Luca Turilli – Prophet of the Last Eclipse (2002)

Le 11 novembre de cette année, Prophet of the Last Eclipse fêtera ses dix ans. A quelques jours de la sortie du premier Luca Turilli's Rhapsody (Kekecé ? Je vous renvoie aux différentes news concernant ce "friendly split" entre Luca et Alex Staropoli pour une réponse détaillée), il semblait opportun de vous parler d'un album potentiellement révolutionnaire dans le petit monde du power metal. Quelque chose de grand, de futuriste, de visionnaire, de majestueux, de timbré aussi, qui encore à ce jour semble avoir du mal à trouver son successeur.

Oui, ce second opus studio de Luca Turilli en solo est en effet unique. Qui pouvait s'attendre à telle chose à l'époque ? Beaucoup, désarçonnés, rejetèrent cette oeuvre en bloc. D'autres, occultant un bon nombre de détails et délaissant la phantasmagorie quasi magique enrobant cette galette, ne trouvèrent à dire que Rhapsody restait bien meilleur et que le prédécesseur King of the Nordic Twilight fut bien plus réussi en se perdant dans diverses comparaisons forcées. Ah... cependant l'erreur est là, comparer ce CD avec Rhapsody sous prétexte que Luca en est, comme c'est le cas dans ce groupe légendaire du heroic fantasy metal, le (seul) compositeur principal et qu'il distille ses bases de compositions avec une signature propre, reviendrait à renier l'essence même de ce projet. Luca le voulait, pour s'affranchir de sa saga et de son travail devenu (déjà à l'époque) harassant bien que (toujours, à l'époque) passionnant. Afin d'explorer des univers différents, des influences plus poussées, d'oser pleinement ses ambitions.

King of the Nordic Twilight apparaîtrait presque fade à côté, même si cet album paru trois années auparavant s'avère profondément réussi et déjà avec cette touche personnelle un poil différente. Cependant, les compositions et surtout les thématiques se rapprochaient encore un poil trop de ce que le guitariste italien pouvait proposer avec son combo principal, en ce sens le splendide "Black Dragon" en était quelque peu le représentant fort : grandiose certes, pour une des meilleures chansons power fin années 90, mais trop ratachée à l'actualité d'une carrière déjà bien avancée et ancrée dans une légende en cours de construction (juste après le magique doublé Symphony of Enchanted Lands/Dawn of Victory qui confirmait les grands espoirs placés dans Legendary Tales, forcément il ne pouvait en être autrement). Non, seule la chanson titre (ou presque, puisqu'ici le "King" prend un "s" en plus) s'avère au final profondément inoubliable pour un CD où Luca nous présentait celui qui resterait son chanteur solo le temps de trois albums : l'allemand Olaf Hayer.

Luca Turilli vs. Olaf Hayer

Luca Turilli (gauche) et Olaf Hayer (droite) au... naturel !

