Dakrya – Crime Scene

La scène metal à chanteuse en Grèce est en pleine croissance, c'est un fait. Alors que de jeunes loups tels Luna Obscura, Bare Infinity, Meden Agan ou Elysion commencent à se faire doucement un nom, d'autres tels On Thorns I Lay ont déjà une réputation bien établie. Et Dakrya est un peu en transition entre les deux, un nom certes grandissant mais pas encore sous les feux de la rampe. Alors que nos amis de Grèce auraient pu restés cantonnés à un style symphonique assez banal, ils décidèrent d'apporter un grain de folie et d'originalité à tout ça. C'est ainsi qu'en 2008, « Monumento » naquit, mais ne marqua pas vraiment les esprits malgré la volonté de notre formation de créer un metal théâtral. Alors en 2010, nouvelle décennie, et nouvelle ère pour le combo grec. Virage à 180° amorcé, place à plus de fantaisie avec « Crime Scene », nouveau venu le 12 Octobre 2010 sur Sensory Records. Qu'est-ce qui est différent, globalement ? Sera-t-il la clé qui permettra à Dakrya de se démarquer ?


Et bien, en tout cas, le tournant est original et désormais c'est une galette très avant-gardiste à laquelle l'auditeur sera confronté. Fini de lorgner sur Edenbridge ou Xandria, place maintenant à une musique de la famille d'un Akphaezya ou d'un Ram-Zet, le côté black des norvégiens en moins, le même grain de folie en revanche. Et dans cette nouvelle fratrie, Dakrya est un bon élève et s'en tire plutôt bien.


« The Charlatans » donne le ton et démarre l'album par une belle pièce, plutôt originale et bien exécutée. Dotée d'un refrain assez accrocheur, la piste sait se faire saisissante, avec de beaux riffs, des voix bien en place et quelques passages amusants, notamment les sonorités de boîte à musique ou encore le son du carrousel pour apaiser l'ardeur montante du morceau, qui gagne en puissance et en intensité sur la longueur. Et fort heureusement, pour conserver de la force, les guitares sont placées au devant de la scène. Seulement, petit détail dû à une totale ironie du sort, il flotte sur ce titre un petit air d'Olivia Ruiz, même si « Les crêpes aux champignons » n'est pas aussi loufoque et abouti que notre pièce grecque.


« The Urban Tribe » suit la lignée du morceau plus rentre-dedans, sans tout défoncer sur son passage, grâce à plus de finesse et de détails. Le travail effectué sur les voix est intéressant et offre une nouvelle dimension, l'alternance entre les deux chants féminins, l'un plus grave, l'autre carrément enfantin, et le chant masculin à l'allure théâtral (le concept n'est pas abandonné, finalement) est réussie, divertissante et exploitée comme il se doit. Là également, il subsiste une forte inspiration sur les américains de Stolen Babies, dans l'exploitation vocale notamment. Mais grâce à un refrain de qualité, Dakrya parvient à séduire l'assemblée.


« Blind Man's Bluff » aurait très bien pu se retrouver sur le premier opus des français de Pin-Up Went Down tant les mélodies vocales semblent parfois similaires. Mais à côté de ça, le morceau est bien plus posé, misant avant tout sur l'atmosphère. Et cette facette-ci est un succès, où l'on s'imagine sans aucun problème dans quelle cadre la piste veut nous emmener : en pleine enquête policière, menée par le dialogue entre les différents acteurs que sont chaque voix présente, renforçant de cette manière le concept de nos sept grecs.


« Camouflage » est encore une pièce d'ambiance, mais cette fois-ci, c'est en pleine intervention, au beau milieu d'une nuit noire que l'on se retrouve, la discrétion doit être de mise. Pour se faire, pas feutrés, et forcément l'atmosphère sombre est de mise, par des guitares plus lourdes et déroulant, à l'aide du clavier, un rythme plus lent. Le saxophone rajoute une touche jazzy très agréable et de grande beauté, tandis que les chuchotements de nos deux chanteuses imposent la prudence la plus totale, poursuite des criminels oblige. L'accélération soudaine sur le refrain emporte l'auditeur dans le délire total des méditerranéens. Sans conteste un morceau aussi imaginatif que prenant, et une réussite totale pour Dakrya qui montre que la partition est maîtrisée.


