Vore – Gravehammer

"C'est quoi cette bouteille de lait ?!..."

- << Papa, papa, je voudrais que tu me parles du « desse » ...

- Hein, pardon, gué, questa, quoi???!

- Je voudrais bien que tu me dises l'histoire du « desse »...

- Attends, Bidoche, de quel Dès tu me parles, là? De celui qui nous soûle à longueur de journée avec ses chansons sur le printemps, le marchand de sable ou les bêtises à l'école??!

- Non, Papa, tu as encore une musique que tu as reçue où que tu dois dire si c'est bien ou pas bien, pour ta chronique, pour La Gausse Radio Métal, et tu as dit à Maman que c'était du « desse »... C'est quoi le «desse»?

- Ah, le "DEATH"!!! Oh écoute, Bidoche, c'est une longue histoire que tu me demandes là, et même que si tu savais déjà lire tu saurais déjà un peu ce que c'était le death avant et ce que c'est maintenant, et surtout ce que Papa il en dit...

- Le « desse », c'est quand t'as un Monsieur qui arrête pas de faire le cochon et puis un autre Monsieur qui tape partout et puis aussi un troisième Monsieur qui fait plein de "zigouigouigouigoui" à la guitare? Ça faisait du bazar, quand tu en mettais, et c'était quand même un peu bizarre je trouve...

- Ça, Bidoche, c'est surtout ce que c'est devenu maintenant. Mais tu te rappelles l'autre jour quand je t'ai fait écouter dans le salon quelque chose qui s'appelait Entombed? Et aussi l'autre que je te disais que c'était du Obituary... Et bien c'est pareil c'était du death aussi mais c'était plus vieux, et ça avait l'air méchant mais pourtant tu dansais dessus dans le salon, tu te rappelles tu criais en courant partout! On bougeait la tête, ça 'groovait', on a 'headbangué' comme des malades... heu pardon, c'était entraînant comme un générique de «T'choupy » mais en version 'méchante' quoi!

- Mais là ça a fait pareil avec ce que tu as reçu, là, et pourtant c'est pas du vieux, et puis le Monsieur de la pochette, aussi, il fait un peu peur quand même? Il a une tête bizarre ...

- La pochette du dernier Vore tu parles? Oui mais justement oui : ça c'est le "méchant", c'est un grand guerrier et puis en même temps c'est un vilain démon. D'habitude, tu as plutôt ça sur les pochettes de Manowar, mais pourtant dans le death aussi c'est un peu cette impression-là que tu as quand tu écoutes, même si bien souvent ça parle plutôt de ce que fait ton Papa avec ses gros couteaux...

- Mais pourquoi t'aimes bien écouter des trucs de méchants?

- Bah écoutes, tu sais bien, toi tes histoires avec les ogres, tes sorcières à la « mords-moi-l'-nœud », tous ces contes avec les méchants dragons qui te font peur, hé bien pourtant tu demandes toujours à Maman de te les raconter encore? Là, c'est pareil, ça peut faire peur mais on a envie d'en entendre encore!

- Oui , mais pourquoi à chaque fois le Monsieur il crie comme ça? C'est parce qu'il a mal?

