Therion – Les Fleurs du Mal

Chronique d'une reprise !

 

Ah Therion ! Je me souviens de la première fois que j’ai entendu leur composition. C’était Sirius B, il y a de ça quelques années maintenant, et j’avais pris un tel pied que je m’étais empressé d’acheter le reste de leur discographie. J’ai eu le privilège de chroniquer leur dernier album sorti en 2010, l’excellent Sitra Ahra (si vous en doutez, allez voir la chronique ici !) et parmi mes attentes de 2012, c’était bien la sortie du nouvel album de Therion (annoncé comme le dernier avant plusieurs années puisque le groupe s’attellera, après la tournée, à la création d’un grand Opéra Rock Métal).

Ce dernier a été un mystère pendant de nombreux mois (ce n’est pas nouveau vis-à-vis du groupe), jusqu’à ce que les informations nous arrivent toutes en moins d’un mois. On a ainsi pu savoir que c’est le maître à penser de Therion, Christofer Johnsson, qui a auto-produit cet album, mais surtout, et c’est la plus grosse surprise, ce ne serait finalement pas un album de Therion au sens où l’on pourrait l’entendre, puisque ce sont pas moins de 15 reprises de chansons françaises des années 60 (période yé-yé). Ce sont donc des artistes connus, tels Serge Gainsbourg, Sylvie Vartan, France Gall, et moins connus, comme Victoire Scott, Léonie ou Claire Dixon qui se sont vus ré-arrangés à la sauce métal opéra symphonique dont seul Therion a le secret.

Les fans se déchirent déjà alors que l’album n’est toujours pas en vente (hormis via le merchandising sur les concerts) et que les pistes sont écoutables seulement via internet. Bien que l’accueil à l’étranger soit plutôt positif, le public français semble avoir un peu plus de mal à l’adopter.

 

Quand on dit cover, de nombreux exemples viennent en tête. En effet, il n’est pas si facile de reprendre des chansons, plus ou moins célèbres, et de les mettre à votre sauce pour en sortir quelque chose à la fois d’original et de fidèle. Parmi les reprises réussies, je pense notamment à "Still Loving You", de Scorpions, par Sonata Arctica. Parmi les pires je pourrais citer "Un Autre jour au Paradis" des Enfoirés, qui ont massacré le tube intemporel de Phil Collins, "Another Day In Paradise". Bref passons, et revenons à ce qui nous intéresse ici : Les Fleurs du Mal, de Therion.

Avec ce titre d’album, l’on était en droit de s’imaginer une ambiance mélancolique et gothique, un transposé therionesque de l’époque de Baudelaire et de ses écrits dans lesquels le fameux poète tentait d’y associer le beau et le mal, la violence et la volupté, le poète et son lecteur. D’ailleurs pour l’anecdote, ces poèmes eurent à subir une vive critique à leur sortie et certains furent même censurés. On pourrait presque y voir une analogie avec le refus de Nuclear Blast de produire cet album (si on avait l’esprit mal placé). Christopher se retrouve donc seul avec le groupe pour reprendre des titres de la culture française qui lui tiennent à cœur.

Il le confesse lui-même dans une interview de 2010 : « Et nous avons écouté pas mal de groupes progs ou symphoniques des années 70 comme Pink Floyd, Uriah Heep… et de façon surprenante, on n’en a encore jamais parlé, la musique Yé-Yé ! J’écoute beaucoup de vieilles chansons françaises très réussies […]Et je suis sûr que beaucoup de chansons de France Gall, comme “Poupée de son” par exemple, seraient vraiment faciles à reprendre et personne ne s’en rendrait compte à part les français. Sylvie Vartan aussi… pas tout bien sûr, il y a des chansons merdiques, mais quand on tombe sur la bonne… ». Il ajoute que les yé-yé ont toujours eu une influence sur sa musique, de manière plus ou moins forte.

Ces Fleurs du Mal étaient donc appelé à naître, et qui dit reprises de titres en français dit chant en français. Pour que cela soit crédible (et par souci de qualité constante de Christopher sur un album de Therion), Miss Lori Lewis a suivi des cours de français pendant un an (à la différence de Thomas Vikström qui avoue ne pas comprendre ce qu’il chante en français, décidément les filles sont toujours plus sérieuses que les garçons), et les chanteurs ont été coachés par une française, Audrey Dujardin (photographe de groupes, notamment allemands). Et cet effort de chant en français s’en ressent dans les chansons de cette galette. On est en effet bluffé à certains moments par la qualité de la prononciation et de l’élocution, comme sur la version solo féminine de "Poupée de Cire, Poupée the Son", "Une Fleur dans le Cœur", "La Maritza" ou bien encore sur "J’ai le Mal de Toi" (sur laquelle Thomas Vikström est surprenant et parvient à transmettre une émotion dans ce duo avec Lori Lewis).

