Lita Ford – Living Like a Runaway

Disponible chez SPV/Steamhammer depuis le 18 juin 2012

Back to roots...

En voilà un joli retour! Si la majeure partie du public métal d'aujourd'hui est bien trop jeune pour avoir connu les grandes heures du hard conjugué au féminin pendant les (plus ou moins) glorieuses  'eighties' (par chez nous, ce sont d'ailleurs plutôt les rockeuses plus 'poppisantes' type Pat Benatar, Blondie et consorts/consœurs qui ont raflé la mise... enfin pour ce qu'il y avait à rafler!), ce n'est en tout cas pas une raison pour ne pas s'enthousiasmer aujourd'hui sur la récente sortie - depuis juin dernier - de cette dernière galette d'une rescapée de l'époque - quand bien même « plus trop dans le coup », et d'ailleurs O.S.E.F. !... - , la chanteuse/guitariste Lita Ford.


Tout d'abord parce que cet album est étonnamment réussi. Ce n'est pas là faire preuve de manque de respect pour la donzelle que de le dire, c'est juste que ses dernières "expérimentations", à l'image du bruitiste, vulgaire et par trop traficoté Wicked Wonderland de 2009 ne reflétait plus guère au final l'image et les racines 'rock' de notre artiste, lui faisant plutôt endosser les habits (si je puis dire...) d'une simple bimbo écervelée et sans classe que l'on aurait alors plutôt imaginée se dandiner au rythme de sa propre musique dans une cage ou le long d'une pole bar. Autant le dire, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui, et peut-être faut-il y voir là une conséquence de sa rupture de contrat matrimonial autant que professionnel avec son désormais ex-partenaire Jim Gillette, chanteur en son temps du groupe glam Nitro et producteur/compositeur de ce précédent come-back qui s'apparentait plus volontiers à un bien piètre ratage discographique (même s'il eut le mérite de marquer un retour scénique de la belle) après un hiatus de presque 14 ans. Et... non, vous ne trouverez personne ici pour s'aventurer sur le terrain de l'humour vaseux et dire aussi qu'elle avait dû finir par le trouver rasoir ou que leur idylle avait fini par rendre lame! Ahem...
 

Changement de couleur musicale donc (ouf!), et sursaut de nostalgie ici. Car s'il ne marque certes pas non plus un retour aux sonorités 80's (ah, ces claviers d'époque, « kitschissimes » au demeurant et pourtant irrésistibles!...), on retrouve néanmoins de nouveau sur ce disque un sens du 'songwriting' véritable renvoyant à la tripotée de 'hits' qu'a pu nous pondre Lita en solo (car même avec ses Bontempi dégoulinants, une chanson comme "Close Your Eyes Forever" en duo avec notre 'Prince of Darkness' Ozzy Osbourne reste imparable - même si la chanteuse la renie aujourd'hui -, tout comme cette autre fameuse ballade, signée Nikki Sixx, "Falling In and Out of Love"...). Point de synthés surabondants à l'ordre du jour cette fois (j'insiste lourdement, pour ceux qui craignaient des mièvreries façon "Kiss Me Deadly" !), en revanche c'est un autre clin d'œil vers le passé qui vient se glisser en filigranes sur ce disque, et en réalité à la seule première mention, même pas subliminale cette fois, de son titre : Living Like A Runaway...

Car si une deuxième lecture de ce dernier, de l'aveu même de Madame Ford, pourrait aussi bien faire référence au caractère tumultueux de sa carrière ainsi qu'à son histoire plus récente faite de "fuites" en avant afin de pouvoir, le coeur gros, laisser derrière elle les tourments de sa précédente vie, l'inconscient collectif du public 'rock', lui, associera forcément de prime abord cette féroce déclaration d'intention à un doux rappel au bon souvenir de son premier groupe ressurgi d'entre les morts (RIP Sandy West...), les légendaires Runaways!

 

Lita Ford - promo pic

Est-ce là le fruit du seul hasard? On retrouve en effet sur cet album (certes le côté 'punkoïde' en moins...) un condensé à la fois de la fraîcheur et de l'énergie (prégnantes sur des titres comme "Branded", "Hate" ou dans une moindre mesure "Relentless"...) qui firent les beaux jours de ce premier « girls band »  à succès et 100% rock (qui comptait également dans ses rangs une certaine Joan "I Love Rock n' Roll" Jett) au tournant des années 70 et 80.