- Alors, déjà ce Monsieur-là ce n'est pas le même à chaque fois, lui par exemple il chante dans un groupe qui s'appelle Vore comme je t'ai déjà dit, et ils ont sorti leur premier vrai album il y a presque 15 ans, tu imagines, comme l'âge de la première grosse cuite de ton père ! Et donc il ne crie pas n'importe comment, comme beaucoup de bonhommes d'aujourd'hui qui font comme s'ils étaient tout énervés alors qu'en réalité ils veulent juste faire semblant (et ils y arrivent bien, ces c...). Et puis ce ne sont pas non plus des éructations porcines comme les "gruik-gruik" qu'on retrouve dans le 'grindcore' (tu sais ces morceaux tout bizarres que Papa t'a fait écouter un coup, où des fois t'as plus long d'intro que de morceau!), et dans pas mal de groupes de death d'aujourd'hui. Au contraire, le chanteur Page Townsley est plus proche de l'esprit des origines, avec des vocaux gutturaux d'une profondeur abyssale, avec des réminiscences d'un Deicide, surtout quand le bougre double ses parties avec une voix plus criarde façon 'black' comme le Glen Benton de la grande époque (avec également quelques 'guests' à la rescousse pour des chœurs de damnés bien sentis sur "The Claw is the Law" et "DOOOOM-Whore"!!)... C'est là une des grandes qualités de cette galette - enfin, de ce disque tu sais... - même si lesdites voix sonnent parfois comme un râle un peu "fatigué" et auraient peut-être gagné à bénéficier d'un meilleur traitement pour sonner plus « percutantes » (comme celles de l'ami des cathos, du Jack et de la SPA). Mais ce n'est peut-être pas vraiment l'objectif du groupe... L'effet est garanti en tout cas, tu ne trouves pas ?!

VORE pic


- Oui, mais Maman elle dit qu'elle n'aime pas trop, elle dit que ça fait saigner les oreilles! Elle saigne pas vraiment des oreilles hein ??!!!

- Meuh non, c'est une expression! Et c'est parce qu'elle n'a pas écouté celui-là, Bidoche. Gravehammer, c'est comme ça qu'il s'appelle, pourrait lui faire une bonne musique de fond quand elle va au travail aux abattoirs. Les rythmes sont assez lents pour le style tel qu'on le connaît aujourd'hui, ce qui pourrait étiqueter Vore dans un registre « doom/death » (il ne faut pas chercher des blasts, tu sais comme quand Papa tape à toute vitesse avec ses couteaux sur la table), bon pas non plus à l'image des rythmes au ralenti des premiers Paradise Lost ou Anathema - on reste majoritairement dans du mid-tempo quand même - mais une musique à la double grosse caisse "enveloppante", où tout se construit autour de l'atmosphère étouffante créée par la lourdeur et l'épaisseur des guitares, à prédominance rythmique tout du long. Ainsi, la primeur est plutôt donnée à des riffs en attaques palm-mute mais « pachydermiques », accrocheurs mais pas "tubesques", simples mais addictifs. La longueur des titres pourrait laisser penser à une approche «progressive» de leur musique. QUE NENNI! Le groupe se contente simplement de broder autour de ses (bonnes) idées de base, prenant ainsi bien le temps d'imprimer dans le crâne de l'auditeur toute la noirceur de leur écriture. Ainsi, Vore nous envoie des charges grondantes et expéditives comme un bon vieux Bolt Thrower et comme les Six Feet Under savaient également en délivrer fut un temps... Sans sortir non plus toute l'artillerie, car on sent que nos Américain ont à cœur de garder une approche 'brute', sans multiplier à outrance donc les prises et les couches de guitares superposées, conservant de ce fait une résonance quelque peu caverneuse, mais sans non plus tomber dans de claustrophobiques fréquences d'ultra-basse comme on aurait pu le craindre. Au contraire, c'est heureux, de fort jolis sweepings viennent fréquemment agrémenter çà et là l'album, à l'image du solo dans "The Unseen Hand", ou ce véloce phrasé sur le 'lead' du titre éponyme. Pour autant, dans ce domaine on ne tombe jamais dans de la surenchère « m'as-tu-vu » et à la longue franchement indigeste du Deicide période The Stench of Redemption, c'est plutôt les shreddings apocalyptiques d'un Serpents of the Light ou même d'un Scars of the Crucifix (dernier chef d'oeuvre à ce jour de la bande à Benton??) qui reviennent agréablement à l'esprit. Là s'arrête d'ailleurs encore une fois la comparaison car Vore ne donne jamais dans un registre 'brutal-death' ni dans un étalage de virtuosité technique, en dehors de ces solos mélodiquement inspirés tout en dextérité maléfique.

- Attention, Papa, tu te crois dans "American Picot", là...

- « Psy-cho » ! Oui, tu as raison, Bidoche, je divague, je me crois déjà sur ma chro !

