivée du groupe sur scène. Encapuchonnés, accompagnés de jets de fumée et d’éclairages verts, les musiciens prennent leur place et entament ce morceau à la fois groovy et symphonique sur lequel les effets sur la voix de Shagrath créent une sorte d’effet de claustrophobie ou de malaise. De cette même époque, le groupe interprète ce soir deux extraits du culte Death Cult Armageddon sorti en 2003, tendance plutôt black / thrash ultra rapide et incisif avec « Cataclysm Children », sur lequel les lignes mélodiques de piano et la basse se distinguent au milieu des gros riffs menaçants. Les musiciens sont très mobiles, n’hésitent pas à s’avancer pour haranguer la foule, montent sur les podiums ou échangent de place les uns avec les autres, parfois au péril de leur vie vu le déferlement de pyro sur quasiment tous les titres. On touche au grandiose avec l’ultra-symphonique et théâtral « Progenies of the Great Apocalypse », là aussi avec l’utilisation de pistes orchestrales et des lignes de piano impressionnantes avant le cri final de Shagrath. « Gateways », à l’introduction inquiétante, est quant à elle la seule rescapée de l’ère Abrahadabra, sorti en 2010 juste avant la mise en sommeil du groupe pendant sept ans.

Des morceaux les plus anciens, habilement intégrés à la setlist, montrent qu’ils n’ont pas pris une ride. Retour aux sources, dans des tons bleus, avec le black metal froid et tempétueux de « Stormblåst » (1996), interprété avec intensité par le charismatique Shagrath, tantôt dans le registre agressif, tantôt chuchotant, toujours inspiré, et sans cesse tourné vers le public. Deux morceaux issus de Enthrone Darkness Triumphant : « In Death’s Embrace » avec dès l’intro, une débauche de pyro. Shagrath taquine Silenoz en lui tripotant la guitare. Et le grand final « Mourning Palace » avec cette fois-ci du feu derrière eux pour un effet tout droit venu des enfers. Les extraits de Spiritual Black Dimensions ont beau avoir 26 ans d’âge, ils semblent toujours autant fédérer le public très réactif qui crie et lève les cornes bien haut. Les soli fusent, sur « The Insight and the Catharsis » ou le survolté « Grotesquerie Conceiled (Within Measureless Magic) » dotée d’un beau solo coordonné guitare / synthé et marqué par un double blast monstrueux de Daray.

La phase que l’on peut qualifier de renaissance de Dimmu Borgir, depuis 2018, n’est pas non plus boudée ce soir, et la boucle est bouclée avec deux titres issus de Eonian : « Interdimensional Summit », catchy au possible avec son intro aux cordes, sa rythmique survitaminée et son refrain choral entraînant. Le cérémoniel est de mise avec « Council of Wolves and Snakes » où Shagrath cogne sur un tambour à l’avant de la scène en parfaite synchronisation avec son batteur, resté derrière ses fûts. Les flammes surgissent dans le fond de la scène et sur les passages lents et solennels, le frontman brandit un crâne de bouc, avant des passages plus violents.

Le set du soir retrace une histoire mouvementée mais assumée, des débuts underground à des évolutions plus progressives, mélodiques, symphoniques, voire commerciales diront certains. Dimmu Borgir a su faire ce soir la synthèse de ce qu’il sait faire de mieux : du grand spectacle, sombre et théâtral, qui emporte l’adhésion de plusieurs générations de fans visiblement séduits par cette performance enflammée.

Setlist Dimmu Borgir :

Puritania
Interdimensional Summit
Gateways
The Serpentine Offering
In Death’s Embrace
Grotesquerie Conceiled (Within Measureless Magic)
Stormblåst
Council of Wolves and Snakes
Cataclysm Children
The Insight and the Catharsis
Progenies of the Great Apocalypse
Mourning Palace

