Entretien avec le groupe franco-algérien Acyl

Doucement mais sûrement, Acyl tisse sa toile. Les Franco-Algériens et leur metal ethnique ont, depuis plus de trois ans, creusé leur trou et se sont taillés un nom sur la scène metal grâce à leur mélange recherché de prog, de stoner et de musiques orientales appuyées par des instruments traditionnels. Histoire, musiciens trouvés dans le Sahara et efficacité sont les fondations du dernier album du quintet : Aftermath. Loin de laisser place au hasard, Acyl veut, à plus ou long termes, emmener le plus de monde possible dans son désert et son univers. Rencontre avec la bande quasi complète dans un bar parisien...

Hello Acyl et merci pour l'interview. Après un Algebra convaincant, que représente ce deuxième album, Aftermath ?

Amine (chant): Nous avons déjà gagné plus d'expérience. Dans la manière de présenter les choses tout d'abord. Nous avons derrière nous de nombreux concerts en Europe et en Afrique du Nord. Par rapport à ces concerts, nous avons « remis à jour » notre façon de composer. Sur scène, nous avons dû réarranger la plupart des morceaux d'Algebra. Pour le deuxième, nous voulions que tout soit fidèle sur scène. Il y aura des réarrangent sûrement, mais pas autant qu'avec notre premier album.

Derrière, nous ciblons de plus en plus les sujets que nous traitons. Nous sommes plus précis et concis, sans être vagues, dans nos messages. Oui, je pense que c'est surtout de l'expérience.

Abder (guitare) :  J'ai rejoins le groupe en 2012 juste après Algebra, j'ai pris le train en route et je connaissais Amine depuis longtemps. L'essentiel a été dit par Amine. Effectivement nous avons été très attentifs à la retranscription de l'album à la scène. Avec Aftermath, je pense que nous sommes beaucoup plus directs. Personnellement, j'aime l'idée qu'il y ait un fil rouge dans cette production mais j'aime aussi l'idée que tu puisses écouter chaque titre séparément sans être perdu. C'était peut-être le côté un peu gênant d'Algebra, trop de pistes étaient dépendantes les unes des autres. Là, tu as neuf personnages et chacun à sa vision de ce qu'est l'histoire de l'Agérie.

Parlons un peu de la genèse d'Aftermath : vous avez énormément tourné entre 2012 et 2015. Quand avez vous trouvé le temps de l'écrire ?

Amine : En fait, nous avons un plan de carrière depuis plusieurs années. Nous ne faisons que développer ce plan de carrière avec ces objectifs musicaux tant au niveau des compositions que des paroles et des thèmes abordés. Tout est calculé depuis plusieurs années. Aftermath était décidé dans ces grands axes en 2008. Nous avons déjà une idée de ce à quoi ressemblerons les deux prochains albums. Concrètement nous avons attaqué ce deuxième album début 2013. Ce n'est pas facile de par la présence de nombreux instruments ethniques que nous avons dû aller chercher. Nous nous sommes baladés un peu partout en Algérie pour trouver des musiciens authentiques. L'écriture a également pris beaucoup de temps. Nous relatons des faits historiques, nous n'avons donc pas le droit à l'erreur. Nous avons obligations d'avoir des sources fiables. Le tout porté par cette volonté de faire un truc solide.

Abder : Et tout cela alors que nous avions beaucoup de dates à assurer. Donc il y a eu des pauses dans la conception de l'album, inévitablement. Nous n'avons pas chômé !

Question à cent points : pourquoi ce nom ? 

Amine : La « conséquence »... L'album parle de personnages historiques algériens. De l'antiquité à l'époque moderne. Nous essayons d'expliquer qui sont nos ancêtres, quelle est notre histoire, qu'est ce qui a fait que l'Algérie est ce qu'elle est aujourd'hui et qui nous sommes maintenant en tant qu'Acyl. Quel est la conséquence de l'existence de ces personnages.

Il y a donc plusieurs protagonistes notamment la reine mère des touarègues : "Tin Hinan", titre de la septième piste...