Difficile pour Olaf de se faire comparer au Dieu Fabio Lione à tour de bras, et pourtant il n'y échappera pas. Jamais. Inlassablement. Que les deux aient une voix typées pour la musique du virtuose italien ne fait aucun doute, ils ne sont cependant pas dans la même catégorie. Peu importe si Fabio a plus de capacités ou non, le débat n'est même pas là, Olaf représentait tout simplement une approche différente du chant metal plus typée Michael Kiske si on veut à tout prix comparer avec ce qui est comparable, mais avec un timbre potentiellement plus sombre et des aigus certainement moins primés. Du moins sur le premier effort, car l'effet magique de Prophet of the Last Eclipse agira également sur son vocaliste : transcendé pour probablement sa meilleure performance jamais réalisée derrière le micro. Et pourtant il en a vu du paysage le père Hayer, de ses débuts avec Treasure Seeker ou Chryztyne, en passant par ses trois albums avec Dionysus ou plus récemment ses participations avec Symphonity, sur le projet Aina (de Sascha Paeth et Amanda Somerville) et son inrégration au groupe belge Magic Kingdom. Autant que cela puisse paraitre, ce n'est que sur ce second album qu'Olaf donnera une performance 100% irréprochable dans son parcours avec Luca Turilli, un poil mal à l'aise sur le premier opus et quelque peu fatigué sur The Infinite Wonders of Creation, trosième effort solitaire paru en 2006, l'une des plus grandes déceptions issue de la carrière du compositeur transalpin tant l'inspiration semblait moindre et même pauvre comparée à Prophet, d'autant plus que Olaf (un peu malade à l'époque des enregistrements) se voit remplacé la moitié du temps par la chanteuse Bridget Fogle certes impressionnante de puissance mais bien souvent criarde et agaçante. Cette même Bridget qu'on retrouve en choeurs sur les Rhapsody et les deux autres travaux solitaires, sur le Luca Turilli's Dreamquest en lead affublée d'un pseudo censé masquer son identité, et même sur le nouvel album à venir du "dissident mais pas tant que cela" Rhapsody. Point de Bridget en lead sur cette grandiosité musicale, que du Hayer en voix principale avec une multitude de choeurs tous aussi finement travaillés les uns que les autres, il n'y a finalement que sur l'envoûtante et mystique "Zaephir Skies' Theme" qu'on ne l'y retrouvera point, puisqu'ici l'américaine Amanda Somerville prête son joli brin de voix pour s'exprimer telle une sirène sur une composition parfaite qui aurait très bien pu se trouver sur la bande son d'un film futuriste post-acopalyptique (moi-même me suis-je pris à rêver de la retrouver dans ce rôle sur l'éventuelle future adaptation cinématographique fantasmée d'un roman que je commençais à écrire à l'époque, ah les anecdotes...). Olaf au top donc, servi sur un plateau du début à la fin, excellent sur le plan du rythme et ruisselant d'une émotion très personnelle qui donne un atout supplémentaire à des musiques déjà sublimées par leur excellence - j'en veux pour preuve la tonitruante ballade "Timeless Oceans", suspendue au vol, un écrin de beauté aérienne avec cette touche de mystère profond sur laquelle l'allemand expose toute sa palette avec une facilité hallucinante. A croire que cet opus était fait pour lui à l'instant parfait, un alignement des astres du début à la fin qui allait consacrer Prophet of the Last Eclipse au firmament.

Comment débuter son analyse musicale et thématique sans se perdre dans divers filons tous aussi liés les uns que les autres ? Car Luca a réussi l'exploit de ficeler un album complexe aux influences diverses afin d'en créer une tonalité unique, un son inexistant jusque là, et qui même aujourd'hui encore semble en avance sur son temps. La production de Sascha Paeth, assisté de l'arrangeur orchestral Miro Rodenberg (qui était listé à l'époque comme claviériste du groupe mais qui, on se doute bien, a laissé les clefs à un Luca tout aussi doué en tant que pianiste/chef d'orchestre que guitariste), frappe un grand coup tant chaque instrument est particulièrement mis en avant à sa manière. Sascha tient d'ailleurs la basse sur cet ovni, rappelant autour de lui qu'il s'agit également (et avant tout) d'un musicien hors pair qui n'a peut-être pas eu la carrière qu'il aurait mérité à ce niveau (avec le groupe Heavens Gate notamment où il jouait de la guitare, comme il le fera des années plus tard sur Avantasia). Et puisqu'on parle de cette formation allemande oubliée qui a sorti cinq albums entre 1989 et 1999, signalons la présence à la batterie du multi-instrumentiste Robert Hunecke-Rizzo (peut-être que ce fut lui le fameux batteur inconnu nommé Thunderforce sur le Power of the Dragonflame de Rhapsody sorti huit mois auparavant ? Si ce n'est lui, c'est Alex Holzwarth de toute façon...), bassiste d'origine, et qui offre à Luca une frappe tonitruante et technique à souhait. Peut-être que sur ce point, objectivement parlant, l'oeuvre majeure de Luca en solo surpasse allègrement Rhapsody (qui a eu bien du mal à faire "vivre" sa batterie dans sa carrière). De la finesse rythmique à la mode teutonne qui colle parfaitement avec ces effusions chaloupées et limites groovy de quelques passages ochestraux baroques, ou l'âme même d'un disque absolument riche de diversité.

