Betray-Ed – Forsaken Fairytales

Betray-Ed, c'est un one-man project, celui du français Walran. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que notre jeune homme ne se laisse pas de répit, car avec nombreuses démos et EP, le sieur propose avec « Forsaken Fairytales », sa dernière création, ni plus ni moins que son sixième album. Oui, vous avez bien entendu, ou plutôt lu. Lorsque l'on sait que la première démo date de 2005, ça impressionne toujours. Mais multiplicité est-elle forcément synonyme de qualité ? Ce Walran aux idées qui prolifèrent ne s'aventurerait-il par trop vite, s'évertuant à nous proposer toujours les mêmes sonorités, fond de brouillon et travail bâclé ? Ou au contraire, avons-nous à faire à un véritable virtuose, au sens artistique et à la sensibilité exacerbée ? Tant de doutes et de mystères entourent cette offrande intrigante.

 

Qualité de composition, au rapport ! Notre jeune et dévoué Walran livre tout son talent et toute son âme, et avec beaucoup d'ivresse et de plaisir, on le ressent. Car voici ce que l'on peut appeler un véritable voyage pour les sens, entre clarté et obscurité, pistes folks, atmosphériques ou metal, il y en a pour toutes les sauces, assaisonnées à différentes saveurs.

 

Car lorsque l'on s'imprègne de l'œuvre, immergé doucement par le titre « D(r)ead », c'est avec une instrumentale plus metal à l'atmosphère glaciale, quasi-oppressante que l'auditeur est mangé. « Optokinetic Nystagmus » est prenante, elle ne vous quittera pas et constitue une entrée en la matière fort réussie. C'est ce sentiment étrange d'oppression et d'enfermement, de solitude, de crainte qui nous submergera tout au long des pistes metal, entre melodique et black, un accent shoegaze par instants. Les mélodies sont envoûtantes et somme toute assez similaires, mais pas identiques, elles se révèlent suffisamment diversifiées pour que l'on puisse en humer tous les arômes. « Above the Sea of Clouds » et son accent black metal/shoegaze dans l'instrumentale, rappelant parfois Alcest (influence de notre compositeur ?). Une dualité entre une mixture éthérée et pesante à la fois fort réussie. « Totentanz, a Shadowplay in Two Acts » est en revanche à vous glacer le sang, l'aspect black metal du brûlot étant ici bien plus amorcé qu'auparavant. Un rapprochement avec Summoning ou les premiers Ulver ne semble pas superflu, tant par l'ambiance que par les vocaux qui se font plus agressifs et percutants. Et ces chœurs de chant clair, au loin, perdus, ne vous collent-ils pas déjà quelques frissons ? L'accalmie n'est jamais loin et la fin du morceau berce par sa douceur.

 

Là-dessus, deux titres se démarquent du lot, impressionnants de maturité et composé de manière à se glisser au fin fond de vos entrailles. « Omen of Victory », débutant par la cithare de Delphine, de manière très douce. Sauf qu'évidemment, c'est pour mieux vous tromper car l'obscurité renaît, elle si longtemps cachée, effrayée par le jour, refait surface, prête à vous hanter à nouveau. Les guitares lourdes arrivent et se pose le chant clair, de manière assez mystique, tel un voyageur contant une ancienne prophétie. Se joignent ensuite à ces lignes vocales les vocaux black, encore une fois, ceux de Walran, qui se font cependant assez discret au départ, pour gagner en intensité et en puissance, notamment lors d'une accélération de rythme soudaine, du plus bel effet, pour à nouveau voir la lumière chasser l'ombre et revenir sur la forêt.

« Forsaken Fairytale », ou la bucolique. L'ambiance forestière est plus présente que jamais, par les sons de la nature qui peuplent la piste, d'une beauté saisissante, le chant des oiseaux et celui des cigales ouvriront avec grâce. Viendrons se poser de magnifiques chants féminins, ceux de Fleur et de Julie, innocents et doux, chœurs ravissants. Un alto fera également sa délicate apparition, renforçant l'atmosphère une fois de plus. Cette fois-ci, peu d'agressivité, l'ensemble sera calme, planant.

 

Mais la majorité de l'opus est composée de pistes ambiantes. Le contraste pourra même d'ailleurs étonner, voir déranger. Passer de « Night of Torment », sombre et angoissante, à un « The Flight » plus méditatif pourra être un trop grand écart et le choix de placement n'est pas des plus judicieux, malgré la présence du chant de Julien (Synthesia) qui fait merveille.

« Voices from the Other World » est une belle conclusion, où l'on retrouve une légère ambiance de cathédrale, par des chœurs masculins du plus bel effet, le timbre de Julien (à nouveau) sied à merveille à l'aspect saisissant. Fleur et Julie concluront ensemble le morceau.

 

N'oublions pas la grande partie folk, assez minimaliste, avec des morceaux comme « L'orchestre sous la pluie », où résonne la guitare acoustique d'Adélaïde, la guitare électrique de Rosarius (Angellore, Abyssanctum) sous un déluge, rappelant légèrement les vieux films, là où on s'imagine Paris sous la pluie, avec une mélodie répétée dans le fond, et en introduction également, difficile à d'écrire, tellement belle à écouter. Et comme si ce n'était pas suffisant, notre maître à penser invitera un joueur de Nøkkelharpe, Peter John Warner, à nous jouer un petit air norvégien : « Begynnelse (Norwegian Legend) ». Titre sympathique mais un cran en dessous, l'engouement ressenti étant moindre.

 

La production n'est pas parfaite, ce qui cela dit ne gâche pas le plaisir et la beauté de l'écoute. Chaque atmosphère est retranscrite parfaitement, rien n'est mis outrageusement en avant. Bien sûr, avec un son d'une qualité encore supérieure, l'invitation au voyage serait d'autant plus délectable mais il faut savoir apprécier les choses telles qu'elles sont.

 

Les chants, car oui, ils sont plusieurs, ont un rôle particulier. En effet, ils sont bien souvent guidés par la musique, emportés par la mélodie, ou encore guides de l'auditeur, c'est selon. Les chants féminins de Fleur et Julie sont d'une grande beauté, par des timbres clairs, doux et mélodieux. Mention spéciale également au chant masculin de Julien, absolument délicieux sur « Voices from the Other World ». A lui seul, il accomplit la transition entre cet univers éthéré auquel on veut accéder et celui dans lequel nous sommes au départ. Cela ferait rêver, n'est-ce pas ? Quelques réserves sur le chant black, car s'il est bon, il semble parfois un poil trop agressif, mais c'est pour chipoter.

 

Si je devais décrire cet opus en trois mots, ce serait : atmosphère – rêve – magie. « Forsaken Fairytales » est un opus débordant d'inventivité et de créativité, capable de transmettre avec une pureté rare l'intensité d'émotions fortes. Quelques points sont un peu moins réjouissants (la production, un-deux titres plus faibles), mais les qualités si prolifiques de la galette ici présente sont les preuves d'un talent musical impressionnant de la part de Walran. Le prochain sera-t-il encore plus beau ? Ce sera dur de faire mieux.

 

Note finale : 9/10

Pour écouter l'album gratuitement en streaming

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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