Amine : Elle vivait en Afrique du Nord et suite à plusieurs invasions, elle a décidé d'emmener son peuple dans le désert, dans le Sahara au pied d'une chaîne montagneuse du Hoggar. C'est une femme qui a décidé tout ça. Nous voulions mettre le doigt sur cette société matriarcale. Dans la société touarègue, c'est la femme qui possède les biens et prend les décisions. Nous voulions vraiment mettre en avant cette différence de culture.

Nous ne pouvons nous attarder sur tous les personnages d'Aftermath, mais j'aimerais parler d'Abd-El Kader, qui est au centre de "Son of Muhieddine" et qui est un nom important pour le peuple algérien...

Son nom remonte à la fin du XIXème, il luttait contre l'occupation française. C'est un homme qui avait trouvé la conciliation entre combats armés et respect de l'adversaire. Il se battait pour des causes qu'il jugeait nobles mais à côté il avait toujours un échange respectable avec ses adversaires. Notamment au niveau des chevaux, une passion qu'il échangeait avec le général français qui voulait en savoir plus sur les purs sang arabes. Il y avait cette curiosité de part et d'autre. Cela peut-être aussi un message anti animosité. Même des ennemis peuvent se respecter.

Je pousse la curiosité avec "Gibraltar"...

C'est un harangue, lorsqu'un général tient un discours à ses troupes avant d'aller à la bataille. "Gibraltar" c'est cet harangue tenu en 1333 par ṬÄriq ibn ZiyÄd qui a conquis l'Espagne et à qui l'on doit l'existence de l'Andalousie. D'après la légende, il a traversé le détroit sur des bateaux puis les a brûlés en déclarant « la mer est derrière vous, l'ennemi est devant vous. Soyez forts et pragmatiques ». C'était un guerrier berbères partit à la conquête de l'Europe avec ses guerriers. Il avait pour idée que le nombre n'était pas le plus important mais l'envie d'atteindre ses objectifs. Pour lui tout était une question de volonté.

NDLR : Amine me quitte pour répondre à une interview téléphonique, je suis rejoins par Reda (guitariste) et Sammy (bassiste fraîchement arrivé dans le groupe).

Merci pour le cours d'histoire, parlons maintenant musique. Peut-on revenir aux instruments traditionnels et ce qu'ils représentent pour Acyl ?

Abder : Nous avons ce concept de partir de musique traditionnelles algériennes. Chaque population, chaque région et chaque ethnies ont leur propre musique. Nous connaissons cette culture assez bien et pour chaque région nous sortons un titre en rapport avec cette ethnie. Un fois le morceau mis en place, nous l'agrémentons avec les instruments utilisés dans cette ethnie là. Soit nous le faisons nous même, soit nous allons chercher dans notre réseau des personnes qui maîtrisent vraiment ces instruments et qui peuvent amener ce côté authentique de cette musique traditionnelle. Nous avons beaucoup voyagé pour trouver certains musiciens.

Une démarche presque similaire à celle de Sepultura pour la composition de Roots. Ils avaient vécu en autarcie avec des tribus sud-américaines pendant plusieurs semaines...

Reda : C'est une peu ça oui (rires) ! Pour être clairs, la plupart des instruments viennent d'Algérie ainsi que du Niger. Nous faisons le déplacement à la recherche de l'authentique et les enregistrer sur place. Sur scène nous les jouons nous mêmes, au moins ceux que nous connaissons.

Abder : Amine est carrément parti dans un petit village du désert algérien avec son ordinateur et ses micros. La « confrontation » a été originale. Mais tout s'est pratiquement fait en one shot grâce à ses musiciens très talentueux. Je pense qu'il y a effectivement des faits communs entre notre démarche et Roots, mélanger son folklore local avec une musique aux antipodes comme le metal. Mais le mélange se fait très bien je trouve et nous avons aujourd'hui des possibilités bien plus grandes que dans les années 70, par exemple. Les frontières sont sans cesse repoussées maintenant.

