Harakiri For The Sky – Mære

Cette année 2021 marque une première décennie d’existence pour Harakiri For The Sky, bien parti pour devenir un nom incontournable sur la scène post black internationale. C’est également le moment pour le duo autrichien de présenter le successeur d’Arson (2018) : Mære, cinquième opus, sort le 19 février prochain via le label allemand AOP, et possède tous les atouts pour faire date dans l’évolution du groupe, en atteignant des sommets d'intensité et d'émotion.

 

Dans le folklore scandinave, "Mære" est une créature malveillante s’introduisant dans les chambres à la nuit tombée pour peser sur la poitrine des personnes endormies, créant cette sensation de malaise, d’asphyxie et d’angoisse que chacun d’entre nous a déjà souvent éprouvée et associée à un cauchemar. Cet état diffus d’anxiété, de fièvre et de terreur nocturne, a toujours été inscrit au cœur de l’univers de Harakiri For The Sky, et prend toute son importance dans le nouvel album des Autrichiens, comme terreau d’inspiration et comme atmosphère omniprésente. En dix titres longs (Mære dure plus d’une heure vingt), le duo composé du vocaliste JJ et du multi-instrumentiste MS propose ici une plongée dans un univers post metal balayé de mélodies intenses, pour un mouvement perpétuel entre chaos, désespoir et douceur mélancolique.

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Soulignons avant tout la qualité et la richesse des compositions, avec un subtil maniement des préludes et transitions. Orfèvre des introductions, le compositeur et musicien MS joue de ces passages acoustiques doux et harmonieux qui s’équilibrent avec le rythme effrené des attaques ravageuses qui s'ensuivent.

Après quelques notes de piano, de subtiles touches de stoner et de groove, le chant rageur de JJ et un effet alarmant se révèlent dans "Siver Needle – Golden Dawn", sur lequel est invité le vocaliste anonyme du groupe portugais Gaerea. Pendant les huit minutes de "Time Is a Ghost", on suffoque dans l’intensité de la batterie punitive, comme dans un mauvais rêve, avant d’être rassuré par le souffle doux de la guitare acoustique. L’ambiance se fait funèbre dans l’épique "I, Pallbearer", morceau sombre et touchant aux guitares omniprésentes et à la mélodie intense, même dans les passages les plus rapides. Une alchimie est clairement trouvée dans les contrastes entre les hurlements de JJ et les passages délicats de guitare classique puis de piano.

Mære nous enveloppe, de riffs et de chant intenses, (sur)chargés d'angoisse et de désolation. La dénomination 'post' semble bien peu adaptée à la richesse et au dynamisme des dix morceaux, où l'alternance entre passages galopants rapides et moments groovy, sur le fil entre black metal, post rock, mélodique et ambiant, tout en trouvant une cohérence impressionnante. Les morceaux sont très longs, mais bien équilibrés et très variés, curieusement sans longueurs excessives.

Harakiri For The Sky ne se morfond pas dans la répétition mélancolique, bien au contraire l'énergie et la variété des compositions crée un effet dynamique irrésistible et entraînant. La tentation de bouger la tête est grande, y compris dans les passages plus ambiants (avec chœurs) comme dans l’excellent "Sing For the Damage We’ve Done", avec la participation de Neige d’Alcest. Ce titre intense, très bien construit, s'imagine aisément sur scène. Rêvons un peu : la tournée de HFTS a été repoussée, et leur passage dans l’Hexagone, avec Schammasch, est prévu pour début 2022 2023 suite à un nouveau report.

Écrin des paroles poétiques, poignantes et introspectives de JJ, le jeu de batterie est phénoménal. La rythmique oscille entre double blast galopant et post rock ambiant, aux échos contemplatifs, comme dans le captivant "Once Upon a Winter", évoquant la détresse hivernale par son propos dense et ses accélérations majestueuses. Harakiri For The Sky a de nouveau fait appel au batteur Kerim „Krimh“ Lechner (Septicflesh) pour l’enregistrement de Mære. L'énergie irradie de l'attaque en force et du chant rageur sur "Three Empty Words", où les influences black tutoient la densité du synthé et où la mélodie se fait entêtante.

Par touches subtiles, MS invoque autant d'émotion que de chaos, maniant efficacité et technicité pour un rendu prenant, versant dans l'angoisse comme par exemple dans le tourmenté "Us Against December Skies". L'équilibre et l'intensité du mix (par MS et Daniel Fellner) accentue le pouvoir émotionnel de l'ensemble  Le single "And Oceans Between Us" ne déroge pas à la règle de la mélodie intense et marquante, cette fois portée par la guitare lead qui ravage tout sur son passage. Une technicité, de la subtilité et encore plus de rapidité pour les passages black se fondant avec de sublimes moments ambiants, évocations puissantes d'âmes écorchées.

Chaque composition de Mære a son univers propre, ses paroles meurtries, sa mélodie percutante, et surtout une puissance émotionnelle garantie. Brillant dans les compositions, le duo a su trouver une signature d'exception, un son et un univers qui ne ressemble à aucun autre.

Paradoxalement, il existe des traits communs entre deux titres qu'apparemment tout oppose, à savoir le morceau le plus long de l'album, et celui le plus court. Puissance, crescendo et fluidité s’imposent tout au long des onze minutes de l’angoissant "I’m All About the Dusk". Une sublime intro, la navigation subtile et très maîtrisée entre ambiant et black, marquée par des changements de tempo, un jeu d’harmonies entre les mélodies des guitares de MS et les lignes vocales de JJ, et une rythmique incroyable, voici autant d'atouts que l'on retrouve également dans le suprenant "Song to Say Goodbye" qui vient clore l'album. Surprenant, car ce morceau de "seulement" cinq minutes (!) est en réalité une reprise de Placebo, mais trouve toute sa place dans l'album, par sa délicatesse et son énergie, toujours sur l'étroit chenal entre chaos et lumière.

La force brute, écorchée vive, de Mære, est avant tout une force incroyable de persuasion. L’auditeur n’a d’autre choix que d’être happé, capturé irrémédiablement dans ce tourbillon d’émotions et de mélodies. Les compositions traumatiques, introspectives, rudes et délicates, parlent, résonnent et s’ancrent dans l’âme, tant et si bien qu’il est tentant de se plonger une nouvelle fois dans l’album, et cela même après quatre-vingt quatre minutes déjà écoulées. C’est un coup de maître pour Harakiri For The Sky qui signe, à l’occasion de ses dix ans d’existence, un ouvrage unique, somptueux, dont on ne ressort pas indemne.

Mære – Tracklist :

1. I, Pallbearer (07:02)
2. Sing for the Damage We’ve Done (08:05)
3. Us Against December Skies (08:21)
4. I’m All About the Dusk (11:08)
5. Three Empty Words (09:28)
6. Once Upon a Winter (10:26)
7. And Oceans Between Us (08:57)
8. Silver Needle – Golden Dawn (07:09)
9. Time Is a Ghost (08:33)
10. Song to Say Goodbye (05:24)

Mære, cinquième opus de Harakiri For The Sky, sortira le 19 février 2021 via AOP Records.

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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