Ihsahn

Massey Ferguscène, 00h20

Il s’est écoulé six ans depuis la dernière venue d’Ihsahn au Motocultor, à l’époque pour la tournée Ámr. Depuis, le compositeur prolifique a sorti deux EP et surtout son album éponyme en 2024, pinnacle symphonique d’une carrière pourtant déjà remarquable. À la vue du backdrop avec le cerf du dernier album, on est fébrile : va-t-on avoir un set centré autour de ce double album orchestral et metal ? Nous sommes autant impatients qu’intrigués, son caractère orchestral (c’est un album avec beaucoup de parties enregistrées) ne se prêtant pas nécessairement aussi bien que les précédents albums à l’exercice du live. La réponse ne tarde pas : “Cervus Venator” résonne dans les enceintes, puis le combo attaque “The Promethean Spark” dans sa version metal. La composition est nerveuse et passe bien en concert ce soir. L’exécution est sans failles et le mix plutôt propre quoiqu’un peu lourd, la basse étant parfois bourdonnante. L’enchaînement sur l’intense “Pilgrimage To Oblivion” achève de confirmer nos espoirs : Ihsahn est bien représenté ce soir, et il occupe même une place majeure dans le set. En comptant les interludes, ce ne sont pas moins de huit de ses titres qui viennent garnir le set ce soir. On apprécie fort de retrouver ces compositions intenses, qui ne manquent pas de transporter le public. Seule ombre au tableau : étant donnée la nature des compositions de cet album et la formation en quatuor, une part importante des titres est jouée sur bande. Dommage, mais c’est un compromis acceptable : il ne serait pas pratique (et encore moins financièrement viable) de déplacer un orchestre pour chaque date.

Après une première partie de set exclusivement centrée sur le dernier album et terminée (à l’instar du disque) par l’interlude orchestral “Anima Extraneae”, le groupe s’aventure dans le reste de la discographie. La seconde partie qui s’ouvre ressemble alors beaucoup plus à un concert classique d’Ihsahn, deux des titres joués étaient d’ailleurs déjà présents il y a six ans : “My Heart Is Of The North” avec ses accords épiques et son riff catchy et “Lend Me The Eyes Of The Milennia” plus mélodique et porté sur les synthés. En sus, et en contraste total avec le dernier album concept, Ihsahn apporte un vent de fraîcheur avec les trois compositions de l’EP Telemark, chantées en norvégien. Proposition fort bienvenue et acceptée lors de la période de canicule, même si reconnaissons que ce jour précis est probablement le moins chaud de cette édition du festival. Si les compositions sont beaucoup plus directes que celles jouées en début de set, il y a toujours des parties de saxophone qui sont jouées sur bande. “Stridig” déclenche quelques petites zones de mosh avec sa rudesse, petite déception en revanche sur “Telemark”, titre pour lequel Ihsahn et son guitariste passent sur des 8 cordes… qui s’avèrent sous-mixées. La ligne mélodique qui fait l’essentiel de l’intensité du titre se trouve bien enfouie sous la rythmique. Dommage. Après s’être bien baladé dans les autres albums, le set revient pour sa troisième et dernière partie sur Ihsahn avec un duo de titres très forts. D’abord le très mélancolique “The Distance Between Us” puis l’intense “A Taste Of Ambrosia”, finissant ce beau set avec ce retour sur son thème très sombre !

Setlist Ihsahn:

Cervus Venator (sur bande)
The Promethean Spark
Pilgrimage To Oblivion
Twice Born
Anima Extraneae (sur bande)
My Heart Is Of The North
Stridig
Nord
Telemark
Lend Me The Eyes Of Milennia
The Distance Between Us
A Taste Of Ambrosia
Sonata Profana (sur bande)

Sir Reg

Bruce Dickinscène, 01h25

Pas facile de clore une journée bien chargée, qui plus est sur une des scènes secondaires. Ce n’est pourtant pas ce qui va décourager Sir Reg. Arrivant devant un public clairsemé, le septuor envoie d’emblée une énergie folle. Il faut dire que sa musique est faite pour danser et maintenir éveillé jusqu’au bout de la nuit : un rock celtique qui tire souvent vers le punk celtique et enchaîne sans faiblir les rythmes endiablés. Aux guitares électriques, basse et batterie s’ajoutent une guitare acoustique, un banjo et un violon, des chœurs à profusion : difficile de faire plus entraînant.

Impossible de résister, pour peu que l’on soit un minimum adepte du genre. La foule se laisse d’ailleurs prendre au jeu rapidement, des pogos éclatent au centre de la fosse, et ailleurs de nombreuses personnes se mettent à danser avec enthousiasme. Les slams commencent à pleuvoir – et pour le coup, difficile de faire musique plus appropriée.