Reda : Il faut aussi ajouter que nous commençons toujours par la partie traditionnelle, toujours. Ensuite nous trouvons les passages metal qui peut sublimer cette musique traditionnelle.

Sammy : Tu as un bon exemple avec « Finga », le début est de type Chaoui qui se marie bien avec le stoner sud américain.

Nous sommes d'accord pour dire que Aftermath s'avère bien plus direct qu'Algebra. Y a t-ils des groupes en particulier qui vous ont influencés ces derniers temps ?

Abder : le plan de carrière qui existe depuis toutes ces années a fait que beaucoup de titres ont été composés spontanément. Difficile donc de parler d'influences récentes. Les grandes lignes d'Aftermath ont été écrite alors que je n'étais pas encore dans le groupe. Après, dans les influences « générales » nous avons des groupes de tous bords : Tool, Meshuggah ou encore Nevermore.

Vous avez également ouvert pour bien des groupes de styles radicalement opposés. Je pense à Dagoba ou encore Dark Tranquillity. Des bons souvenirs ?

Abder : j'ai vraiment été impressionné lors de la tournée avec Dark Tranquillity qui est une de nos influences. Nous n'écoutions que ça aux débuts des années 2000. Pendant la tournée, il y a eu une véritable entente et une véritable fraternité qui sont nées. Ils ont partagé énormément avec nous et nous ont porté vers le haut et ne nous ont jamais pris de haut. Ils sont ultra-pro et carré et pourtant tellement simples et humains. C'était très impressionnant et enrichissant. Nous sommes désormais en contact et ils n'hésitent pas à nous aider.

Quel est la prochaine étape de votre plan de carrière ?

Abder : Nous savons que les gens parlent de nous, nous savons qu'ils nous aiment ou ne nous aiment pas. Mais d'une façon générale, nous savons que nous sommes appréciés. En plus du futur album, l'objectif est de parfaire notre jeu de scène et d'apporter quelque chose à ces personnes qui viennent nous voir. Plus d'éléments scéniques, plus d'artifices comme la vidéo. Cette reconnaissance, c'est vraiment une récompense de notre travail. Nous gardons un très bon souvenir du 5 mars 2016 au petit bain et voir toutes ces personnes, cela faisait chaud au cœur.

Reda : Le groupe ne s'arrêtera pas après les deux prochains albums. Nous savons où nous voulons aller avec ce concept. La question c'est « doit-on l'élargir ou va t-on changer d'orientation musicale ». A priori, nous devrions l'élargir. Nous ne savons pas non plus si nous allons chercher des instruments traditionnels autres qu'en Algérie et au Maghreb. Il n'est pas exclu que nous fassions appel à d'autres cultures.

Reda, tu es là depuis le début en 1998 et quand Acyl a pris ce nom en 2006. Un regard sur votre parcours ?

Abder : J'étais là aussi au début (rires) !

Reda : Oui ! Je précise que Abder est un ami de longue date, c'est un ami qui est au courant de nos idées depuis le début. Le bilan ? Nous sommes heureux que tout se déroule comme nous le voulions. Nous sommes redescendus sur terre dans les années 2000 quand nous sommes arrivés en France et nous avons réalisé que faire de la musique ici n'était pas facile (rires) !  Amine et moi sommes arrivés depuis l'Algérie en 2003 et toujours cette idée de plan de carrière. Ce n'était pas facile au début, mais le bilan est encore une fois très positif.

Abder : Acyl est pour nous tous une aventure humaine et nous avons fréquenté des groupes de tous horizons. C'est ce message que l'on veut délivrer : le metal et la musique sont une aventure humaine et qui a été vraiment fructueuse.

Sammy : Pour ma part, je confirme cette aventure humaine même si je suis tout jeune dans le groupe. Je suis également algérien et ça me fait très plaisir de mélanger la musique traditionnelle de mon pays. J'aime vraiment lorsque nous sommes sur scène et quand je me demande comment les gens vont réagir face à nos instruments ethniques. Et la réactions est toujours positive !

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