Speed electro cosmic symphonic power metal, je me souviens à l'époque comme je m'amusais à baptiser le style de cet album. Avec le recul, chaque terme prend son sens et se voit magnifier de piste en piste. Tout démarre en trombe après une introduction des plus mécaniques et transcendantales, le ton est donné vers une touche électronique ultra surprenante qui nous éloigne allègrement d'un Alex Staropoli bien plus classique et old school dans ses orchestrations. On peut imaginer le choc qu'ont reçu les fans de Rhapsody à l'époque, et même ceux qui avaient apprécié King of the Nordic Twilight (il n'y avait guère que l'ambitieuse "Lord of the Winter Snow" qui offrait cette tonalité synthétique assez froide, sans l'aboutissement au rendez-vous) se sentaient quelque peu perdus en quelques notes. "Aenigma" portait donc bien son nom... énigmatique jusqu'au premier blast "in your face", lançant les hostilités après une chorale baroque audacieuse : "War of the Universe" ou le morceau le plus "direct/simpliste/up-lifting" de l'album. Un vrai opening track en somme, celui qui sera le moins détesté (voire même sera-t-il adoré) des fans les plus classiques de la musique Turillienne, peut-être aux côtés d'un "Demonheart" présenté quelques semaines auparavant dans un EP introductif où on peut entendre Olaf s'essayer sur du Helloween ("I'm Alive", pour peut-être la meilleure cover des citrouilles à ce jour ?). Pour en revenir à ce morceau que nous mettons donc volontiers en parallèle avec le single pré-cité, on entre grâce à lui dans une autre dimension. Et pourtant, au final, ces deux chansons sont très loin d'offrir la plus grande "surprise" à nos oreilles, elles brillent d'ailleurs plus par leur sens de la mélodie autour d'une structure des plus classiques (sulfureux et savoureux choeurs en latin sur le coeur du démon, les "confutatis maledictis" résonneront longtemps dans vos têtes) que part une folie profonde. Même si, même si... quand même quoi ! Le "meilleur" reste à venir, de quoi être décoiffé par une tornade sans fin.

"Rider of the Astral Fire", rien que le titre donne le ton. L'introduction de ce morceau est gargantuesque, lancée en plusieurs temps et toute en progression vers une explosion speedesque absolument implacable. Et lorsque la basse vrombit en groove rapide sur un synthé piquant après 55 secondes de bonheur, c'est la folie chantée qui commence, avec un rythme des plus endiablés où on vibre au son du manche à Sascha jusqu'à un refrain irrespirable (même si je lui découvrais plus tard une étrange ressemblance avec celui du morceau "Unknown Soldier" de Veto, groupe allemand de speed oublié de la fin des années 80... je vous laisserai comparer vous-même : refrain morceau original à 1:05 vs. refrain de ce Rider à 2:00). Mais que se passe-t-il ? Votre serviteur a bien dû se mettre en boucle cette piste à plus d'une reprise, le côté addictif étant ressenti comme rarement - et ce encore plus de neuf ans après. De la LSD en musique ? Mais parfaitement inoffensive. Tout ceci relançant le mythe d'un Luca Turilli quelque peu perché avec ses dragons en mode "drogué non assumé"... sauf que là, on va bien plus loin, et cette fois-ci musicalement ! Quid de ce break qui part en chant grégorien avant d'enchainer une série de "lalalalala" en choeurs qui nous plonge tout droit dans l'univers de Tim Burton et d'un Danny Elfman des grands jours ? Et encore on ne parle pas des paroles...

