Lyriel – Leverage

En 2010, les allemands de Lyriel revenaient plus matures que jamais sur le label Femme Metal Records avec une galette répondant au doux nom de Paranoid Circus. Résultat : changement de label, passage sur AFM Records et réédition de leur album en 2011. Donc, un an plus tard, début 2012, sur ce nouveau label, revoici les 7 membres du combo de retour avec Leverage, à la pochette agréable à l’œil. En espérant, bien sûr, que le contenu soit aussi beau que son visuel.

De toute évidence, le premier sentiment qui naît à l'écoute de ce nouvel opus, c'est une certaine surprise. Si vous êtes familiers avec la discographie des allemands, alors celle-ci sera encore plus grande. Lyriel était pourtant plutôt connu pour son folk rock/metal doux, calme et agréable, reposant grandement sur des mélodies raffinées et aussi charmantes que charmeuses. Le combo semblait pourtant avoir trouvé la recette qui leur convenait avec leur dernier brûlot en date, Paranoid Circus, dont le goût délicat des instruments typés folk allaient de pair avec des sonorités plus metal, mais qui plaçaient l'agressivité de côté, pour mieux transporter, faire rêver. Si c'est cette image que vous avez conservé de notre adorable petite formation, il va falloir se baser sur une évolution, plutôt louable dans la démarche. Plutôt que de se reposer sur ses lauriers, le groupe d'outre-Rhin décide de chambouler ses habitudes et de continuer dans une direction différente, assez éloignée de ce qu'ils faisaient sur les galettes qui précèdent. Au lieu de miser sur la délicatesse de mélodies soignées et douces, les sept allemands vont prendre le taureau par les cornes et nous offrir un son beaucoup plus lourd et dynamique. L'avalanche de guitares qui déboule en guise d'intro sur la piste éponyme résume bien ce qui va nous attendre tout au long du périple. Plutôt que de se cantonner dans ses acquis, même s'ils étaient franchement jolis, le fait de vouloir se placer dans une situation de risque et de, peut-être, perdre en route une partie des fans, est assez osée, surtout après la qualité de l'album qui précède.

Pourtant, en terme de qualité, celle-ci n'est pas partie, que du contraire. Même, malgré la durée assez courte de ce Leverage (seulement 35 minutes qui passent très rapidement), on ne peut que constater la grande maturité dont faire preuve Lyriel. Par contre, cette nouvelle orientation musicale, résolument plus agressive et heavy s'accompagne d'une petite déception. Le violon et le violoncelle, deux atouts de taille qui octroyaient un réel attrait aux douces notes des allemands, commencent quand même à nous manquer, et leur intégration n'est pas encore parfaitement réussie. Sur ce point, il va falloir accomplir des progrès pour garder cette base folk qui, si elle est toujours conservée, reste légèrement en retrait par rapport aux œuvres précédentes. Le morceau « Leverage » démontre bien cet effet : le côté folkisant est en retrait au profit de la puissance et de l'énergie. Effectivement, l'ennui est loin d'être présent, mais on regrettera que le doux son du sympathique violon ne soit là qu'en toile de fond pour soutenir un peu l'ensemble. Le bon côté de la chose, c'est qu'avec cette rythmique décidément plus puissante et plus axée sur une guitare au premier plan, c'est que la musique proposée nous fait bouger, nous faisant passer un très bon moment aux côtés des allemands. Mieux encore, quand la balance entre la direction actuelle de Lyriel et les réminiscences du passé est dignement équilibrée, c'est là que l'on voit à quel point ce combo peut être bon et, malgré les quelques petites erreurs, se démarque du lot : « Parting » est un moment de plaisir absolu, avec un refrain très entêtant.

Lyriel

D'ailleurs, voilà une nouvelle force de notre combo. Si, auparavant, ces derniers comptaient surtout sur la beauté des ambiances et la voix délicate de la jolie Jessica, ils s'arment désormais de nouvelles cordes à leur arc. Les refrains, un aspect nouvellement exploité qui, cette fois-ci, s'expriment surtout dans leur aspect plus rentre-dedans, comme un point d'orgue à des titres qui attendent la montée finale. Et on ne boudera nullement son plaisir tant ceux-ci sont finement travaillés et joliment exécutés. Au palmarès du carrément jouissif, « Leverage », « Voices in my Head » et « White Lilly » sont hyper tubesques et ne vous quitteront plus l'esprit, en particulier la dernière nommée. C'est là où Lyriel rattrape l'échec qui se présente sur l'opus : la poussive « Wenn die Engel Fallen ». Mid-tempo sirupeuse qui brise le rythme, cette pseudo-ballade n'a pas le charme de « Repentance » ou de « The Road Not Taken », une piste calme mais remplie d'émotions, où le chant cristallin de la frontwoman fait des merveilles, pleine de sensualité, où le violon redevient à nouveau un support important. La montée en puissance finale sera comme cette petite récompense qui fera exploser le titre. Les allemands n'ont pas perdus leur capacité à nous composer des ballades agréables.

