Crippled Black Phoenix – New Dark Age

Huitième effort studio du groupe cristallisé autour de Justin Greaves (ex-Electric Wizard et ex-Iron Monkey), New Dark Age est présenté par Crippled Black Phoenix comme un EP, choix que l’on peut remettre en question sans vraiment arriver à lui donner tort. Certes, l’enregistrement ne comporte que quatre titres, mais tout de même, lorsque les dernières notes se sont échappées des haut-parleurs, le compteur affiche un beau total de plus de 57 minutes… C’est dire si l’album (EP ? ça y est, je m’emmêle !) est dense et complexe. On pourrait aussi arguer que seul vingt minutes sont consacrées à des morceaux originaux, les deux derniers tiers de New Dark Age étant dédiées à une double reprise du "Echoes" de Pink Floyd, découpée en deux pistes. Double reprise assez dispensable au final, mais nous y reviendrons.

Le titre central de ce disque, sobrement intitulé "New Dark Age", est précédé par "Black Spiders", qui ferait presque figure de titre de punk avec ses cinq minutes. Trève de plaisanterie, "Black Spiders" joue la carte de l’efficacité, avec un rythme lent et lourd, instaurant d’emblée une ambiance pesante à l’opposé des sonorités glauques que l’on retrouve chez certains groupes. L’ensemble est très réfléchi, terre-à-terre, et hypnotise l’auditeur. La voix entre rapidement en scène, pleine de classe, avec un délicat accent britannique rappelant celui de l’aristocratie de la perfide Albion. Plusieurs fois au cours de New Dark Age, d’ailleurs, on a la sensation d’entendre Matthew Bellamy de Muse, tant le vocaliste Daniel Änghede a un timbre de voix similaire. S’il est moins dans la performance technique, il utilise en revanche ses cordes vocales de façon plus mesurée et parcimonieuse, pour un résultat saisissant.

Déjà, on note la production très propre, et des morceaux pleins de subtilités et d’arrangements travaillés qui confèrent une grande profondeur au son, conjointement aux nombreux bruitages et effets sonores utilisés. Ici et là, de discrètes nappes de claviers viennent rehausser les mélodies et riffs, tout en subtilité. La voix semble de prime abord être légèrement en retrait, mais rapidement on se rend compte que ce choix ne met que mieux en valeur le reste du groupe.

Le titre éponyme de l’album développe une ambiance mélancolique dans ses premières minutes, qui contraste avec la lourdeur caractéristique de "Black Spiders". Une ligne de synthétiseur à la Deep Purple, assez anachronique, conduit vers un virage plus obscur : le tableau développé jusqu’ici semble s’obscurcir, comme si l’espoir contenu dans les mélodies de l’introduction se fanait peu à peu. La piste contient aussi un pont instrumental qui fait la part belle aux tritons en tous genres, avec une rythmique supplantée par une guitare mélodique doublée de claviers et d’arpèges : un passage que ne renierait pas le dernier opus en date de Ghost, Meliora. Le morceau s’achève sur un retour des thèmes précédemment joués, non sans une longue interruption éthérée sur fond de didgeridoo. Le résultat est somme toute assez fouillis, malgré de très belles progressions musicales. On sort de son écoute un peu déboussolé, sans vraiment avoir réussi à saisir de fil conducteur.

Puis, pour poursuivre le travail entamé avec la reprise de "Run Like Hell" qui figurait sur Night Raider en 2009, Crippled Black Phoenix reprend l’énorme "Echoes" de Pink Floyd. Seulement, la mayonnaise ne prend pas bien : le résultat est trop proche de l’original, malgré quelques libertés prises sur la structure du morceau. En effet, le son et la production collent trop à la version originale, si bien qu’on a l’impression d’écouter un bon cover band, qui n’aurait aucun lien avec les morceaux précédents.
En plus d’un certain manque de cohérence, le choix d’interpréter une reprise est fort discutable et peu intéressant : qu’aurait donné et quel serait l’intérêt de la reprise de "Born To Be Wild" par Slayer s’il elle n’avait été revisitée ?
Le travail méticuleux reprend pourtant de nombreux effets sonores du Floyd, mais n’est pas David Gilmour qui veut, et les solos manquent de poigne. A la fin du long et célèbre pont jazzy, le solo normalement déchirant manque d’impact : le côté strident et incisif qui donne toute sa force à l’originale est ici absent, et le son trop poli, trop lisse, pas assez expressif. En bref, c’est un version trop gentillette par rapport à ce qu’on pouvait attendre, qui même si elle est fidèle reste bien inférieure au titre initial. Et on ne parle pas de l’infect solo de synthétiseur lors de la seconde partie d’"Echoes", qui est tout simplement une insulte au pauvre Rick Wright, qui doit se retourner dans sa tombe.

En définitive, Crippled Black Phoenix aurait mieux fait de se limiter à un EP de deux titres, qui serait déjà assez conséquent, et nous aurait épargné la relative erreur de la double reprise manquée. Leur version d’"Echoes" vient en effet casser la dynamique instaurée par les compositions "Black Spiders" et "New Dark Age", et induit une trop grande hétérogénéité sur le disque. C’est bien dommage, car le groupe sait faire mouche avec ses riffs lents et entêtants, et gâche cette capacité en en faisant trop.

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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