- Mais toi, Papa, tu l'aimes au fait toi, cet album des Vore?

- Hé bien je trouve que c'est plutôt une bonne nouvelle que de tels groupes existent encore. Certes, au niveau du son ça ne répond plus aux critères actuels, mais c'est plus qu'adapté à mon sens à la définition originelle du death (même si ça paraîtra bien trop léger à certains...). Et il est plutôt agréable d'entendre de nouveau des relents de pulsions MALSAINES dans ce style (plus que de la simple brutalité plus facile à atteindre avec de la pratique et une certaine maîtrise), qui font planer sur ce disque et sur nos mémoires l'ombre de Grave (pour la patte 'heavy' et "mortuaire") ou encore des vieux Morbid Angel qui excellaient aussi dans les tempos lents (à défaut d'invocations, quelques évocations des Grands Anciens sont de la partie...). Au moins ne sont-ils pas tombés dans la facilité d'une imagerie 'gore' et d'une approche de «carnivores/cannibales » ainsi que leur nom aurait pu le laisser entendre... Que dire d'autre? Le titre "Doomwhore" est un pur chef d'œuvre de décadence et d'occulte, avec notamment son pont hypnotique de 'morts-vivants' en plein milieu qui donnera le tournis à bien des cervicales, comme quoi il n'est pas toujours nécessaire de trouver des riffs alambiqués et débordant de technique pour sonner torturé autant que sombre, en cela le grand Sabbath nous a toujours montré la voie... La sublime instrumentale "Uroboros" à la guitare acoustique d'outre-tombe, dans la lignée des autres incartades de ce genre sur les précédents albums, sert de brillante introduction à un massif "Gravehammer" éponyme qui dégaine des accords atmosphériques quasi-black afin de donner la cadence à une procession 'doom' et macabre. L'effet produit, encore une fois, est garanti!
Non, le problème de cet album est ailleurs : les atmosphères dégagées seraient peut-être plus réussies que les titres en eux-même. Il est donc à craindre que les Vore ne nous aient ici sorti leurs meilleures cartes et ne puissent transcender davantage leurs indéniables qualités. A l'image de ce serpent évoqué ci-dessus (au centre notamment d'un célèbre titre de Gojira qui porte également son nom dans une orthographe alternative...), le groupe finit par ne pas se renouveler et par se mordre la queue, bouclant ainsi de manière un peu trop facilement expédiée et certainement involontairement la boucle du potentiel de cet album, malgré la fausse impression de diversité au premier abord. Les titres finissent par être longs et pesants mais dans le mauvais sens du terme, linéaires et quelque peu répétitifs sur la durée. Genre : "Tiens, on l'a pas déjà entendu, "Progeny of the Leviathans"?!... Ah bah non, c'était "The Cruelest Construct"... La fin de l'écoute en paraît interminable, tant il y a un fossé qualitatif palpable entre les trois derniers titres et le reste de l'album.
Bref, heuuuuuuu, Bidoche?... BI-DOOOCHE??!! Il est où ce chiard?? Tous les mêmes, ces mômes : ça pose des questions, et après ça n'attend pas la fin des réponses pour retourner à 'Gulli' ! Il a des problèmes de concentration notre Bidoche ou quoi ? Bon ... j'en parlerai à sa mère, ça m'inquiète !

Bref, ce Gravehammer sorti le 20 juillet dernier chez AFM Records s'adresse avant tout aux 'omnivores', ou à défaut aux plus « indécrottables » des 'old-timers', les vieux briscards du death, ainsi que les plus blasés des adeptes de ce style aujourd'hui, lesquels retrouveront pour sûr quelques bons frissons de "jeunesse"... Les autres auront certainement du mal à y revenir, passée la première écoute. Car ni Vore ni d'autres formations tout aussi résolument passéistes ne parviendront jamais certainement à ressusciter d'entre les morts la grandeur de ce que fut le death à une époque. Mais dans le genre, ces Ricains ne se débrouillent pas si mal...
 

Patrick "LeBoucherSlave" Bateman...

6,5/10

VORE band pic


 

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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