Hansi Kürsch, chanteur de Blind Guardian

"C'est la fin d'une ère pour Blind Guardian"
 

Membre fondateur et frontman de Blind Guardian, Hansi Kürsch fait partie de ces chanteurs à la signature vocale immédiatement reconnaissable. A l'occasion de la sortie imminente de Beyond the Red Mirror (le 30 janvier), il a expliqué en détail le concept derrière ainsi que le processus créatif, sans oublier le projet orchestral du groupe, qui est déjà fort bien avancé, sans oublier de parler de ses influences.

Bonsoir Hansi et merci de nous accorder cette interview. Nous sommes ici pour Beyond the Red Mirror, 10e album de Blind Guardian. Vois-tu ce disque comme une nouvelle étape pour le groupe ?

C'est l'étape finale avant notre album orchestral. J'ai l'impression, pour l'instant, ça changera peut-être avec le prochain album, que c'est la fin d'une ère pour Blind Guardian, de la même manière que Nightfall in Middle-Earth (1998) était la fin de l'ère précédente. Ici, nous avons beaucoup de liens avec le passé du groupe et nous avons aussi des prévisions sur ce qui arrive, avec les éléments orchestraux. On définit avec Beyond the Red Mirror ce qu'on a fait lors de ces 10-15 dernières années, en rendant justice également à A Night at the Opera (2002) et Twist in the Myth (2006). Du coup, je le vois comme une pierre angulaire pour cette ère.

Beyond the Red Mirror est un album concept qui fait suite à une histoire décrite dans certaines chansons d'Imaginations from the Other Side (1995). Peux-tu nous en dire plus ?

Imaginations from the Other Side n'est pas un album concept mais il y a des idées qui sont liées, notamment dans "Bright Eyes" et "And the Story Ends", qui racontent déjà une histoire, celle d'un garçon qui vit dans un monde qui n'est pas le sien, mais il est le lien entre deux mondes et est censé être l'élu dans l'autre monde, celui dans lequel il ne vit pas. A la fin d'"And the Story Ends", le garçon se tient devant un miroir qui est le portail entre ces deux mondes, prêt à faire le grand saut. On laisse l'auditeur avec cette image à la fin. Je suis revenu à cette histoire et ai décidé d'en faire une suite un peu dérangeante. Du coup,  le garçon n'a pas fait ce fameux saut et continue de vivre sa vie dans ce monde qui n'est pas le sien. Cette décision a des conséquences sur les deux mondes, qui ne sont pas les meilleures. C'est le point de départ de Beyond the Red Mirror. Ces deux mondes et leurs changements néfastes sont décrits dans les chansons. 20 ans ont passé depuis "And the Story Ends", le garçon est devenu un homme et s'est rendu compte de ses erreurs passées. Il commence donc une sorte de quête qui est une sorte de version futuriste de celle pour le Saint Graal. Du coup, on saura à la fin de l'album s'il décide de faire ce saut ou d'abandonner à nouveau.

Vingt ans ont aussi passé depuis la sortie d'Imaginations from the Other Side !

Oui, je fais plusieurs liens entre ces deux albums. A cette époque, la quête du Roi Arthur m'avait beaucoup inspiré, c'est aussi pour cela que j'ai décidé d'inclure cette quête du Saint Graal ici. Les notes de l'album expliquent aussi cela plus en profondeur. Le héros de l'album est un genre de Roi Arthur des temps modernes et l'un de ses traits de caractères est d'être modéré. Certaines chansons ont aussi des idées assez futuristes, comme "Encrypted Time", la première chanson sur laquelle on a travaillé pour Beyond the Red Mirror, qui est devenue plus tard "Ashes of Eternity". C'était André Olbrich [guitariste soliste] qui a trouvé le premier titre et du coup, en travaillant mes lignes de chant, j'avais cette idée d'"Encrypted Time" en tête. Quand le concept a commencé à prendre forme, j'ai décidé que temps devait être considéré comme un être vivant. Par conséquent, on peut abuser de lui, comme on peut abuser d'une personne. L'intention originale vient de là.

