Aurel – Playground

"Un batteur en liberté"
 

On a du bol, et on ne s'en rend pas toujours bien compte !

En France, on a une bonne pelletée de musiciens d'exception, qui loin de passer leur temps à vouloir épater la galerie de manière nombriliste, semblent prendre un réel plaisir à jouer les uns avec les autres pour pousser leur folie musicale dans ses derniers retranchements, et qui le font dans le cadre de projets simples, sans tout le tralala égocentrique et pompeux de certaines stars US (pas de noms, on ne va pas se fâcher à l'amorce d'un instant d'intense plaisir !).

Aujourd'hui, dans cette optique, c'est Aurélien Ouzoulias (Satan Jokers, Mörglbl, Superfiz) qui déboule avec un opus solo répondant au nom de "Playground", qu'il a enregistré avec une brochette d'instrumentistes et de chanteurs de très très haut niveau.

Aurélien Ouzoulias, Aurel, Plyground

 

Soyons clair, ce disque ne plaira pas à tous ceux qui vivent bien heureux avec des œillères ou qui n'aiment que les albums mono style. Car ici, il va falloir accepter de faire des grands écarts, voire même des triples saltos avec vrille dans chaque tour pour suivre !

Pour épauler Aurel dans cette entreprise, un rapide tour d'horizon des forces en présence permet de constater qu'on retrouve du beau monde : Patrick Rondat, Christophe Godin (son partenaire dans Mörglbl) Symheris (T.A.N.K), Pascal Mulot ou encore Renaud Hantson (tous deux dans Satan Jokers). Et je ne vous parle là que des noms qui m'ont spontanément titillé les oreilles. Parce que les autres intervenants excellent tous, avec une mention spéciale pour Antoine "Bob" Rognon qui intervient sur quasiment tous les titres à la basse ou  au stick Chapman (vous voyez cet espèce de truc avec 12827 cordes et qui fait office de basse, de gratte, de claviers-percu-sèche-linge ! Ok j'en rajoute un peu !) et à Julien Vonarb, guitariste flamboyant sur trois morceaux (notamment le premier, mais on va y revenir).

Quand un instrumentiste se lance dans un projet solo, la crainte de voir arriver un disque "pour musiciens" se profile de suite, a fortiori quand il s'agit d'un batteur. "Playground" allait-il éviter l'écueil de la démonstration XXL, du solo à rallonge avec des morceaux prétextes à des exercices de style uniquement accessibles aux initiés ou aux amateurs d'ésotérisme musical ?

Je sens bien que vous trépignez d'impatience, alors je vais…faire durer le suspense (eh oui mes petits canards, ça se mérite la révélation ! Vous croyez quoi ? Qu'on peut gagner le Tour de France sans piqures dans les fesses ?) Stylistiquement parlant, Aurel a pris le parti… de ne pas en choisir ! Comprenez par-là que plutôt que de se limiter à un genre et d'étaler tout son savoir-faire (par exemple un trip Meshuggesque sur tous les morceaux), le disque part dans toutes les directions, tout en gardant une belle unité grâce à une prod puissante et moderne. Il a aussi le bon goût de nous offrir six titres chantés sur dix, ce qui ne fait qu'accroitre la diversité mais aussi l'intérêt de cet opus. D'autant plus que les trois vocalistes évoluent dans des registres variés, ce qui nous donne une galette qui passe allègrement du métal au jazz-rock, en passant par la fusion, le rock ou le prog et bien d'autres (comme tout bon feu d'artifice, le bouquet final est somptueux…et insolite).
Mais le temps passe (la caravane aussi d'ailleurs) et je ne vous ai toujours pas dit ce que je pensais de ce skeud. MAIS C'EST UNE TUERIE ! ! !

