Tool – Fear Inoculum

Ce vendredi 13 décembre 2019 paraît enfin à un prix (presque) abordable chez les disquaires et autres fournisseurs l'une des plus grosses sortie de 2019 : Fear Inoculum. Arlésienne de Tool écoutable en ligne et disponible en version physique à un prix prohibitif depuis août dernier, il est temps de passer le disque sur le grill de la Grosse Radio Metal. En ligne de mire, trouver la réponse à la question que tout le monde s’est posée et se pose encore: Est-ce que ça valait le coup d’attendre? Réponse.

Les collectionneurs invétérés peuvent enfin souffler. La dernière production de Tool est dans les bacs à prix à peu près réglementaire. Quoiqu’en fait non, puisque s’ils sont invétérés, les fans auront sauté sur l’édition supra collector sortie l’été dernier et proposée à un prix inabordable pour tout auditeur lambda. Comme s’il n’avait pas fallu attendre assez longtemps… Mais c’est peut-être bien le temps qui est au cœur de tout ce que représente Fear Inoculum.

Le temps d’attente, treize ans, entre un dernier chef d’œuvre nommé 10 000 Days, le dernier passage en salle tricolore de Tool et cette sortie qui marque et marquera 2019. Treize années à patienter, à lorgner sur la toile les éventuelles informations quant à l’existence de cette production, à esquiver les fake news et les ouï-dire en espérant encore et encore.

Attendre jusqu’à l’ultime annonce quelque part au milieu des années 2010. Le nouveau Tool existe bel et bien et l’attente prend un semblant de fin en juillet dernier lorsqu’est dévoilé un titre : “Fear Inoculum” (bon ok, un peu moins pour ceux qui ont vu les Américains se produire en festivals).

Un titre enivrant qui ouvre l’album de la plus belle des manières : progressivement. Pendant dix minutes, l’auditeur respire, souffle, exalte peut-être. Car il retrouve ce qu’il a attendu pendant ces treize ans. Il plonge dans cette ambiance, cette atmosphère immuable mais qui semble pourtant évoluer. Et c’est bien cela qui fait de Tool un groupe unique dont l’absence ne pouvait être décemment compensée par une autre formation.Tout ça pour un seul titre ? Qu’imaginer sur tout un album ?

À tout seigneur tout honneur, c’est une joie d’entendre à nouveau la voix de Meynard James Keenan. Une voix que les années ont manifestement bonifiée mais pas forcément renforcée (mais ça c’est une histoire de live). L’inimitable timbre du chanteur provoque toujours autant de frissons. Toutefois il convient de le dire tout de suite, MJK n’est plus tout jeune et la très grande majorité de ses interventions sont plus “smooth”, plus “posées” que par le passé. Mais souvent du plus bel effet comme cela est le cas sur “Pneuma”, composition monstrueuse d’un point de vue technique, ou encore “Invicible”, sorte d’ode au rêve et à la méditation. Il ne faut donc pas s’attendre à voir le chanteur partir dans des intonations très enragées. S’il fallait faire une comparaison, le chant livré ici est bien plus proche du récent A Perfect Circle que d’un AEnima.

La construction des titres est propre à Tool et au metal progressif en général. Comprendre par là qu’il n’est pas question du bon vieux refrain/complet/solo ; un constat évident pour les amateurs du groupe, mais pas forcément pour les nouveaux venus. Les morceaux de Fear Inoculum sont comme des électrons libres où chaque musicien s’exprime à sa manière. C’est sûrement sur cette galette que Danny Carey exploite le plus ses pads aux nombreuses sonorités. Le batteur géant s'approprie d’ailleurs l’OVNI “Chocolate Chip Trip” qui n’est plus ni moins qu’un solo de batterie particulièrement technique suivant un sample qui à court terme, il faut le reconnaître, peut taper sur le système. Mais quelle démonstration. À noter au passage la présence de trois morceaux totalement barrés: “Litanie contre la peur”, “Legion Inoculant” et “Mockingbeat”. Chacun aura sa propre sensibilité face à ces trois curiosités instrumentales tantôt absurdes, tantôt géniales.

