Cinq ans d’attente entre deux albums, voilà qui ne ressemble pas à Napalm Death. Si l’on occulte Coded Smears and More Uncommun Slurs, compilation de raretés sortie en 2018, cela représente donc bien le plus grand écart entre deux albums dans la discographie des Anglais. Pourtant, entre la mise en retrait de Mitch Harris (guitare) et le rythme effréné des tournées pour les pères du grindcore, difficile de leur en vouloir. D’autant plus que ce nouvel album est bon…très bon même !
Apex Predator Easy Meat nous avait laissés sur une excellente impression en 2015. Cinq ans après, Throes of Joy in the Jaws of Defeatism confirme que les Anglais sont au top de leur forme depuis Utilitarian (2011). Toujours chaotique, le grind/death de Shane Embury et Barney Greenway est reconnaissable à la première note. Les racines punk du groupe côtoient des relents d’indus, le tout sur les textes toujours aussi corrosifs de Barney. Toutefois, on sent qu’après trente ans de carrière, le groupe cherche encore à innover. Après les expérimentations au saxophone sur Utilitarian ou ce qui s’apparentait à un rituel glauque sur « Apex Predator Easy Meat » (que l'on retrouve sur le titre de clôture, « A Bellyful of Salt and Spleen »), Napalm Death est de retour à un style plus direct, plus cru et encore plus punk dans l’esprit (« Contagion » ou « Backlash Just Because » introduit par un énorme son de basse de Shane Embury) tout en s’essayant à de nouvelles choses.
Si certains titres restent du Napalm Death pur jus (« That Curse of Being in Thrall », « Fluxing of the Muscle », « Zero Gravitas Chamber »), d’autres lorgnent vers d’autres styles : on songe au black metal sur « Fuck the Factoid », au gothique sur le lent « Invigorating Clutch » ou encore au thrash punk de Voivod à plusieurs reprises, comme sur « Backlash Just Because » ou le refrain de « Contagion ». Mais le morceau qui sort complètement du lot (autrement que par son titre), c’est « Joie de ne Pas Vivre ». On songe au côté malsain d’un Mayhem tant Barney s’exprime avec un timbre de voix rappelant Attila Csihar, et pourtant les martèlements de fûts de Danny Herrera couplés aux bruitages gothico-indus apportent une ambiance qui ne ressemble à rien d’autre dans la carrière des natifs de Birmingham.