D'où le second attrait de cet opus : démontrer que le savoir-faire ancestral peut aussi se conjuguer sans problème (ni lieu de complexer) à une musique sonnant tout à fait actuelle, en rien ringarde aujourd'hui... Hé non, l'ancienne génération n'a pas de leçon à prendre de la jeune garde en termes de manière de "rocker", et en aurait plutôt aujourd'hui à donner à toute une flopée de « roquets » ! Et si Lita (contrairement à ses consœurs de l'époque) n'a pas tenu à s'impliquer en 2010 dans le film-biopic 'The Runaways' mettant de façon improbable à l'affiche les 'midinettes' en vogue du moment (Kristen Stewart et Dakota Fanning de 'Twilight'), on peut soupçonner qu'elle aura voulu également rappeler à toutes les petites jeunettes arrivistes voulant se la jouer faussement "rebelles" que ce n'est pas aux vieilles rockeuses qu'on apprend à faire des riffs implacables, punitifs et avec l'attitude non surfaite ni simulée qui va avec!
Il faut dire que niveau chant la Miss se débrouille toujours aussi bien... Loin du timbre puisamment haut-perché, rocailleux et chevrotant de l'über-Mädchen du métal féminin Doro Pesch, sa comparse américaine se permet bien plus de modulations (et parfois de la délicatesse, comme on l'aime...), entre fréquences graves menaçantes ou médiums évocatrices voire songeuses (nostalgiques?), plutôt « masculines »  dans l'esprit (même si, ne faites pas des yeux tout ronds non plus, c'est bien un mâle que l'on entend en duo avec elle sur ce chouette "Love 2 Hate U" - bien moins 'cul-cul' que son titre aurait pu nous laisser entendre - en la personne de Gary Hoey, producteur de ce disque et qui a fourni ici un travail admirable), et aussi des montées plus nasillardes vers les aigus (moins hauts que naguère, pour notre plus grand bonheur) évoquant parfois Vince Neil dans le Mötley Crüe de son ancienne égérie Nikki Sixx...

Et la sauce prend admirablement bien, avec un équilibre parfaitement accompli. C'est bien simple, les morceaux les plus « énervés » (et, Diable sait s'il y en a!) sont magnifiés par un son de guitare nettement plus 'hard' qu'à l'accoutumée, et même des rythmiques plus foncièrement "métal" par moments (cf le plus sombre "The Mask" - dont la boucle synthétique en introduction et une brève incartade de voix traficotée nous aura fait craindre, à tort, un retour vers le style 'bourrinesque' du précédent album), en témoigne notamment aussi la coloration parfois 'Black Label Society' de plusieurs titres... Mais loin de tomber dans une artificielle modernité de façade ou pécher par excès de brutalité, Lita a le bon goût et la sagesse d'aérer habilement de tels morceaux avec cette irrésistible touche hard FM dont elle a le secret, et qui nous renverrait ici au Alice Cooper de la période Trash/Hey Stoopid (c'est assez frappant sur certains refrains!), voire aux débuts de Skid Row ou à du Mötley Crüe 'soft' encore une fois...


Mais ce n'est pas tout. La diversité est de mise, et sur le quatrième titre de l'album, notre artiste décidément une touche-à-tout de brio, nous plonge cette fois dans de la 'pop' (!) aux délicieux accents de folk acoustique, avec toujours ces refrains qui font mouche (une science aujourd'hui très peu maîtrisée, même s'il faut reconnaître que la chanteuse a parfois recours aux mêmes recettes et schémas vocaux...). Sur ce titre éponyme, donc, aux faux airs sur les couplets du "Pride (In the Name of Love)" de U2, mais avec un phrasé et des harmonisations vocales rappelant plutôt Aerosmith et un feeling même quelque peu "sudiste" par moments, Lita nous ressuscite ni plus ni moins que la bonne vieille 'pop song' féminine, pas celle « acidulée » et "poupouffe" d'aujourd'hui mais bien davantage celle qui fit fureur dans les 90's avec des tigresses telles que les 4 Non Blondes, Roxette, Alanis Morissette ou ... son ancienne comparse Joan Jett en solo, remise alors au goût du jour!

