Kingdom of Giants – Passenger

Les poulains de la maison Sharptone Records n’ont pas chômé cette année. Après Polaris, Loathe, Alphawolf, Novelists et Crystal Lake, c’est au tour de Kingdom of Giants de dévoiler son nouvel opus. Trois ans après All The Hell You’ve Got To Spare, le sextette originaire de Caroline du Nord nous livre en effet Passenger, son quatrième album.

Au premier abord, Passenger se veut plutôt alléchant. Il cultive des idées qui se sont prouvées efficaces à maintes reprises par le passé et qui constituent dans un premier temps un album somme toute sympathique. Il serait malhonnête de ne pas reconnaitre aux Américains un certain talent d’écriture qui s’évalue à plusieurs degrés. Le groupe excelle tout d’abord dans son travail des refrains car, aussi risibles qu’ils puissent paraître aux oreilles de certains, les chorus de Passenger sont pétris dans des motifs accrocheurs et provoquent un certain sentiment de satisfaction. Impossible par exemple de rester indifférent à l’écoute de ceux de "Two Suns", "Sync" ou encore "Side Effect".

Kingdom of Giants cultive également l’art de façonner des ponts et breakdowns d’une agressivité presque jubilatoire, comme en témoignent "Night Shift", "Sleeper" et "Bleach". La brutalité s’y construit dans un large éventail de riffs syncopés qui sauront combler les amateurs de structures démembrées. Enfin, le tout se voit moulé dans une production qui, bien qu’assez peu organique, jouit d’une grande clarté, ce qui est assez rare dans le genre pour être souligné.

Kingdom of Giants continue toutefois de s’enliser dans les travers d’un metalcore certes efficace mais encore bien trop impersonnel. N’est malheureusement pas Architects qui le veut. Le groupe pourrait même bel et bien se présenter comme un cas d’école tant il cristallise tous les défauts qui paralysent aujourd’hui la scène metalcore.

À force de vouloir reproduire de manière sempiternelle un schéma qui parait quasi obsolète au regard des innovations que l’on a récemment pu apprécier chez Loathe ou Frostbitt par exemple, Kingdom of Giants et consorts se heurtent au danger qu’est celui de la lassitude des auditeurs. En plus d’être un album déséquilibré, bien plus riche et intéressant dans sa première moitié que dans sa deuxième, Passenger pourrait tout à fait coller au dicton « si tôt écouté, si tôt oublié ».

Pourtant, bien qu’il recèle de défauts, ce dernier Kingdom of Giants suscite tout de même une sorte de sympathie, une magnanimité qui le rend appréciable à court terme. À la question de l'état de la scène metalcore aujourd'hui s'ajoute donc inéluctablement celle du rôle la nostalgie dans notre consommation de telles oeuvres. Celle-ci préside-t-elle à notre appréciation ? Vient-elle troubler notre perception pour nous rendre plus cléments à l’écoute d’albums qui se rapportent constamment à Sempiternal (Bring Me The Horizon, 2013) ou The Flood (Of Mice & Men, 2011) et semblent figés dans une époque révolue ?

Malgré son manque d'identité presque affligeant et ses motifs dépassés, cet album éveille une forme de satisfaction qui nous ramène aux plaisirs d’antan, qu’ils soient coupables ou non. Kingdom of Giants n’apporte rien, se contente d’appliquer une formule vue et revue et parvient contre toute attente à invoquer une forme de plaisir, là où l’on pourrait se sentir agacé. Nostalgie et confort semblent ici contribuer à faire de Passenger un objet musical sympathique, probablement noyé quelques semaines plus tard dans un flot de sorties probablement bien plus intéressantes.

Si des groupes comme Loathe ou Polaris pourront bientôt revendiquer des tournées européennes en tête d’affiche, les Américains de Kingdom of Giants risquent quant à eux de se voir commis d’office au rôle de première partie pendant encore de longues années. Il ne s’agit plus aujourd’hui de démontrer un talent certain pour produire une musique efficace et générique. Pour se distinguer, il sera nécessaire d’opérer un changement de direction artistique car, même infime, celui-ci pourrait tout à fait permettre au groupe de s’imposer comme une influence du metalcore moderne.

Passenger sort le 16 octobre 2020 via Sharptone Records.

Tracklist:

1. Two Suns
2. Night Shift
3. Sync
4. Side Effect
5. 00397
6. Burner
7. Wayfinder
8. Blue Dream
9. Sleeper
10. Bleach
11. Lost Hills
12. The Ride

Kingdom of Giants - Passenger (2020)

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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