Parlons-en tiens, des textes, puisqu'on on aborde le sujet. Pas de délire moyen-âgeux à la Seigneur des Anneaux, non, et c'est une grande première à l'époque pour le musicien. Non pas le début d'une autre saga non mais une histoire complète narrée dans un ordre plus ou moins chronologique. Ce Prophet of the Last Eclipse est donc un album conceptuel, racontant la destruction de la planète Zaephyr, monde imaginaire ancré dans le futur. Pour mieux cerner l'histoire, je vous laisse en compagnie de Luca qui avoue avoir été fortement influencé par un film de science fiction pour articuler son histoire :

"J'étais très inspiré par le film Event Horizon de Paul Anderson qui raconte l'histoire d'un vaisseau qui a disparu dans un trou noir et qui revient plusieurs années plus tard sans personne à bord. Des exploreurs y découvrent alors des messages, d'étranges langages, des visions d'horreur et de sang. C'est ce concept fantastique qui m'a donné l'envie de parler de quelque chose se trouvant dans ce type d'ambiance, dans cet univers cosmique." (Hardrock80.com, 2006)

The Dark Comet Saga est ainsi née. Tout part donc de ce vaisseau, le Dark Comet, s'écrasant sur Zaephyr avec pour seule survivante une jeune femme, visiblement amnésique, et que les anciens prénomment Sania. Là, un jeune homme, Arkan (le héros de l'histoire), tombe amoureux d'elle au moment où une éclipse obscurcit le soleil indéfiniment... le début de la fin, comme le disait la prophétie, cet évènement ayant été annoncé dans l'ancien livre des étoiles. C'est beau n'est-ce pas ? Certes c'est très... très science-fiction, oui, mais tout de même... On ne vous révèlera pas la fin dans ces quelques lignes pour les quelques curieux qui voudront découvrir tout ça après achat de l'album. Amusant de constater qu'un "prequel" de cette aventure figure en bonus track, la chanson "Dark Comet's Reign" racontant l'arrivée fracassante du vaisseau sur Zaephyr - là où tout a commencé. Or voilà, Luca nous promettait à l'époque une suite, qui jamais ne vint et ne viendra certainement jamais... Dommage, seul petit bémol avec le recul d'une oeuvre surpuissante qui restera à jamais inachevée.

Luca Turill double CD

Surpuissante, c'est le mot. Outre "Rider of the Astral Fire", une autre piste décoiffe un peu plus loin mémé et ses bigoudis, un parallèle intéressant avec cette dernière ("Rider...", pas mémé !!) dans sa structure et ses mimiques très Danny Elfman dans le break avant le solo - peut-être est-ce même encore plus flagrant ici. "Prince of the Starlight" offre un grand voyage intersidéral à la façon final du film 2001, Odyssée de l'Espace (les cinéphiles comprendront). Le contraste est saisissant entre ce démarrage subtilement amené par des choeurs résonnant comme dans une église et cette accélération soudaine nous menant à des mélodies vocales quelque peu étranges de prime abord mais assez exquises de part leur contre-pied mélodique saisissant. Il n'y a certes rien de "progressif" dans le sens premier du terme, d'autant plus que le transalpin n'oublie pas - comme précisé tantôt - ses bases mais aussi références/influences (à noter par exemple un hommage à Mozart, un de ses compositeurs phares, le temps de quelques paroles en latin à base de "rex tremendae majestatis" avant le dernier refrain), pourtant on est en droit d'hésiter quant à la qualification stylistique d'un tel morceau berçant classicisme Lucaïen et innovations débordantes.

