Entretien avec Quentin de Carcolh

« Nous avions besoin d'aller au bout du processus doom »


Avec The Life And Works Of Death, son deuxième album, Carcolh propose un doom metal d’essence plutôt traditionnelle mais parfaitement maitrisé. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur les origines et ce qui influence le combo aquitain. Discussion avec Quentin, bassiste devenu guitariste, qui a bien voulu répondre à nos questions.

 

Tout d’abord, peux-tu revenir sur la genèse de Carcolh ? Il semble que le groupe est né des cendres de l’implosion d’un précédent projet non ?

Effectivement avant Carcolh, il y a eu Marble Chariot, groupe dans lequel jouaient déjà Sébastien (voix), Freddy (guitare sur le premier album) et moi-même qui tenait la basse à cette époque. Sont venus nous rejoindre Benoît à la batterie et Olivier à la guitare (ex-Oyabun, qui avait aussi splitté). Après le premier album, Freddy a quitté le groupe et je suis passé à la guitare, puis Mathieu est venu me remplacer à la basse. Avant Marble Chariot il y a eu aussi The Council, groupe de doom dans lequel chantait déjà Sébastien et jouait Nico (guitariste de Marble Chariot) au début des années 2000.

Pourquoi avoir choisi comme nom celui d’un escargot légendaire monstrueux (monstre appartenant au folklore des Landes) ? Est-ce parce que la façon de se déplacer des gastéropodes peut rappeler les tempi lents du doom ? (rires)

À la base, nous cherchions un nom de groupe composé d'un seul mot et voulions qu'il évoque à la fois la puissance, la lourdeur et une sorte de magie un peu bucolique. Le metal pullule de noms de groupes faisant références aux mythologies nordiques ou sumériennes par exemple, qui peuvent être badass au départ mais qui aujourd'hui inspirent plus un genre de caricature. Il y a suffisamment de légendes dans nos contrées et je trouve qu'on peut se les approprier plus facilement car elles sont plus évocatrices pour nous. C'est ainsi que le Carcolh nous est apparu comme une évidence. Cependant nous ne désirons pas qu'il devienne un gimmick réducteur, je pense que la musique parle d'elle-même, dans nos deux albums nous avons une seule chanson qui y fait référence : « Dragonsnail » présente sur Rising Sons of Saturn.

Votre doom metal semble imprégné de divers styles : doom traditionnel, une légère touche de doom death, un peu de funeral ou du heavy épique à la Manilla Road ou Cirith Ungol… Quelles sont vos influences justement ?

C'est tout à fait juste, je dirais que nous sommes tout autant imprégnés par le doom trad’ et épique que par le heavy traditionnel et épique, ce sera d'ailleurs peut être plus prégnant dans nos prochaines sorties. Nous avions besoin d'aller au bout du processus doom entamé il y a des années avec Marble Chariot. Nos influences principales, hormis Black Sabbath, sont certainement Count Raven, Reverend Bizarre, Solitude Aeturnus, Candlemass, The Gates of Slumber, etc. À la rigueur, tu écoutes « Goddess of Doom » de Reverend Bizarre et tu auras à peu près la liste complète à la fin du morceau. Manilla Road, Cirith Ungol, les premiers Manowar, Dark Quarterer etc. sont aussi des groupes que nous apprécions énormément même si je pense que nous sommes loin de leur niveau de technicité, il y a une certaine atmosphère qui se dégage de leurs disques et un esprit de liberté artistique qui sont une source d'inspiration pour nous. Quant à nos influences plus extrêmes, je dirais qu'elles ne prennent pas une grande part dans la musique de Carcolh en général mais qu'étant donné les thématiques de l'album, elles se sont certainement exprimées à travers nous au cours de son écriture.

J’ai été particulièrement séduit par le titre « Aftermath » qui se démarque des autres compositions par son ambiance éthérée, avez-vous voulu sortir de la lourdeur du doom en explorant cette voie ? Comptez-vous vous aventurer encore dans ce genre d’exploration à l’avenir ?