La poignante "Mother" est du même acabit et met l'accent sur le dernier grand point fort de ce disque, et parmi les moins soupçonnables : les textes ! Car oui, Lita Ford a quelque chose à nous dire, et son propos est pertinent et digne d'être entendu tant de la part d'une artiste ayant connu les lauriers du succès de bonne heure - jeune femme alors encore aussi naïve que délurée - et ayant traversé trois décennies musicales depuis, que de la part d'une femme mûre à part entière ayant aujourd'hui connu quelques déboires auxquels son public peut aisément s'identifier, réglant au passage quelques comptes avec son ancien musicien de mari (pour les auditeurs, ce serait plutôt : « dis donc, c'est toi en partie le responsable de cet album de m... , en 2009, là?! » ... ^^).

La chanteuse peut donc tout aussi bien nous narrer les péripéties des Runaways en pleine ascension comme ici le combat de la mère divorcée qu'elle est devenue, pour la garde et le regain d'estime de ses enfants. Et c'est cet aspect « autobiographique »  - mais jamais impudique - qui achève de donner à la musique tout son charme, sa force et son authenticité.
Le tout sous la forme ici d'une magnifique ballade pleine d'âme où les acoustiques sont encore une fois de sortie, et que l'on imaginerait autant faire la joie des auditeurs de nos confrères de LGR Rock que des fans d'Iced Earth, tant en fermant les yeux on aurait sans peine imaginé un Matthew Barlow jadis s'y frotter (avec d'autres paroles s'entend, on est bien d'accord!...)


Le métal reprend ensuite ses droits avec un "Devil In My Head" qui nous renvoie au Ozzy de la période No More Tears (avec d'ailleurs également un pont inquiétant fait ici de guitares acoustiques - décidément une grande réussite de cet album ! - et de nappes de claviers brumeuses). La sublime "Asylum" fait le pont entre les deux univers musicaux principaux de cette grande dame, avec de sublimes twin-guitars à en chialer, dans la grande tradition du hard mélodique. C'est d'ailleurs une autre constante de cet album, peu importe les registres abordés, les solos de la belle restent marqués par le sceau ancestral d'un hard rock gorgé de 'feeling', de Scorpions à 'Lizzy et Alice en passant par les Guns' ou MSG.... et c'est très bien comme ça!


Bref, un disque des plus rafraîchissants avec lequel notre 'lovely' Lita (que les petits malins dans le fond qui ont rajouté « Liter Maid ?! » se cachent à tout jamais...) se remet ici littéralement - cf la pochette - "sur les rails" (mais pas ceux des excès de jadis), avec la classe de la battante qu'elle est, à mille lieux donc des 'has-been' pullulants de sa génération  - anciennes étoiles montantes à la lueur maintenant éteinte - qui en sont aujourd'hui bassement réduits à devoir « cachetonner »  pour pouvoir subsister. La rockeuse Lita, elle, a désormais repris sa place dans la division supérieure, et sa musique est là pour y rester. C'est à peine si on aurait à lui reprocher certains automatismes en termes de lignes mélodiques vocales (d'où une certaine linéarité parfois dans les refrains, mais en même temps on ne va pas se plaindre du moment que c'est bon...), et d'un petit quelque chose qui manquerait à des titres comme "Relentless" ou "A Song to Slit Your Wrists By" pour décoller davantage.

Reste qu'il s'agit là de la plus belle surprise en matière de rock US 'survitaminé' depuis des lustres, peut-être depuis le Saints of Los Angeles de Mötley Crüe, ce qui n'est pas peu dire...


LeBoucherSlave

7,5/10

PS: autant que possible jetez votre dévolu sur la version 'digipack' qui, outre une dispensable reprise certes «musclée»  du "The Bitch is Back" d'Elton John, renferme surtout une excellente chanson co-écrite par un certain Doug Aldrich (ex-shredder dans Dio et actuel Whitesnake), "Bad Neighborhood", qui aurait clairement pu et dû trouver sa place dans la version 'standard' de l'album, en lieu et place par exemple de cette reprise un peu pauvre - comme nous l'avons souligné - et dans tous les cas bien moins décadente du "A Song to Slit Your Wrists By" de '58, ancien side-project de ... Nikki Sixx (décidément! ^^)

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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