Si le tout peut sembler un peu uniforme, il reste malgré tout très diversifié. Si le regret de n'avoir que 9 morceaux (on enlève l'intro du lot) à se mettre sous la dent reste un peu présent (car oui, on en désire plus), Lyriel tente quand même de toucher un peu à tout. « White Lilly » rappellera un tantinet le passé de la formation, tout en montrant, par ses guitares, qu'elle reste ancrée dans le présent. Bien évidemment, le duo violon/guitare fait des miracles. Si nos allemands avaient un peu plus de morceaux de ce calibre (au lieu de la dispensable « Wenn die Engel Fallen »), alors on aurait eu le droit à un presque sans-faute. Bon, on titille mais il reste bien peu de choses à reprocher au groupe. S'ils mettent un peu de côté leur charme d'antan, c'est pour en gagner un supplémentaire, et ce côté plus puissant ne fait pas tomber le groupe dans la banalité, le commun. Lyriel possède de la personnalité, et cette identité est conservée : on reconnaît leur son à milles lieux, sans que tout cela tombe dans la répétitivité ou le cliché. Et les nostalgiques pourront encore se délecter de belles mesures de violon sur « Aus der Tiefe » ou « Parting ». L'usage de la langue allemande, absent sur Paranoid Circus (sauf dans l'intro « Opening »), passe très bien. Moins rédhibitoire que chez leurs collègues de Coronatus, la langue renforce le côté « folklorique » des sept compères, ce qui fera même de la piste « Aus der Tiefe » l'une des meilleures. Mais il faut bien avouer que les lignes de chant, divinement taillées, contribuent à cette fluidité et à la douceur d'une langue réputée agressive. Ainsi, là où un groupe comme Elis a trouvé le bon moyen pour faire passer la langue de Goeth, Lyriel vient rejoindre cette assemblée (et qu'on ne cite pas Tokio Hotel -blague off-).

Parlons-en, de ce chant. Jessica Thierjung a toujours été un atout de taille chez Lyriel, mais cette fois-ci, elle est encore meilleure qu'avant. Sa voix est toujours aussi belle, mais montre que même dans la puissance, elle assure tout autant, et ne se cantonne pas au registre doux dans lequel on l'a connu. Ses progrès depuis les débuts de la formation sont considérables, et son timbre, toujours aussi magnifique, peut se targuer d'une justesse à toute épreuve. La belle joue avec ses lignes, se promène, et nous emmène avec elle, nous scotchant à ses mots et ses belles paroles (elle est envoûtante sur « Side by Side »). Mais notre allemande est une petite maligne, et elle a tout compris : il va falloir créer la surprise. Ainsi, c'est le plus naturellement du monde qu'elle nous offrira quelques growls bien maîtrisés sur « Voices in my Head ». Elle sera accompagnée d'une voix masculine sur « Wenn die Engel Fallen », mais la dualité est assez compromise par le manque de beauté de l'homme face à la demoiselle. En plus, ajoutez à tout cela une production en béton, et vous comprenez aisément que nos allemands savent ce qu'ils veulent.

Voilà un opus un peu déconcertant. S'il est indéniablement très bon, bien supérieur à moult productions metal actuelles, et surtout dans le folk metal, il reste un petit doute quant à la direction entreprise par les allemands. Sera-t-elle payante ? La réponse semble, sur ce Leverage, être un grand oui tant le groupe d'outre-Rhin nous montre une maturité et une dextérité qui donnent confiance en eux. Seulement, cela se révélera peut-être un peu lassant dans l'avenir. Mais Lyriel démontre également qu'ils ne sont pas des musiciens se basant uniquement sur leurs acquis et qu'ils aiment aller là où on n'attendait pas forcément leur présence, et ils le font bien, en plus de cela ! En continuant dans cette voie, on espère que la formation gagnera des lettres de noblesse car, en dépit d'un énorme talent et de quelques années d'existences et albums de qualité derrière eux, la renommée n'est pas encore là. Et pourtant ils le méritent. En clair, un brûlot à acquérir pour votre collection, car il restera dans votre tête longtemps, plus que vous ne pourriez le penser … et ça, c'est souvent signe de qualité.

(petite parenthèse subjective de chroniqueur : Leverage est difficile à noter. Il est certes meilleur que son prédécesseur mais il reste assez ardu de le placer. Mais sa qualité fait pencher la balance positivement.)
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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