Certes, impossible de nier que le groupe sonne souvent comme un tribute band de Flogging Molly. Comme son illustre prédécesseur, Sir Reg a été lancé par un chanteur guitariste irlandais, en l’occurrence Brendan Sheehy, après s’être expatrié. Aux Etats-Unis pour Dave King, en Suède pour Sheehy, mais la différence pourrait presque s’arrêter là : même les timbres de voix se ressemblent. Les origines suédoises de la formation ne s’entendent absolument pas. D’ailleurs, ce n’est pas l’objectif : le groupe semble vraiment faire la musique la plus efficace possible dans le style punk celtique. Et ça marche : plusieurs jours après le concert, certaines chansons qui nous étaient pourtant inconnues nous restent en tête.

Même quand une chanson part comme une ballade, elle retrouve assez vite un tempo endiablé. Et les musiciens ne ménagent pas leur peine. Ils sautent partout, arpentent la scène, le violoniste joue certains passages accroupi avant de se redresser d’un bond… Il finira d’ailleurs le concert torse nu – mais toujours avec son béret, style oblige. Tout est fait avec une telle débauche d’énergie et une telle sincérité que le manque d’originalité semble tout à fait anecdotique.

Sur les thématiques, les chansons passent allègrement de sujets sociaux à des chansons à boire, sans transition. Le chanteur prend parfois le temps de présenter rapidement les morceaux, ou de faire des blagues – toujours avec un magnifique accent irlandais à couper au couteau. « J’ai un accent de Dublin, ce n’est pas ma faute, c’est mes parents », s’excuse-t-il presque. Le public reprend volontiers les « wohoho » demandés. Et se prête au jeu quand, avant le dernier morceau, le frontman demande : « Prenez votre plus beau sourire et dites fromage ! ». Clairement, le groupe nous a gratifiés de l’une des performances les plus explosives du festival.

Setlist

Arrive on Saint Patrick Day
Capt’n’s Jig
A Sign of the Times
Open the Pubs
All Saints’ Day
Boys of St Pauli
This Country’s for Sale
Living on the Moon
Tosspot City
Cairbre
The Wrong Bar
The Kings of Sweet Feck All
How the Hell Can You Sleep ?
At the End of the World
Drink up Ya Sinners
Dying to Rebel
Feck the Celtic Tiger

Les autres concerts de la journée

Il faisait bon rôder du côté du chapiteau de la Massey en tout début de soirée, ne serait-ce que pour entendre probablement le soundcheck le plus propre de tout le festival, signé du groupe poitevin Klone, qui attire déjà beaucoup de monde. Pour son show d’une heure, en toute simplicité comme à son habitude, le quintette réussit à emporter l’auditoire dans son univers entre rock progressif et metal atmosphérique, porté par les lignes de guitares subtiles et puissantes de Guillaume Bernard et Aldrick Guadagnino et le timbre clair et puissant de l’excellent Yann Ligner. La setlist, florilège de morceaux sortis cette dernière décennie (depuis Here Comes the Sun jusqu’au récent The Unseen), plutôt douce en apparence, cache des montées en puissance remarquables et des moments de calme et de tempête incroyables servis par un son excellent. La tente, pleine, adresse une franche ovation au groupe devenu un incontournable de la scène metal française.

En début de soirée sur la Dickinscène, dédiée au folk ce vendredi, Eivør offre en compagnie de quatre instrumentistes une jolie prestation de neo-folk, avec instruments traditionnels de rigueur et éléments électroniques foisonnants, portés notamment par deux claviéristes. Elle-même prend parfois sa guitare, et sa belle voix retient vraiment l’attention, offrant notamment de superbes vocalises, ainsi que du chant de gorge et des chuchotements saturés, entre autres. Entendue de loin, la prestation peine cependant à se démarquer d’autres formations de neo-folk, mais creuser sa discographie contredirait peut-être cette impression.

Textes : 
- Aude D (Five the Hierophant, Imperial Triumphant, Lacuna Coil, Sólstafir)
- Félix Darricau (Wayfarer, Fleshgod Apocalypse, Kerry King, Ihsahn)
- Julie L (Benighted, Blackbriar, Tribulation, Dimmu Borgir)

Photos : Lil'Goth Live Picture et Aude D (Sólstafir). Toute reproduction interdite sans l'autorisation des photographes.



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