Petite pépite de fin d’année, Cryoxyd publie son premier opus, This World We Live In, en ce mois de décembre. Un album solide, qui plaira aux amateurs de death metal old school (à la Death et Atheist en tête) sans pour autant oublier de garder un pied dans le présent. Devant la qualité de cet opus, nous avons souhaité en découvrir un peu plus sur ce projet, initialement prévu pour n’être qu’un travail de studio, et avons pris notre clavier pour échanger avec Eron, (guitare/chant) à l’origine de Cryoxyd.
Bonjour Eron et merci de nous accorder cet entretien pour La Grosse Radio, à l’occasion de la sortie de This World We Live In. Si l’on décortique le nom du groupe, on pourrait dire qu’il se réfère à de l’oxydation par le froid. Comment as-tu trouvé ce nom et que souhaites-tu y exprimer ?
L’idée du nom de Cryoxyd est venue en cogitant dans mon local de répète, après une session avec mon ami Tarus, (dont vous entendrez parler bientôt car il travaille sur plusieurs projets bien cools). Tu sais, c’était un de ces moments où lorsque tu es un peu rincé et que tu racontes un peu des conneries affalé dans ton canapé, tu rêves un peu ta vie et tu parles de tout et n’importe quoi… Puis au moment d’aborder le nom du groupe, on a dérivé sur les mots oxyde et cryogénique. On s’est regardé et on a dit (je ne sais plus lequel des deux pour être honnête) « Cryo ...gen … oxyde… Cryoxyd ! Hé c’est pas mal !». On cherchait quelque chose de froid, tranchant, metal, misanthrope, ça nous parlait.
Le projet semble relativement ancien, puisque tu mentionnes sur le livret que l’album a été composé entre 2006 et 2008. Pourtant, les textes et les thématiques sont on ne peut plus actuels (je pense notamment à « Mindless Human Form »)… Le monde dans lequel on vit n’a donc pas tant changé que cela en 15-20 ans…
Oui les premières compositions datent en effet de 2006. Tu sais il y a 20 ans il y avait déjà les premiers réseaux sociaux comme Facebook ou MySpace et les smartphones, les nouveaux écrans HD, pleins de trucs technologiques et on voyait déjà les dérives de tout cela. Pour qui voulait bien voir au-delà, on constatait déjà que les gens s’inventaient des vies ou fantasmaient à travers les réseaux et qui commençaient à devenir accros... Il n’était pas très dur de deviner la suite !
Comme nous disions, les compositions sont nées il y a quelques années. Comment les as-tu fait évoluer ? As-tu modifié des riffs ou des structures de morceaux ou bien tout est similaire (hormis la production) à tes premières démos ?
Non tout est vraiment pareil hormis quelques soli et le titre « Trapped in a Mirror », que j’ai en partie remanié car je n’en étais pas satisfait du tout. Et encore aujourd’hui je ne considère pas ce titre définitivement abouti, je n’ai pas réussi à faire ce que je voulais sur ce morceau même s’il y déjà un chroniqueur qui trouve que c’est le meilleur de l’album ! (rires) Comme quoi les goûts et les couleurs…

Ce projet a donc maturé pendant longtemps. Pourquoi avoir mis autant de temps à le sortir ? Est-ce une question de rencontre ? de perfectionnisme ?
Il n’a pas vraiment maturé, il a été mis de côté, en sommeil. Je jouais dans d’autres formations et j’avais envie de quitter la France pendant un moment, donc ce n’était pas d’actualité de monter un line up et de lancer la machine. Puis quand je me suis décidé à finalement rester en France et à lancer le groupe, j’ai eu effectivement quelques galères de line up. Puis fin 2019, le covid est arrivé et ça a encore plus compliqué les choses.
Cryoxyd parvient selon moi à trouver le juste équilibre entre death old school (on pense bien sûr à Death période Human à Symbolic, voire à Atheist avec les plans de basse de « Trapped in a Mirror ») sans pour autant tomber dans la vague rétro et l’hommage trop appuyé. De plus, sur certains phrasés, ton chant me rappellerait presque celui de Joe Duplantier de Gojira (notamment sur le tout début de « Day After Day »). As-tu fait particulièrement attention à cela ou bien les choses sont-elles venues naturellement sans trop te poser de question ?
