Killers – 10:10


Avant de vous parler du dernier opus de Killers, il faut que je vous parle de moi. Non pas que ma modeste personne soit plus importante que la bande à Bruno Dolhéguy, mais que voulez-vous, écrire pour La Grosse Radio Metal, c'est un peu ma psychanalyse à moi, le chèque en fin de séance en moins !

En fait, il me faut avouer que ma relation avec Killers, est un peu chaotique, voire même carrément étrange. Oui j'avoue, à la sortie du premier album "Fils de la haine" en 1985, j'ai ri…et pas qu'un peu ! Le son et le mixage de ce disque me semblaient juste surnaturels et le chant était…comment dire sans être vexant ? … Original, particulier, étrange, différent. Bon bref, lorsque je voulais expliquer à des potes que, non, je n'aimais pas absolument tout dans le monde du hard, c'est ce disque-là qui mangeait, systématiquement. Ensuite, album après album, j'ai suivi la carrière du groupe de loin, admettant volontiers une évolution positive, mais sans jamais réellement accrocher plus que ça. Pour Killers j'avais un vrai respect face à autant de ténacité, d'abnégation, mais pas de vrai coup de cœur (à chaque fois un ou deux titres me plaisaient, mais pas plus). Et puis en janvier 2008, le groupe est venu, a vu et a vaincu au Paris Metal France Festival 2 ! Une véritable branlée et pour moi, une découverte ! Celle d'un groupe d'une sincérité hors norme, d'une proximité énorme avec son public, quatre gars qui ne trichent pas, qui donnent tout ce qu'ils ont et qui assènent une musique carrée, directe et finalement bien moins bourrine que je ne le pensais (il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis me dis-je alors en me surprenant à gueuler à plein poumons certains refrains).

Du coup, j'avais déjà été bien plus réceptif à l'opus de 2007 "A l'ombre des vautours", appréciant ce son tranchant, incisif, loin des prod énormes actuelles où la profondeur du son se fait au dépend d'une réelle puissance de feu et sert surtout à masquer la vacuité du propos. Chez Killers, enregistrement maison, ça veut dire "pas de fioriture, tout pour l'efficacité, un pain dans la tronche, sans gant et sans lettre d'excuses" !

 

Killers, 10, Dolhéguy, Andrieu, Morts, Dieu, 2012

En 2012, Killers revient pour écrire une nouvelle page de son histoire et autant le dire franco : peut-être la plus belle ! Car là où bon nombre de combos se perdent en expérimentations et en tentatives hasardeuses pour tenter de renouveler leur inspiration, Killers continue sur la même voie, mais avec une efficacité, une cohérence et un niveau d'excellence rarement vu chez ce groupe.
C'est simple, ce "10:10" fera forcément l'unanimité chez les fans tant il est dans la droite ligne des opus précédents, mais il pourrait bien aussi séduire le quidam à la recherche d'une musique exutoire à une colère que l'actualité alimente chaque jour. Toujours offensif avec des riffs thrash, un son à découper les rênes à mains nus, Bruno Dolhéguy et sa bande ont mis tous les voyants dans le rouge pour affoler le compteur et satisfaire l'auditoire.

Dès le premier morceau, tous les éléments sont là, pour vous rappeler pourquoi vous aimé (ou vous allez aimer) ce groupe : intro un poil grandiloquente avec des grattes qui s'annoncent souveraines, puis un riff "in your face" et c'est parti pour une cavalcade rythmique effrénée pour soutenir Bruno dans une diatribe dont le thème est facile à deviner si je vous dis que cette chanson s'intitule "Nom de Dieu" ! Tout fonctionne, le texte, le refrain, le solo, l'ambiance ultra agressive (pas sûr que ce soit le bon moment pour aller taquiner Bruno sur les bienfaits de l'Eglise) et puis ces licks de six-cordes qui déboulent de partout (avec un clin d'œil à "L'hymne à la joie").