Le "pire" reste à souligner à ce niveau, en deux phases bien disctinctes. "The Age of Mystic Ice" tout d'abord, qui porte bien son nom. La chanson qu'on adore détester à la première écoute, car on ne la comprend pas, on ne peut saisir directement son sens lorsqu'on est fan de Rhapsody. Il faut du temps tant elle est désarçonnante, cryptée d'effets électro qui rendent vos oreilles rigides à la lecture d'un rythme bien trop saccadé et totalement improbable lorsqu'on (croit) connait(re) l'ami Luca. En fait le "progressif" est presque là, il n'y a rien d'évident sur ce thème musical proposé par le maestro, même si soudainement le refrain vous revient en plein dans la figure en mode conventionnel comme si de rien n'était (avec même ces "tatatsoin" aux claviers qui font les noblesses d'un style synthétisé par les années 90). Ce sont ces effets donc qui confèrent à ce morceau une identité très singuliaire, jusqu'à ce break magnétique surnommé par votre serviteur "break K2000" pour sa vague ressemblance avec le générique de la série du même nom (avouez il faut avoir l'esprit un poil tordu tout de même, cela nous permet au moins au passage de rendre un hommage à David Hasselhoff - s'il est assez sobre pour nous lire). Seul défaut d'un morceau presque parfait : la relative pauvreté d'un solo qu'on ressent quelque peu binaire et proche de celui de "Demonheart" ou de "New Century's Tarantella". Habile transition, puisqu'il est justement temps de causer de cette tarantelle du nouveau siècle... et là on y tombe le nez en plein dedans, c'est l'OVNI de l'album qui en est lui-même déjà un. Imaginez alors à quoi ressemble ce morceau... Placé avant la grandiose conclusion sur laquelle nous disserterons juste après, il s'inscrit dans un "epic folk tango musette speed metal" qu'un certain André Verchura (et ses Black Darons) aurait adoré. Le roi du bal metal n'aurait même pas eu besoin de retravailler le solo du morceau tant le bandonéon y prend ses aises. Comme si cela ne suffisait pas, ce tube démarre sur une énormissime intro à la flûte de pan (probablement jouée au synthé cependant mais on s'y croirait) reprise ensuite avec un ajout de riffs guitares bien trempés. Quel bonheur ! De la polka cosmique, du tango symphonique, du metal habité par un esprit détraqué, celui d'un Luca qui nous avoue presque le temps de quelques paroles les produits qu'il a potentiellement consommé en amont d'une composition pas piquée des hânnetons : "They woke up again thanks to secret and unknown old cures based on magic plants... Oh what wonderful creatures, only a few could see them [...] drinking the brew of wild herbs, the special ones growing only on those hills [...]" ... étonnant non ?

Luca Turilli - the band

Un vrai gourou ce Luca...

Ce grand art n'est pourtant qu'un interlude festif aux yeux de ce qui nous attend en grand final. Le morceau éponyme, l'apocalypse patentée d'une galette qui nous a déjà achevé. Et pourtant... ce dernier titre culminant presque à 12 minutes va réussir l'exploit de nous ressusciter avant de nous anéantir à niveau. Le démarrage est impitoyable, quelques airs mystiques en latin s'envolent au vent et nous sommes partis pour une sorte de trip grégorien baroque new age électro explosivo-speed qui percute nos neurones entre eux avant de créer une sorte de big bang déluré au sein même de notre cerveau. Après tout, le fan de base se fait ici, veuillez nous pardonner l'expression triviale, violer par tous les pores de son corps, d'autant plus qu'il attaque encore plus surpris que "nous" l'écoute d'une piste qu'il a déjà découverte sur l'EP précédent - mais en version edit ! Bref sans tout le bordel ambiant et déroutant rajouté par un italien des plus malicieux. Mais quel bordel ! Du bazar comme ça on en redemande. Alors pour les besoins du concept, à refermer en beauté, ce "Prophet of the Last Eclipse" s'étale un poil trop selon l'humeur dans laquelle on se le place entre les oreilles (la reprise du thème principal vers la neuvième minute peut paraitre redondante à la longue), mais force est de constater que Luca nous a eu et nous aura jusqu'au bout. C'est d'ailleurs en son sein qu'on découvre que le compositeur est également un pianiste de grand talent (son instrument de prédilection bien avant la guitare, il faut le savoir), peu avant l'intervention d'une Bridget Fogle en mode "va falloir s'habituer à moi désormais car sur le prochain album vous n'entendrez presque plus que moi". Le point final de cette ultime joute sera en mode "plus taré que ça tu meurs", un peu comme si Brigitte Fontaine avait copulé avec Armande Altaï dans un film de Jean-Pierre Coffe, une destructuration totale en mode free jazz space où un orchestre accorde ses violons le temps d'une apocalypse décapante. "Requiem aeternam dona eis Domine: et lux perpetua luceat eis" ... ou même "gloria perpetua" pour Luca ?