Il se trouve qu'à l'époque de Marble Chariot, nous avions pris pour habitude de reprendre un morceau gothique et de le réarranger à la sauce doom. Nous l'avions fait pour « New Dawn Fades » de Joy Division, « Hollow Hills » de Bauhaus et « Celebrate » de Fields Of The Nephilim. La voix de Seb et son amour pour ce style nous ont depuis longtemps donné envie de faire un morceau de ce type, assez épuré. Encore une fois les thématiques de l'album nous ont poussé à nous dire que c'était le bon moment pour le faire. Nous avons donc écrit et enregistré la partie instrumentale chez moi avec Benoît (batterie) et Seb a posé sa voix lors de la session studio. Je pense qu'il y aura toujours un morceau qui amène une respiration au sein de nos albums, mais pas forcément dans le même délire gothique. Nous voulions le faire depuis longtemps. Désormais, il faut passer à autre chose et faire que cela soit cohérent avec le reste du futur disque.

Que représente la pochette, réalisée par J.r Erebe, de The Life And Works Of Death qui fourmille de plein de détails ?

Je n'ai pas la prétention de savoir ce qu'il s'est passé dans sa tête au moment de la coucher sur la toile mais j'ai ma petite interprétation. Pour moi la rivière de la vie arrive à son terme sur les terres de la mort, qui par son labeur, en récolte le substrat présent dans le récipient en bas qui représente la musique, l'essence du disque.  Mais je dis sûrement n'importe quoi, j'espère qu'il ne m'en voudra pas trop si je suis à côté de la plaque.

Le doom n’étant pas réputé pour aborder des sujets légers dans ses thématiques, peux-tu en dire plus sur ce qui influence vos textes ? Sur cette fameuse « vie et travaux de la mort » évoquée dans le titre de votre nouvel album ?

Comme pour la pochette, les textes n'étant pas de mon fait, je vais essayer de donner mes impressions, mon interprétation. Le titre de l'album est une référence directe à l'un des six « Livres de sang » (NDLR : Peut-être s’agit-il de La Mort, sa vie, son œuvre ?) de Clive Barker. Il me semble que les six morceaux représentent autant d'histoires autour de la mort, ou simplement des poèmes, des atmosphères, des émotions sur le sujet.

Le son de votre deuxième album est particulièrement réussi, on y entend chaque instrument distinctement, peux-tu en dire plus sur vos collaborations avec Raph Henry au Heldskalla Studio et Benoît Roux (ancien claviériste d’Anorexa Nervosa) au Drudenhaus Studio ?

Cette collaboration fut extrêmement enrichissante musicalement et humainement. Je suis d'accord avec toi, je trouve que Raph et Benoît ont vraiment fait un super boulot. Je connais Raph depuis que nous avons joué avec son groupe Silver Machine, nous avons sympathisé et je savais que ses goûts musicaux pouvaient correspondre avec l'orientation de l'album. C'est la première fois que l'on enregistre avec quelqu'un qui parle le même langage musical que nous et c'est très important. J'aurais été très étonné qu'il nous fasse un son de batterie a la mode metalcore par exemple. Le fait d'avoir des connivences de goûts nous a certainement fait gagner un temps précieux. Quant aux prises il est assez impressionnant, car il est capable de déconner en permanence tout en étant très attentif et pointu sur la musique. Personnellement, c'était la première fois que j'enregistrais de la guitare (j'étais bassiste précédemment) et ses conseils sur le jeu, notamment sur les parties les plus metal, et le son m'ont beaucoup aidé. Il bosse avec Benoît du Drudenhaus (que je ne connais que par son impressionnant CV) depuis longtemps, ils semblent grandement apprécier travailler ensemble.

En matière de label, vous êtes passés de Emanes Metal Records, sur lequel est sorti votre premier album Rising Sons of Saturn, à Sleeping Church Records pour The Life And Works Of Death. Ce dernier semble plus spécialisé dans le doom mais est-ce seulement cela qui a orienté ce changement ?