Il est bien évident que les trois musiciens n’ont pas chômé durant ces treize ans, et si le niveau de chacun d’eux n’était plus à prouver en 2006, que dire de cette cuvée 2019 ? Danny Carey n’a jamais été autant inspiré dans ses breaks et ses descentes de toms. Justin Chancellor offre un jeu de basse d’une puissance rare et empli d’émotion, tout particulièrement sur “Culling Voice”, apportant une atmosphère hypnotisante qui plongerait presque l’auditeur dans une forme de léthargie. Adam Jones est peut-être celui des quatre qui surprend le moins. Bien que captivant pour la plupart, les riffs peuvent parfois manquer d’un peu de punch, de hargne et l’ensemble peut faire regretter un “Vicarious”, un “Sober” ou un “Hooker With A Penis”.

Mais après tout chaque album de Tool est différent, n’est-ce pas ? Et puis il y a un bien un titre qui vient finalement clouer le bec de ceux qui trouveraient à redire sur les capacités du guitariste : “7empest”, une déferlante de technique et de mélodies bien catchy qui en feraient sauter plus d’un. Un coup de maître là encore car si elle s’impose comme la compo la plus “accessible”, “7empest” n’en est pas moins l’une des plus complexes du répertoire de Tool.

Et c’est peut-être là que Fear Inoculum peut être critiquable : une certaine complexité dans sa composition et son approche. Comme une bête sauvage totalement inoffensive qui refuse d’être dressée mais accepte d’être apprivoisée, avec du temps. On en revient à cette notion de temps, il en faudra beaucoup pour déceler la richesse de l’album. À titre personnel, il nous a fallu plus d’une vingtaine d’écoutes avant de réellement jubiler et la première se traduisait par une véritable déception. Ceux qui n’auraient pas encore répondu aux sirènes du quartet -par choix ou dépit- sont donc prévenus : rentrer dans l’univers du combo avec Fear Inoculum sera un exercice très difficile et il est plus que recommandé de se tourner vers un Lateralus pour une première approche.

tool

Le meilleur pour la fin : La production est parfaite, ni plus ni moins. Le travail réalisé en studio est colossal et le résultat indiscutable. L’attention toute particulière portée au son contribue grandement à l’ambiance instaurée tout au long de l’écoute. Il est souvent dit que le fond importe plus que la forme, mais il est indiscutable que Fear Inoculum n’aurait pas la même ampleur sans le travail d’orfèvre dont il a bénéficié. Indiscutable, oui.

Il convient de conclure en répondant à la plus légitime des questions : est-ce que ça valait le coup d’attendre aussi longtemps ? Oui et mille fois oui. On peut être déçu par certains passages un peu trop tirés par les cheveux, on peut pester contre ce temps indispensable pour véritablement apprécier l’album, on peut maudire le temps qui passe et qui fait que MJK ne livre pas sa plus belle performance. Mais on ne peut nier un seul instant que Tool s’est décarcassé pour offrir ce qui est une des œuvres musicales les plus impressionnantes de ces dernières années.

Et de toute façon dans dix ans, personne ne se souviendra qu’il a fallu treize ans pour sortir Fear Inoculum, mais tout le monde dira qu’il est un très grand album.

Tracklist
1  Fear Inoculum  10:20
2  Pneuma  11:53
3  Litanie contre la Peur  2:14
4  Invincible  12:44
5  Legion Inoculant  3:10
6  Descending  13:37
7  Culling Voices  10:05
8  Chocolate Chip Trip  4:48
9  7empest  15:43
10  Mockingbeat  2:05

Photo : Lukas Guidet. Reproduction interdite sans autorisation du photographe
  

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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