 

 

J’ai parlé de qualité, c’est une quasi constante chez Therion, mais ici tous les arrangements ont l’air d’avoir été pensé pour la chanson qui est reprise. Je ne ferai pas de track by track, toutes ont leur subtilités propres et leur ambiance.

Impossible néanmoins de ne pas citer "Dis moi poupée" (reprise de Isabelle) et son ambiance très sombre et torturée au début avant de gagner en puissance sur la fin avec de puissants chœurs masculins. "Je n’ai besoin que de tendresse" (clip et single de l’album, reprise de Claire Dixon) avec son rythme ultra rapide, ses riffs lourds et la voix haut perché de Thomas sur les couplets (on aime ou pas) pour adopter un chant clair et profond sur le refrain : un titre rapide, net et efficace. Les deux versions de "Poupée de Cire" (reprise de France Gall) se valent, l’une avec Miss Lewis en solo qui nous prouve qu’elle maîtrise à merveille son organe, et l’autre avec le duo Lewis-Vikström, plus rapide, ayant des orchestrations plus prononcées, notamment au moment du pont symphonique. Les deux voix sont en osmose parfaite et les chœurs appuient élégamment l’ensemble.

La chanson "Initials BB" (de Serge Gainsbourg), chantée par Johanna Fakhri (danseuse de Therion sur les dates françaises et danseuse officielle d’Orphaned Land), mérite d’être citée puisqu’étant très convaincante en version métal (pour ne pas dire mieux, mais je vais me mettre à dos les pro-Gainsbourg).

Comme dit plus haut, je ne peux pas faire un listing exhaustif de toutes les chansons. Alors arrivé ici, on pourrait penser que c’est un album parfait de reprises… Oui, mais…

Certaines étaient dispensables et n’arrivent pas à la hauteur des autres, je pense notamment à "Lilith" (dont la chanson n’a pas l’air d’avoir d’auteur(e)), à "Sœur Angélique" (de Léo Marjane) ou "En Alabama" (Léonie). Ces chansons, bien qu’étant toujours bien chantées se révèlent plus faibles sur la longueur et pourraient vite se voir zapper par l’auditeur.

Du côté des protagonistes, on retrouve à peu près la même équipe que sur Sitra Ahra, avec en plus sur "Initials BB" Johanna Fakhri, et une apparition de Snowy Shaw, éternel allié de Therion… Jusqu’à maintenant du moins, car en effet l’envie du groupe de se poser quelques années pour créer leur opéra rock métal n’est pas du goût de Snowy qui préfère donc se consacrer à sa carrière solo (que nous suivrons de près) : ceci explique pourquoi il n’est pas de la tournée 2012.

 

 

Alors, comment pourrait-on qualifier cet album ?

Doit-on féliciter Christopher Johnsson pour son hommage à la musique française et à sa culture ? C’est vrai que beaucoup de titres gagnent à avoir été transposés à la musique métal et au style de Therion. Le groupe a réussi à capter l’essence de chaque chanson reprise et à l’accomoder ensuite avec le meilleur arrangement possible. Pour cela on peut dire : « Chapeau l’artiste ! ».

Ou au contraire, devrions-nous le fustiger de n’avoir pas fait beaucoup d’efforts de création, de trahir Therion et ses fans en faisant un simple album de reprises ? Chacun est libre de ses choix et décisions.

Pour ma part je me rangerai dans la première catégorie, car au-delà du fait que ce soit un album 100% covers, le travail fourni pour que l’ensemble sonne juste et original est énorme, et ce n’est pas à la portée du premier pèlerin venu (et aussi pour entendre Thomas Vikström sur la reprise des "Sucettes" à l’anis !). Nous en avions déjà eu un apperçu avec la reprise de "Summernight City" (d’ABBA), mais là Therion réussit avec maestria ces Fleurs du Mal. Un de mes coups de cœur de cette rentrée 2012, un brûlot de qualité qui saura, j’en suis sûr, trouver son public, même en France.

Ma note: un solide 8,5/10!

Nota 1 : Merci à Vyyuse pour certaines précisions glanées auprès du groupe à la sortie du concert le 1er octobre dernier.

Nota 2 : A la question : « Pourquoi Christopher a-t-il choisi des chansons si « underground » ? », ce dernier répond qu’il a choisi celles qui lui parlaient, qui lui plaisaient et qu’ils avaient envie de reprendre, notamment celles de Léonie dont il est fan.

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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