A l'exception de quelques groupes comme Adagio, Conscience ou encore Anthropia, la France n'est pas le berceau du metal progressif. Et pour cause, les éléments requis pour pratiquer le style avec conviction nécessitent le plus souvent une très bonne maîtrise des instruments et de la théorie musicale, un chant lyrique et engagé et une cohérence dans les compositions. Difficile donc d'émerger dans ce style au sein de notre pays, et pourtant Opposing Motion s'en sort brillamment avec son deuxième album Inertia. Alors oui, on pourra toujours dire qu'une partie des musiciens est basée en Angleterre, mais tout de même, Inertia est un album solide et maîtrisé.
Cela s'entend dès le premier titre, "Endless Ripples", qui contient tous les éléments constitutifs du genre: structures alambiquées et signatures rythmiques complexes, chant puissant, claviers en soutien, Opposing Motion connaît ses bases. Pourtant, nous n'avons pas ici affaire à un énième clone de Dream Theater, Inertia lorgnant plus du côté de Vanden Plas ou de DGM. Il faut dire que contrairement à beaucoup de combos de metal prog, le chant de Ludo Desa reste dans des tessitures plus graves que celles généralement atteintes par les vocalistes comme James Labrie ou Geoff Tate. Ici, nous sommes plus proches d'un chant à la Marco Glühmann (Sylvan) ou d'un Ted Leonard (Enchant, Thought Chamber, Spock's Beard), avec des lignes de chant recherchées, expressives et (chose rare dans notre pays pour être signalée) avec un accent anglais tout à fait correct.
Les autres musiciens maîtrisent aussi parfaitement leurs instruments, comme Joe McGurk (guitare), qui n'a rien à envier à John Petrucci (les soli de "Machines of War" ou "Windows to the Past") mais qui sait à la fois faire preuve de retenue lorsque cela est nécessaire ("Across the Oceans of Sands", "Nothing Stays the Same") et déballer également de beaux soli lyriques ("Endless Ripples"). Les deux frères Deplanche, David à la basse et Kevin à la batterie, constituent une belle section rythmique, solide et polyvalente (sur "New Heaven" à 3:40, on penserait presque à du Angra et le pont à la basse sur "Mirror Image" diversifie encore plus le propos). Les quelques plans de tapping à la basse ("New Heaven", "Machines of War") sont toujours bien amenés et s'intègrent bien aux compositions. On apprécie également la place accordée au piano, qui vient enrichir les compositions en apportant une touche mélodique bienvenue sur l'ensemble des titres ("Southern Lights"). En réalité, ce qui frappe à l'écoute de cet opus, c'est que chaque instrumentiste se fait plaisir techniquement, tout en restant au service des compositions, proposant un tout cohérent et uniforme malgré les structures complexes des titres.
Dans la grande tradition du prog, Opposing Motion conclut son album par l'inévitable pièce épique de dix minutes, "Across The Oceans of Sands", qui est elle aussi bien maîtrisée et variée, et qui surtout ne tombe pas dans le piège de la succession de riffs copier-coller, le quatuor étant parvenu à écrire de vraies transitions.
Au rang des menus reproches, on aurait pu souhaiter que certains thèmes mélodiques se développent un peu plus ou se répondent d'un titre à un autre, comme celui qui constitue l'intro de "Southern Lights" ou encore le pont oriental de "Across The Oceans of Sands", un très beau moment de l'album, malheureusement trop court.
Mais malgré cela, Inertia est un album solide, qui tient largement la comparaison avec les oeuvres de groupes comme Vanden Plas ou Enchant, tout en gardant une personnalité qui est propre au groupe. On ne peut désormais que regretter que l'éloignement géographique des musiciens ne permette pas à Opposing Motion de défendre Inertia en live, mais les amateurs de metal progressif se consoleront avec ce deuxième opus de grande qualité.
Note : 8,5/10
Déjà sorti chez Lions Music
Crédits photographiques : Droits Réservés Opposing Motion