Tu es inspiré par la Légende du Roi Arthur. Y a-t-il d'autres mythes qui entrent en compte dans l'écriture de cet album ?

Il y a la mythologie chrétienne, l'idée de voyager dans le temps, le fait que le temps, qui est un personnage féminin dans l'histoire, manipule des créatures appelées technocrates pour arriver à ses fins. Cela fait référence à la cène [dernier repas de Jésus-Christ] au cours de laquelle le voyageur du temps vole le Saint-Graal et arrive à devenir Judas Iscariote. Il y a donc pas mal d'éléments de mythologie chrétienne, de mythologie grècque, ainsi qu'un peu de mythologie nordique. Il y a un certain nombre d'éléments qui nous sont familiers, comme les sirènes, la Méduse…

On se retrouve donc avec une histoire assez riche, qui part dans plusieurs directions. Comment as-tu fait pour lier tout cela ?

Je dirais qu'il y a une ou deux sous-intrigues également dans cette histoire, mais j'ai assemblé des éléments pour en faire une histoire. Cependant, les paroles doivent suivre la musique, c'est pour cela que les notes de l'album sont importantes pour avoir une vision plus profonde de l'intrigue. J'ai passé deux mois à plancher dessus, pour que tout soit clair sur ce point. J'ai juste travaillé par étapes  sur l'aspect musical et scénaristique à la fois. Les chansons ne sont pas présentées dans l'ordre chronologique, mais c'est un processus naturel, assez difficile à mettre en place, parce qu'il faut toujours coller aux idées musicales. André et moi avons eu de longues conversations pour décider quelle chanson serait la dernière de l'album, par exemple, du coup, j'ai mis du temps à finir l'histoire. Je laisse l'auditeur quasiment au même endroit où je l'ai laissé il y a 20 ans. Ce qui arrive ensuite n'est pas vraiment décrit dans les chansons, même si la lecture des notes permet une meilleure compréhension de la suite.

L'ordre de ces dernières est quand même important : Les deux premières ("The Ninth Wave" et "Twilight of the Gods") se concentrent sur un monde et son développement, la troisième et la quatrième ("Prophecies" et "At the Edge of Time") sur le héros et le fait de retrouver ses souvenirs, la cinquième et la sixième ("Ashes of Eternity" et "The Holy Grail") décrivent le monde du héros, les septième, huitième et neuvième ("The Throne", "Sacred Mind" et "Miracle Machine") décrivent la quête pour atteindre le Mirroir Rouge et la dernière ("Grand Parade") décrit la situation finale, où il se retrouve à nouveau devant le portail.

L'album a une histoire riche qui l'est tout autant que la musique. Faire un album varié était l'intention de départ ?

Non. Quand André a présenté "Encrypted Time", qui est devenu "Ashes of Eternity", j'ai tout de suite pensé à ce personnage féminin qu'est le temps, manipulé par ces créatures. Puis, quand Frederik Ehmke a présenté le titre "The Holy Grail", j'ai tout de suite pensé au Roi Arthur et sa légende, puis est venu le mythe de Jésus-Christ. C'est après quatre ou cinq chansons que j'ai trouvé le concept, sans trop en parler aux autres membres. On fonctionne comme ça, ils se concentrent sur leur travaille de musicien et je garde mes paroles pour les laisser dans le monde de Blind Guardian. Mais ça a posé problème quand on a commencé à discuter de l'ordre des chansons, comme je l'ai dit précédemment.

Tu as dû faire preuve de concision pour résumer tout ça.

C'était assez difficile de faire rentrer cette histoire dans une vingtaine de pages en arrivant en garder l'attention du lecteur. J'ai réussi à faire ça en allemand, que j'ai ensuite fait traduire. Le résultat est très satisfaisant, mais la traduction n'est pas littérale, mais je le sens bien !

