Kroh – Altars

Après une longue période de mise au point, ce quatuor stoner/doom de Birmingham a réussi à stabiliser son line-up, et nous livre enfin son (presque) premier album.

Créé à la fin des années 2000 à Birmingham par le multi-instrumentiste Paul Kenney, épaulé par le chanteur Francis Anthony, le groupe a produit un premier album éponyme 2011 et un split en 2012, sans toutefois rencontrer le succès espéré, la faute - sans doute - à une production médiocre et un chant inégal, et ce malgré des compositions tout à fait valables.

Après trois années passées à se chercher, le groupe stabilise son nouveau line-up début 2015; si Paul Kenney continue à écrire tous les titres (paroles mises à part), il se concentre désormais sur la guitare, et laisse la basse et la batterie à Darren Donovan et Rich Stanton, respectivement. Mais la grande nouveauté est évidemment l'arrivée au chant d'Oliwia Sobieszek, en remplacement du précédent chanteur, inflexion majeure dans le son du groupe.

C'est donc après un an et demi de travail et la sortie de deux singles dans sa nouvelle configuration que le groupe passe à la vitesse supérieure et sort son premier vrai album chez Devizes Records.

Kroh oeuvre dans un stoner/doom à la fois classique et bien léché, aux structures très balisées, dont la particularité repose sur l'alliance d'un très gros son doom et du chant mélodique et habité de sa vocaliste.
Les riffs groovy et solides et le mur de son très lourd, gras et épais peuvent évoquer des groupes tels que Windhand, ou encore Monolord, tandis que la très belle voix puissante et aux accents liturgiques d'Oliwia rappelle tour à tour Acid King et Witch Mountain.

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Après une courte introduction harmonisée a capella, qui plonge immédiatement l'auditeur dans l'ambiance rituelle et solennelle qui caractérise la musique du groupe, les riffs et refrains très catchy se succèdent, avec, par exemple, les très réussis "Living Water", avec son bel et entêtant thème à la guitare lead, ou "Break The Bread", avec son groove éléphantesque, et son impressionnante montée en puissance du chant.

On peut également citer "Feed The Brain", avec son riff inquiétant, ses roulements de batterie et ses chœurs, ou encore "Precious Bones", avec son alternance couplet calme/refrain tout à fond, et son magnifique break qui monte en puissance pour exploser avec la voix d'Oliwia. Tous ces éléments contribuent à donner relief et dynamique aux compositions de l'album, jamais ennuyeuses, et dont aucune n’apparait comme réellement faible.

Pour autant, il ne faut pas s'attendre aux interminables progressions et autres structures à tiroir auxquelles certains groupes du genre nous ont habitués; les morceaux de Kroh sont résolument simples et efficaces. Tous tournent autour des six minutes, et sont calqués, à peu de choses près, sur un modèle refrain/couplet très classique; pas la queue d'un solo à l'horizon, ni de titre progressif à rallonge.

L'apport de la voix d'Oliwia est absolument indiscutable; elle insuffle à la musique de Kroh le supplément d'âme qui lui manquait, alors qu'il n'était auparavant qu'un groupe de stoner/doom de plus sur une scène très concurrentielle.

Il suffit pour s'en convaincre de comparer les deux versions du morceau "Heaving Earth", premier single produit par le nouveau line-up, mais déjà présent sur le tout premier album: le morceau prend une toute nouvelle dimension.

Quant à la décision de Paul Kenney de confier la section rythmique à d'autres musiciens, elle était sans aucun doute tout aussi bonne, car elle permet à ladite section rythmique d'atteindre le niveau qui lui faisait jusqu'alors défaut, sans compter que cette configuration permet désormais au groupe de défendre ses compositions sur scène, un atout indéniable.

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La production est excellente; la guitare réussit le tour de force d'être à la fois très lourde et grasse, tout en gardant cette clarté qui rend chaque note parfaitement discernable. Nous sommes donc bien loin du magma sonore boueux et crasseux que tant de groupes du genre affichent fièrement (Electric Wizard, au hasard), et les amateurs de gros sons fuzz seront aux anges. La batterie a enfin droit à un son digne de ce nom - tant il est vrai que celui-ci était exécrable sur le tout premier album - et les claviers, discrètement intégrés ça et là, apportent des touches très appréciables à l'ambiance, qui s'y prête remarquablement. Les réverbs et autres échos inversés, très travaillés, complètent agréablement ce tableau, où rien ne semble laissé au hasard, ni sur les voix, ni sur les instruments.

Globalement, Kroh ne révolutionne pas le genre - et n'en a probablement pas la prétention - mais son approche est suffisamment personnelle et sincère pour justifier un réel intérêt chez l'auditeur.
Et même si les fans de psychédélisme dégoulinant en seront sans doute pour leurs frais, vu la simplicité - relative - des compositions, la grande majorité des amateurs de stoner/doom est susceptible d'y trouver son compte, et j'irai jusqu'à affirmer que le groupe peut séduire en dehors de ce public, grâce à une musique accessible mais sans compromis en termes de qualité.

Personnellement, je suivrai Kroh avec intérêt dans ses prochaines sorties, en espérant qu'il arrive à transformer cet essai réussi, en apportant le petit plus qui le fera passer de la catégorie "groupe de qualité" à celle d'"incontournable du genre".

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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