On est en terrain de connaissance et tous les morceaux du disque seront dans la même veine. Attention, cela ne veut pas dire que tout se ressemble et que l'ennui guette. Loin de là, simplement, Killers réussi là à nous sortir à chaque fois la mélodie qui accroche, le break qui vient soulager, l'intro toute douce qui fait le parfait contrepoint avec la pesanteur du riff suivant etc.

 

Killers, 10, Dolhéguy, Andrieu, morts, Dieu, 2012

Bien que l'ambiance soit souvent ouvertement tournée vers les 80's, a aucun moment cela ne sonne ringard ni même désuet. Au contraire, derrière la fausse naïveté de textes très directs, on ressent une profonde humanité, une vraie chaleur, même lorsqu'elle exprime des sentiments désabusés ou carrément de la colère. Un regard froid, parfois lassé, souvent révolté mais toujours sincère, à des années lumières de tous ces groupes à mèches qui tentent de nous vendre leur mal être en carton-pâte, leur désespoir ou leur rage marketing (parce qu'il faut bien le dire, il est plus facile de vendre de la dépression factice pour ados "trop dèg parce qu'ils ne peuvent pas s'acheter les news baskets ultra hype qui déchirent avec mon slim de la mort", que d'exposer ce qui vous retourne vraiment les tripes lorsque la vie s'est chargée au fil des années de vous faire comprendre, parfois très durement, quels sont les sujets qui méritent vraiment des emportements publiques)

La simple lecture des titres des chansons suffit à comprendre que la machine à expulser ses indignations fonctionne à plein régime. De la glorification des défunts dont on se sert pour justifier ses propres positions ("Au Nom des Morts") à la guerre en passant par les bobards de ceux qui se la racontent un peu trop, tout y passe, y compris un joli doigt adressé à nos glorieux footeux et à leurs absence totale de sens éthique (avec un petit extrait savoureux du commentaire d'un match qui ravivera une blessure irlandaise…). Mais si le tableau est sombre, très sombre même au niveau des textes, côté musique, Killers a rarement autant maîtrisé sont sujet et varier son propos pour rendre l'ensemble parfaitement assimilable. Moins de titres mais chacun ciselé jusque dans les moindres détails. Thierry Andrieu, étincelant,  est mis à contribution constamment pour enjoliver chaque brûlot d'interventions mélodiques. De même le son de la rythmique est exactement ce que l'on peut attendre : une basse bien ronde et une batterie présente mais sans agresser les oreilles (caisse claire profonde et cymbales assez en retrait). Au chant, Bruno sait  exactement ce qu'il peut et ne peut pas faire. Il tire le maximum de sa voix, sans jamais s'aventurer sur un terrain qu'il ne maîtrise pas. De la hargne, un chant clair tout à fait correct et aussi la capacité de ne pas tout le temps être présent de manière à laisser la place à des parties instrumentales sur lesquels le quatuor se fait plaisir avec des envolées old school comme on les aime.

 

Killers, Dolhéguy, Andrieu, 10 morts, Dieu, 2012

Au milieu de cette superbe collection de petites perles, on citera volontiers "Manipulés" qui du haut de ses 7 minutes 45 se permet de faire cohabiter un démarrage très lent et un emballage final bien violent tout en incluant une partie que ne renierait pas Iron Maiden si ce groupe déniait encore appuyer sur l'accélérateur par moment.

Après quasiment trente ans d'existence, Killers nous sert, à mon sens, son album le plus abouti, le plus accessible et ce, sans avoir mis la moindre goutte d'eau dans son vin. Peut-être simplement parce qu'en mettant en avant son aspect le plus authentiquement humain, il vient faire écho à une réalité que chacun peut appréhender au quotidien, tout en enrobant le tout dans un heavy thrash remarquablement construit. Vous en connaissez beaucoup vous, des groupes qui peuvent en dire autant ?

Comme d'habitude, vous pouvez commander le disque directement sur le site du groupe pour la modique somme de 10€ (frais de port inclus)
 

close

Ne perdez pas un instant

Soyez le premier à être au courant des actus de La Grosse Radio

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...