Marcus  Siepen [guitare rythmique] m'avait dit qu'il avait écrit quelques parties. Parle-nous de l'implication de chacun dans la composition.

Marcus a écrit une chanson, mais je ne sais pas où il en est actuellement [rires] Nous avons travaillé dessus mais il n'est pas revenu vers moi, il a dû manquer de temps. Il a aussi une autre chanson, intitulée "Doom", qui apparaîtra sur l'édition limitée. C'est une chanson assez ancienne, qu'on avait commencé pour les sessions de Nightfall in Middle-Earth, qui a son petit lien avec le concept, je pense que les fans vont l'aimer. Fredrik a trouvé les idées de "The Holy Grail" et Charlie Bauerfiend [producteur] a eu une grande influence sur la coordination des arrangements orchestraux ainsi que sur l'intensité des chansons. On l'a d'ailleurs crédité pour la chanson The Throne, même si son travail s'étend à tout l'album. Matthias Ulmer, clavieriste, a composé précisément les parties l'orchestre en se basant sur les parties écrites par André. On a commencé à travailler avec lui sur At the Edge of Time et on l'a crédité sur "The Ninth Wave", sur laquelle il a joué un grand rôle. Tout le monde a joué son rôle, mais 90 % de la musique vient d'André et moi. Ca a toujours été comme ça, même si, sur nos quatre premiers albums, on travaillait beaucoup plus en groupe, mais le gros des idées venait quand même d'André et moi-même.

Vous aviez déjà inséré des éléments orchestraux dans votre album précédent, At the Edge of Time (2010), mais cette fois-ci, c'est bien plus intense. Étiez-vous plus confiants à ce sujet ?

C'est venu naturellement grâce à ça. Nous travaillons avec des éléments orchestraux depuis "Theater of Pain" [Somewhere Far Beyond – 1992] et nous avons toujours progressé par étapes avec cela. Parfois, on les met de côté pour les faire revenir ensuite au galop, comme sur "And Then There Was Silence" sur A Night at the Opera. Depuis cette époque, nous essayons de développer cet élément dans la musique de Blind Guardian, nous avons atteint un niveau assez élevé avec "Sacred Worlds" et "Wheel of Time" (At the Edge of Time), qui sont aussi un point de départ pour notre album orchestral à venir. Sur les chansons "Grand Parade", "The Throne" et "At the Edge of Time", l'aspect orchestral est donc venu naturellement, mais sur "The Ninth Wave", nous avons ajouté des élément orchestraux exprès à cette chanson qui appartient au monde classique de Blind Guardian, en y ajoutant des éléments dystopiques et plus agressifs pour un orchestre. Cet aspect sera encore perfectionné sur l'album orchestral, justement.

Concernant votre album orchestral, Marcus m'a dit que vous comptiez finir de l'écrire en même temps que Beyond the Red Mirror. Est-ce le cas ?

Pour l'écriture, nous avons déjà tout terminé, nous avons même écrit assez de musique pour faire un autre album orchestral ! [rires] On a même enregistré l'orchestre pour sept chansons. Il n'en reste plus que trois, plus mes parties vocales. Nous comptons finir tout ça cette année, lors de notre pause de tournée. J'espère que ce sera possible, parce qu'il faut que mon état physique soit optimal, ce qui n'est pas évident après deux mois et demi de tournée. On verra où on sera, mais le but est de tout finir en 2015. Ce sera du Blind Gardian classique en termes d'écriture, juste qu'il n'y a pas les instruments metal. Même si on fait tout pour donner un aspect heavy à l'orchestre. Côté voix, je reste dans mon registre habituel. Du coup, pour certaines chansons, on pourrait adapter les chansons à un univers metal, mais ce n'est pas l'intention première.

Si cela sied à un univers metal, comptez-vous jouer certaines parties de cet album en live ?

Oui, c'est l'idée. Si tout se passe bien, nous ferons au moins un concert avec un orchestre, en y incluant quelques chansons plus anciennes de Blind Guardian.