Aurélien Ouzoulias, Aurel, Playground

Pour faire simple avec cette musique qui ne l'est pas, les pièces instrumentales sont tout simplement ébouriffantes (parole de chauve !), à l'image de l'opener "Time For Change", une petite merveille de metal prog légère, où la basse et la batterie donnent le ton et offrent à la guitare un écrin que cette dernière ne manque pas de magnifier à grands coups d'interventions fluides. La partie aérienne de ce morceau est elle aussi splendide et un nom vient alors me tourner dans le crâne : Devin Townsend. Ca ma bonne dame, pour un début, c'est un excellent début !  Il y a aussi "Spain" sur laquelle Pascal Mulot y va de son petit solo (petit étant là pour donner une touche affective et nullement pour minimiser la performance) et où l'alternance entre les rythmes hispaniques, jazzy ou funk frise les neurones allègrement. "Life in a Water Drop" vous explosera aussi le subconscient. Il faut dire que mêler dans une même pièce un riff bien hard (qui fait penser à celui de la B.O de "Captain Biceps" pour les férus de dessins animés), des sonorités semblant sortir de Sonic, un passage qui pourrait avoir sa place chez Pink Floyd et du rock version Toto (le groupe, pas le gamin un peu neuneu), il y a de quoi y perdre ses repères !

De leur côté, les chansons, sont de franches réussites. J'ai pour ma part, un gros faible pour "No Regret" sur laquelle Max Andrews nous sort des intonations assez proches d'un Steve Hogart (Marillion) énervé et pour le très metal prog "In the Dead of Night" sur lequel Renaud Hantson se montre à son avantage, avec une mélodie imparable, un riff très Lukatherien et un solo de mister Godin très…godinien (pour les néophytes, cela veut dire à la fois monstrueux techniquement et catchy). "Compromise" offre une facette infiniment plus violente, avec Symheris à la gratte qui débite plus de steaks à la minute qu'un boucher sous ecstasy dans un film de Tarantino ! Un titre ultra rentre dedans qui fait entrer la double pédale en fusion et qui justifie à lui seul la présence de cette chronique dans la partie "Metal" de cet auguste site.

Evidemment, vous allez me dire, et vous aurez raison, et Aurel dans tout ça ? C'est quand même son disque ! Pour tous ceux qui connaissent déjà le garçon, je dirai juste qu'il est comme d'habitude. A l'aise dans tous les domaines, avec un jeu varié, inventif, toujours juste (énorme dans la violence comme très fin dans les passages calmes). C'est un vrai bonheur d'entendre un gars jouer comme cela (surtout lorsque comme moi, vous n'êtes pas apprenti batteur besogneux, suant comme un bœuf dès qu'il s'agit de mettre un petit break au milieu d'un morceau en 4/4 !)

Aurel, Aurélien Ouzoulias, Playground

Mais je vous avais promis un peu plus haut un bouquet final (ne me dites pas que vous avez déjà oublié ! Waouh, Alzheimer frappe de plus en plus tôt !), le voici (ne me remerciez pas, c'est Aurel qui régale !). En guise de dernier morceau, la plage numéro 10 s'intitule "Pour un Flirt". Mon esprit cartésien m'interdit instantanément de penser qu'il s'agit de la bluette de Michel Delpech (chanteur à succès et à cheveux longs puis moustache des 70's, la décennie du col "pelle à tarte"). Pourtant, dès les premières secondes, stupéfaction, c'est bien cette chanson qui clôt l'opus, interprétée par Ivan Pavlakovic ! Une version d'une fidélité absolue pendant 14 secondes ! Là, une première variation à la batterie donne le ton de ce que vont être les trois minutes trente qui suivent. Accrochez vos ceintures, car cette douce mélodie va être le support d'un numéro de haute voltige puisqu'elle va subir des traitements aussi divers que rock, reggae, rockabilly, death metal, zouk, pop, grind, crooner, heavy j'en passe et des meilleurs. Il n'y a pas de mots pour décrire un truc pareil et surtout l'incroyable maîtrise qui s'en dégage ! Personnellement, je n'avais jamais rien entendu de tel et je n'ose imaginer ce que pourrait donner la transposition scénique de cette monstruosité !

Encore une fois, cet album montre que lorsqu'un musicien de talent, va au bout de ses envies sans contraintes commerciales, sans autre but que de se faire plaisir, il produit alors une musique qui peut toucher le plus grand nombre. Cet album m'a retourné le cerveau aussi sûrement que mémé Raymonde le pyjama en fourrure lorsqu'elle dépiautait Jeannot Lapin en tirant un coup sec sur l'encolure de la pauvre bête ! Vous savez quoi ? J'adorais ça, et j'aime toujours autant !

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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