D'ailleurs, il serait vraiment injuste de ne pas mentionner « Phantasmagoria » dans les réussites de cette offrande, tant encore une fois, le travail effectué pour parvenir à instaurer cette ambiance d'enquête est conséquent. Entre passages plus agressifs où les guitares sont de sorties et déversent une cavalcade de riffs, et les moments intimistes où le ton est plus doux, avec les murmures et le clavier nous accompagnant, l'immersion est totale.


N'oublions pas « Dramatis Personae », pièce d'environ 6 minutes, qui s'avère être un excellent final (le dernier titre n'étant qu'une courte conclusion instrumentale). Débutant par une mystérieuse mais très belle introduction au piano évoquant Qntal (un petit air de « Amis Raynaut »), le ton devient plus dur, le ciment se solidifie, et toujours avec notre ami piano au fond, voix, guitare, batterie, le cortège se met en place, avant d'abandonner notre instrument du début pour rentrer dans le vif du sujet, et, en plus de cela, entraîner l'auditeur. L'heure est au mystère, et l'aspect sombre s'invite encore une fois. De plus, le morceau se révèle très varié et diversifié, entre les passages instrumentaux, les lignes de chant, les breaks atmosphériques et le piano. Sans pour autant oublier d'être un temps soit peu prenant, le refrain est distillé avec un délicat arôme et beaucoup de goût. Un encas qui régalera les plus gourmets.


Seulement, pour réussir une œuvre parfaite, il faudrait que tous les titres soient de la même trempe, forgés dans l'acier le plus dur et possédant la musicalité la plus pure. Et cette formule, notre jeune formation grecque ne la maîtrise pas encore, comme la plus grande partie des groupes d'ailleurs. Quelques pistes s'oublient trop vite et ne s'élèvent pas au même rang que les autres, créant un vide, une sensation de remplissage, pas très folichon comme vision.


« Scaremongering » n'est pas la composition la plus passionnante de Dakrya, bien loin de là. Malgré quelques bonnes idées, comme l'apparition du chant clair masculin ou éléments progs bien incorporés au mélange, le morceau tombe trop rapidement à plat. La faute à des lignes vocales manquant d'accroche, à un refrain qui peine à prendre son envol et à conquérir le cœur de son auditoire. De plus, trop de répétitions se font ressentir, le titre tournant trop vite en rond, la boucle semblant bouclée avant d'avoir pu démontrer quoi que ce soit.


Et comme on dit, jamais un sans deux (ou comment truquer des proverbes) : « Inertia » n'est pas des plus jouissives non plus. La sensation de redite est trop évidente et cette pièce peine à nous emmener jusqu'à son apogée. Trop plate, sans réelle consistance ni énergie, peu d'attrait et d'éclat seront trouvés, même par les plus grands experts. De plus, si « Scaremongering » possédait ses bons moments, ce titre fait pâle figure à côté.


Du côté de la production, les moyens ont sûrement été plus conséquents car le rendu sonore est bien meilleur. Les guitares sont audibles, le son est carré, rien n'empiète sur le territoire d'un autre, seule la batterie est peut-être parfois un peu discrète par moment (il faut dire que le mixage a été réalisé en Suède, au même studio que Diablo Swing Orchestra, tiens tiens).


Vocalement, Thomais et Christina sont en voix. L'une officie dans un registre plus aigu et parfois lyrique, l'autre est plus terre à terre, plus prudente et moins aventureuse, mais tout aussi belle et maîtrisée. De plus, la complémentarité entre les deux demoiselles est bien assurée, les lignes de chant étant très souvent bien ficelées et formant un véritable dialogue entre les deux intervenantes qui prennent un malin plaisir à commenter la scène qui se déroule. Elles sont accompagnées par instants de la voix masculine du guitariste George Droulias, assez spéciale et qui pourra dérouter, mais intégrée à merveille également et donnant une fois encore une nouvelle poussée vers la théâtralité.


Dakrya propose une recette rafraichissante qui, sans être foncièrement originale, fait mouche et nous emporte. L'aspect théâtrale est comme promis bien exploité et mis en musique avec aisance et brio, et quelques faux pas seront à corriger pour que nos grecs se hissent aux rangs d'Unexpect, Ram-Zet, Stolen Babies ou autres élites du genre, notamment des influences encore trop présentes. En attendant, « Crime Scene » est un opus qui se savoure avec plaisir et qui offre de belles promesses d'avenir de la part de Dakrya.

 

Note finale : 7,5/10


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