C’est marrant cette comparaison avec Gojira, car un ami m’a déjà fait la remarque. Gojira ne fait pas du tout partie de mes influences, je respecte beaucoup leur musique et je crois que nous avons en grosse partie les mêmes influences en ce qui concerne le death metal. Mon placement de chant est vraiment calqué de manière consciente ou inconsciente sur celui de Chuck Schuldiner, en réécoutant c’est vraiment flagrant pour ma part. Je suis très inspiré aussi par Mercyless que je considère comme un très grand groupe de la scène death ou par Pestilence aussi, voire plus globalement par la Tampa Bay Area.
La place de la basse est très importante dans ces compositions, puisque comme je le mentionnais, on songe à Atheist, Death ou encore Pestilence avec certains plans fretless qui évoquent tour à tour le jeu de Tony Choy ou celui de Steve DiGiorgio. Pourtant, tu as deux bassistes sur l’album, Nico et le renommé Pascal Mulot (Satans Joker, Patrick Rondat). Qui est le bassiste attitré de la formation et pourquoi ne pas avoir un seul musicien à ce poste sur l’album ?
Alors pour le bassiste attitré du groupe ce n’est ni Pascal ni Nicolas ! (rires) En fait à la base cet album était un projet studio et à la suggestion de Greg à la batterie, nous avons décidé de faire vivre le groupe en live. Mais il n’était pas vraiment question que Pascal participe aux concerts car nous n’y pensions pas à l’époque. Par la suite, j’ai proposé à Nicolas de rejoindre la formation live mais malheureusement il ne pouvait pas car il officie déjà dans d’autres groupes et il est aussi très pris par son travail. Dernièrement Jeff Monaco a rejoint Cryoxyd en tant que bassiste, il officiait dans Coverslave, le groupe de reprises d’Iron Maiden, et il jouait même avec Dennis Stratton premier guitariste de Maiden !
Outre Pascal, tu fais jouer Greg de Glaciation et Deathcode Society à la batterie et Nils Courbaron (T.A.N.K, , Dropdead Chaos) sur un solo de guitare. Cryoxyd c’est un peu le who’s who de l’underground ?
(Rires) Alors techniquement, Greg joue de la batterie tout seul, ce n’est pas moi qui le fait jouer avec une cravache ! Avec Nils on avait maquetté l’album ensemble, mais le temps passant, il a fait son chemin de son côté et donc il était tout naturel que je le garde sur un titre pour un solo. Oui, comme je l’ai dit, au départ cet album était uniquement un projet studio, avant que les choses ne s’envisagent plus sérieusement. Nico joue aussi dans Deathcode Society ainsi que Malcuidant et une autre formation de rock progressif. Nico et Greg jouaient aussi dans des groupes qui étaient chez Holy Records, Ufych et Hectic Patterns. Ça fait des siècles qu’ils se connaissent et jouent ensemble. Avec ce combo Greg/Nico, la section rythmique et mélodique également (vu les mélodies à la basse) est vraiment au top. Ils se connaissent tellement bien musicalement, qu’ils subliment les compositions de base !
Vous avez dévoilé « Mindless Human Form » il y a un an environ avec un clip. Etait-ce dans le but d’attirer des labels et distributeurs ? Comment s’est faite la rencontre avec Alex de Dolorem ?
Exactement c’était bien le but. En fait Dolorem a des groupes que j’aime beaucoup, donc pour moi il y avait déjà un gage de qualité personnel. Je connaissais déjà beaucoup de groupes chez eux , que j’ai découverts très souvent au Klub à Paris le dimanche après-midi. De façon toute naturelle, j’ai demandé à mes amis qui jouent dans les groupes signés chez Dolorem ce qu’ils pensaient du label et s’ ils faisaient du bon taf. Cela m’a été confirmé par la suite, notamment par les amis d’Infern et Misgivings.
Depuis, deux autres clips ont été sortis, celui de « Day After Day » et « Injected Minds ». Pourquoi avoir mis ces morceaux en avant en particulier ? Et quelle expérience as-tu retiré de ces trois tournages ?