Après avoir passé toutes ces années à faire du metal, n'avez-vous pas un peu peur d'en sortir avec ce projet, même si la musique reste proche de ce qu'on est habitués à entendre ?

Je ne sais vraiment pas comment les fans vont réagir. La musique n'est pas très différente de ce qu'on fait sur "Wheel of Time" et "Sacred Worlds". C'est un défit à se lancer et c'est le meilleur moyen pour nous d'explorer de nouveaux territoires. En tant que chanteur, c'est aussi une chance de présenter ma voix d'une manière quelque peu différente. C'est même sain concernant l'avenir. C'est moins stressant de crier sur un orchestre que de crier sur des guitares amplifiées ! Ça peut être épuisant pour un chanteur de chanter avec un groupe. Je veux continuer le plus longtemps possible, du coup, il est important d'explorer de nouvelles possibilités musicales. Ça ne veut pas dire qu'on ne compte pas faire un gros album de metal après l'album orchestral, au contraire. Mais ça peut être une de nos option dans plusieurs dizaines d'années, quand je me tiendrai sur une cane ! [rires]

Si Beyond the Red Mirror et cet album marquent la fin d'une ère pour Blind Guardian, quels territoires comptez-vous explorer pour vos prochains albums ?

Cela dépend de la musique qu'il y aura à l'avenir. Pas que nous comptons faire du grindcore ou du metalcore, mais tout peut faire office d'influence, c'est à cause de ces groupes que des accordages bas sont populaires. Par exemple, sur Beyond the Red Mirror, il n'y a plus grand-chose de folklorique, alors que c'est un aspect important pour nous, sur "The Bard's Song" (Somewhere Far Beyond) ou "A Past and Future Secret" (Imaginations from the Other Side), du coup, ce serait une piste à explorer à l'avenir. Les nouveaux éléments arrivent toujours par coïncidence, je n'ai rien en tête pour l'instant et je ne pense pas qu'André ait quoi que ce soit non plus. On a mis tout ce qu'on avait pour Beyond the Red Mirror, on a écrit jusqu'au dernier moment et je pense qu'on y a dit tout ce qu'on avait à dire à ce moment-là. Il faut qu'on recharge nos batteries du coup.

Blind Guardian

Du coup, est-ce que vous vous laissez influencer par le metal moderne ?

Moi oui, mais je ne pense pas qu'André dirait la même chose. Lorsqu'on écrit, il essaie d'éviter d'écouter de la musique, pour ne pas trop se faire influencer. Pour moi, ça ne me pose pas de problème, parce que les chansons auxquelles je pense m'influenceraient tout de même ! Je ne peux pas oublier "Hey Jude" (The Beatles), "We Are the Champions" (Queen), "Heading for Tomorrow" (Gamma Ray) ou n'importe quelle chanson d'Iron Maiden. Et il en est de même pour des groupes plus récents comme Heaven Shall Burn ou Marylin Manson. D'autres groupes, comme Sanctuary ou Nevermore, m'infuencent toujours quand ils arrivent avec quelque chose de nouveau. Je ne vole pas de parties, ce que j'écris vient de moi, de ce que j'exprime personnellement. Il en est de même pour la littérature fantastique. Je ne veux pas raconter une fois de plus l'histoire de Bilbo le Hobbit, mais en exprimer mon ressenti. C'est la même chose pour la musique. Je prends l'influence quand elle vient, mais je ne vole rien.

Parlons de Demons & Wizards. Il y a 3 ans tu avais dit que vous vous étiez revus avec Jon Schaffer, qu'en est-il ?

Il y a 10 ans, je pensais qu'on sortirait notre album orchestral ! [rires] Je ne sais pas, on en a parlé plusieurs fois, on veut toujours, mais on a nos emplois du temps, en plus il a des problèmes de santé. Ensuite je serai en tournée, lui aussi, à peu près au même moment, puis il faudra qu'il fasse un nouvel album avec Iced Earth. Du coup, dire qu'on pourra faire quelque chose en 2017 serait optimiste !

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