En fait Laurent, le boss d'Emanes Metal Records, ne pouvait pas s'occuper de la sortie de notre album par manque de temps. Il nous a orienté vers Sleeping Church Records avec qui le courant est très bien passé et qui ont apprécié le disque. Je connaissais déjà un peu Sleeping Church Records parce qu'ils avaient sorti l'excellent E.P de Nornes Threads et que Clément avec qui je jouais dans Hyrgal avait enregistré avec son groupe de doom de l'époque Pillars un morceau pour leur French Tribute To Cathedral. L'album est donc sorti en collaboration avec Emanes pour le vinyle, comme ça on garde un pied chez Laurent en quelque sorte, d'autre part je suis content qu'un label historique tel que Emanes Metal Records ne raccroche pas les gants. Je dois dire que Sleeping Church Records ont fait un boulot incroyable pour promouvoir l'album, on ne s'attendait pas du tout à recevoir autant de chroniques.

La scène metal bordelaise est connue pour quelques groupes qui ont laissé des traces, on pense notamment à Seth qui est sur le point de sortir un nouvel album après une longue absence, avez-vous des accointances avec d’autres combos ? Des découvertes à conseiller ?

Il y a Monarch avec qui nous avons eu un batteur en commun pendant l'époque de Marble Chariot et qui propose toujours une esthétique particulièrement sombre et doom as fuck. Évidemment Silver Machine, le groupe de Raph qui joue un heavy très aventureux, un peu progressif, parfois à la frontière du black metal mais je ne crois pas qu'ils soient exactement de Bordeaux, d'ailleurs nous non plus, il n'y a que Matt notre bassiste qui y vit toujours, il joue aussi dans Dead Toys, un groupe de punk hardcore. Parallèlement à Carcolh, je tiens la basse dans Mercurials (ex-Sun Preachers, Sweven), un groupe de heavy rock teinté de psychédélisme basé à Bordeaux, au Pays Basque et Angoulême, qui s'apprête à sortir un EP du nom de Shrine la semaine prochaine. Voilà ce qui me vient immédiatement en tête mais je pense que je vais m'en vouloir en relisant de ne pas avoir cité untel ou untel, mea culpa.

De quels autres groupes hexagonaux en matière de doom vous sentez-vous proches ?

Il y a Conviction qui ont sorti un excellent album éponyme, un mois avant le nôtre. Ce qui nous désole c'est que nous aurions pu fêter ces deux sorties par un ou plusieurs concerts, on espère fort que ça pourra se faire un jour. Ils évoluent dans un registre doom traditionnel, qui m'évoque la scène du Maryland, les groupes de Hellhound Records, mais avec une petite touche épique européenne aussi. C'est assez drôle je trouve qu'on joue un peu dans le même registre mais qu'eux tirent plus du côté trad et nous du côté épique. Excellent groupe en tout cas avec de sacrées compos et des musiciens hors pairs. Je pourrais en parler longtemps mais je ne veux pas pondre un roman, je vais poser des noms comme ça : Barabbas, Presumption, Father Merrin, Dyonisiaque, Witchthroat Serpent, Nornes, Stonewitch, The Bottle Doom Lazy Band

Quels sont vos prochains projets ? Un nouvel album ? Quelques dates lorsque la situation sanitaire le permettra ?

On travaille actuellement sur de nouvelles compos, peut être un album, seul l'avenir nous le dira. Quant aux dates, je ne vais pas me risquer à parler Covid, et d'ailleurs j'en peux plus d'en entendre parler alors je te dirais simplement qu'on a les crocs !

Pour finir, une petite question sortant du cadre promotionnel :  si tu pouvais former le groupe idéal, quels musiciens, vivants ou décédés, y ferais-tu participer ?

Albert Witchfinder (Reverend Bizarre) au chant, Claudio Botarro Neira (Procession) à la basse, Bill Ward à la batterie et Alan Jones (Pagan Altar) à la gratte. Je suis sûr que ça serait mortel !

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