Nous pensions avec Alex de Dolorem que ces titres étaient les plus forts, qu’ils représentent bien l’énergie de l’album et Alex a aussi décidé de sortir le titre « Ambivalent Feelings », car il est plus posé et peut-être plus mélodique aussi. Les tournages c’est du DIY, donc c’est assez éreintant surtout que je monte moi-même les clips, chose que je déteste faire. Je m’occupe de la régie générale et je tourne aussi des séquences, mais je connais le milieu pour y avoir bossé, donc je sais comment ça se passe et je sais à quel point c’est prenant. Par contre j’aime bien me retrouver derrière la caméra en tant que « réalisateur », en toute modestie, c’est quelque chose qui me plaît bien plus que d’être filmé. Heureusement j’ai de chers amis qui m’ont aidé, comme David Fakrikian, acteur majeur reconnu dans le milieu punk avec son label Seventeen Records et reconnu aussi dans le cinéma. C’est un monstre de culture cinématographique qui a écrit entre autre un livre sur James Cameron avec de nombreux intervenants d’envergure internationale, qui dirige le magazine DVDvision… il a un CV long comme le bras... J’ai aussi travaillé avec mon ami Davorïn Sirok de la compagnie Quasar et qui joue dans le groupe Sarmates. Il est très doué en habillage, en mise en scène, en déco… Il a bossé sur quelques clips de Skàld, Luc Arbogast, entre autres, et Clara McQueen ancienne chanteuse du groupe danois Nonoia. Je suis très raccord sur sa façon de filmer et cela m’apporte beaucoup étant à l’origine photographe.
L’album est à la fois cohérent et diversifié, car on trouve de nombreuses influences tout en gardant un esprit death 90s. Cette cohérence fait que le format album est totalement justifié, là où aujourd’hui on parle de « consommation de musique » et que les plateformes de streaming poussent les gens à écouter un ou deux titres seulement. Le metal et en particulier l’underground sont encore un peu préservés de tout cela, mais comment vois-tu les choses en tant qu’artiste et musicien ?
Oui je le trouve assez cohérent aussi, merci ! Ce qui me rassure, c’est que j’ai des amis et connaissance entre 20 et 30 ans et ils ont une vraie culture musicale et volonté d’approfondir le sujet sur les groupes qui leur plaisent. Ils sont mêmes plus old school que moi ! Après, j’imagine que globalement le metal n’échappe pas à ce système de consommation. Moi-même je me sens submergé par trop de groupes et surtout trop de bons groupes, et j’ai vraiment du mal à suivre, disons que j’ai 20 ans de retard, sincèrement. Nous vivons une époque paradoxale à travers tous les nouveaux outils de communication et d’information dont nous disposons, outils qui peuvent nous propulser au-devant de la scène, mais aussi qui nous noient dans la masse de profusion où il faut se battre pour montrer que l’on est toujours là, au jour le jour. Rien n’est définitivement acquis et on peut se faire remplacer du jour au lendemain, ce qui était complètement l’inverse avant internet.
Peux-tu nous parler des projets à venir maintenant que l’album s’apprête à sortir ? Vous avez des dates prévues ?
Notre but maintenant est de faire un maximum de lives et tout le monde est très motivé pour cela. J’espère que nous aurons de belles opportunités, nous jouerons d’ailleurs à Nantes le 28 mars et pour ma part je travaille aussi sur d’autres projets assez différents tout comme Greg ou Seb.
Merci Eron de nous avoir accordé cet entretien. Je te laisse le mot de la fin pour nos lecteurs !
Et bien je te remercie chaleureusement pour cette interview et j’espère que l’album sera bien accueilli par le public et qu’il sera au rendez-vous pour venir nous voir en live. Je voulais aussi remercier du fond du cœur Greg, Nico, Pascal, Nils pour ce fabuleux album qu’ils ont su transcender, ainsi que tous ceux cités précédemment sans qui tout cela n’aurait pu aboutir. Merci !
Interview réalisée par mail en décembre 2025
Cryoxyd – This World We Live In, disponible depuis le 12 décembre chez Dolorem Records
Photographie promotionnelle : © DR / Dolorem Records / Cryoxyd