Un mot sur la pochette ? Elle résume bien à elle seule la folie du projet (et sans dragon s'il vous plait !!). Il serait étonnant de savoir ce qui a pu passer par la tête du signore Turilli lorsqu'il a imaginé cela, et encore vous n'avez peut-être pas le booklet sous les yeux - notamment celui de la version digipack où les codes les plus clichés du monde SF fantasy futuriste/mystique sont respectés, avec un étonnant sérieux apparant. Priceless. En parlant de cette édition limitée sur laquelle figure donc "Dark Comet's Reign" comme il a été mentionné plus tôt, on y retrouve également une surprise de taille car la version single de "Demonheart" y est interprétée par un certain André Matos (ex-Angra et alors au top de sa carrière avec le Sha(a)man des frères Mariutti qui sortit la même année le remarquable Ritual dont on reparlera peut-être un jour). Un Dédé qui pose sa voix comme si de rien n'était et qui se permet de changer quelques mélodies à sa guise à quelques rares moments, tranquille. De là à imaginer ce qu'aurait pu être ce Prophet of the Last Eclipse avec le brésilien au chant... non, il ne vaut mieux même pas. Pour les colectionneurs compulsifs, une version vinyle existe avec deux autres morceaux plutôt dispensables : l'instru guitare "Caprice in A Minor" (aux bons souvenirs d'un "Trolls in the Dark" d'antan) et la folk ambiante "Autumn's Last Whisper" sur laquelle s'égosille quelque peu l'islandaise Rannveig Sif Sigurdardottir (qui avait déjà un poil massacré "Princess Aurora" sur le précédent album, mais bon ce n'est qu'une question de goût peut-être et je n'ai pas envie non plus de me faire taper par ses fans donc je vais cesser là mes allusions), qui ne semble pas forcément à l'aise notamment niveau respiration malgré un timbre de voix assez agréable (voyez comme je me rattrape bien aux branches - cf. la parenthèse précédente).

Vous l'avez compris, il s'agit presque plus ici d'un témoignage personnel qu'une chronique froidement objective (presque normal au fond pour un "Flashback"). Mais il est de ces albums qui vous marquent plus que d'autres, pour des raisons bien précises, et lorsque celles-ci inhèrent uniquement à la musique on peut alors parler de chef d'oeuvre. Prophet of the Last Eclipse est ainsi en ce qui me concerne le meilleur album metal dit "mélodique" (vaste classification) des années 2001-2010, coiffant aux passages des disques plus ou moins connus tels que (sans ordre particulier) Power of the Dragonflame de Rhapsody (quelle année pour Luca, quand même !), Temple of Shadows des brésiliens Angra, Mandrake de Tobias Sammet et son Edguy (avec The Metal Opera, Part 1 d'Avantasia pas loin), le sus-nommé Ritual de Shaman, Victory Songs d'Ensiferum, 01011001 du Ayreon d'Arjen Anthony Lucassen, le splendide Tarot des espagnols de Dark Moor, le savoureux Skyforger d'Amorphis, le surprenant Journey of Souls de Keldian ou encore le "sorti de nulle part" Into the Enchanted Chamber de Timeless Miracle. Mais donc au-dessus de ceux-ci. Avant qu'un Victim of the Modern Age de Star One ne vienne enfin le titiller à une proche deuxième place il y a deux ans à peine. En allant plus loin, il serait en très forte concurrence avec Nightfall in Middle-Earth (Blind Guardian, 1998), Visions (Stratovarius), Holy Land (Angra) et les Keeper of the Seven Keys I et II (Helloween) dans la catégorie "best power metal albums ever made", mais là on s'éloigne un peu du sujet principal... Je crois de toute façon en avoir trop dit (ou pas assez ?).

  

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