Myles Kennedy, chanteur et guitariste d’Alter Bridge

« On a dû se faire confiance et faire des compromis afin d'évoluer d'album en album. Cette confiance mutuelle est, je pense, ce qui porte ses fruits aujourd'hui. »

À l'occasion de la sortie du nouvel album d'Alter Bridge, The Last Hero, nous avons rencontré Myles Kennedy, chanteur et guitariste de la formation. Ce dernier nous parle de la conception de cet album un peu particulier, des messages qu'il souhaite y faire passer, sans oublier d'aborder son travail avec le légendaire guitariste des Guns N' Roses, Slash. 

Merci Myles de nous accorder cette interview. Comment te sens-tu à l'approche de la sortie de The Last Hero ?

Myles : Très bien. Sortir un album est toujours excitant, on se demande toujours ce que les fans vont en penser, on espère que ça va leur plaire. On sent tout de même un poids sur nos épaules, car nous avons beaucoup travaillé dessus. C'est un peu comme à l'école, lorsque c'est le moment de rendre un devoir au prof et que c'est à lui de noter et de déterminer si c'est bon.

Un thème jalonne l'album : celui du héros. Vous approchez ce thème de façon très différente en fonction des morceaux. D'où est venue l'idée ?

Myles : À vrai dire, le concept de héros m'intéresse depuis un moment. J'ai par exemple toujours été attiré par les écrits de Joseph Campbell, au sein desquels on retrouve de nombreux parcours héroïques. Beaucoup d'artistes, comme notamment George Lucas, le créateur de Star Wars, ont été influencés par ces histoires. Beaucoup d'éléments que l'on retrouve dans Star Wars viennent de là. J'ai toujours été intrigué par cela, et il m'a semblé que c'était le bon moment d'en parler. À la fois afin de se questionner et savoir où se trouvent les héros, mais également afin de rendre hommages à certains d'entre eux.

Et pourquoi appeler l'album The Last Hero ? N'est-ce pas un peu pessimiste ?

Myles : Ce morceau clôt l'album d'une belle façon. On me demande souvent qui est « The Last Hero ». Je pense que c'est vraiment quelque chose de propre à chacun, en fonction du ressenti de l'auditeur. A mon avis, c'est un morceau très important au sein de ce nouvel album, qui aide aussi à comprendre son cheminement, c'est pour cela qu'il en est devenu le titre.

Vous avez conservé vos habitudes pour l'écriture de cet album ?
 

Myles : Oui, on a nos méthodes à nous pour écrire. J'en parlais justement avec Slash il n'y a pas très longtemps, car nous faisons vraiment les choses de façon très différentes quand il s'agit d'écrire. Par exemple, lorsqu'on travaille ensemble, c'est lui qui écrit la musique et je dois ensuite trouver les mélodies à placer dessus. Avec Alter Bridge, Mark et moi écrivons chacun de notre côté. On n'écrit pas des morceaux entiers, je vais par exemple écrire un refrain, un riff ou une intro. J'adore écrire les intros, je ne sais pas trop pourquoi, mais ça m'amuse. On se retrouve ensuite pour tout mettre en commun, voir ce qu'on peut faire. Tout le monde doit réellement se sentir investi dans le projet de façon égale. Personne n'arrive jamais avec un morceau complet, que tout le monde apprend à jouer ensuite. C'est en tout cas ce qui fonctionne pour nous.

Et concernant l'enregistrement ?

Myles : Pour l'enregistrement, on s'est amusé, mais c'était vraiment beaucoup de travail. On a été bien conseillé. Nous nous retrouvons généralement pour la pré-production, dans une assez grande pièce, on travaille les riffs, les morceaux. On commence par enregistrer la batterie, ensuite la basse est placée par dessus. Mark prend généralement la suite avec ses parties de guitare. Ensuite je m'occupe de mes parties de guitare, du chant, puis les morceaux sont mixés. On a toujours suivi ce processus, ça n'a pas changé pour cet album !

Le titre d'ouverture, « Show Me A Leader », a été inspiré du climat politique actuel aux États-Unis ?

Myles : Oui le morceau est évidemment une référence au grand bruit politique de notre pays. C'est un morceau qui a également été mal compris par pas mal de gens. Ce n'est pas un titre qui porte un message politique, c'est plus l'expression d'un sentiment qui s'empare, il me semble, de beaucoup de personnes. L'idée d'une véritable désillusion. À mon avis ce n'est pas récent, ça a commencé il y a 40 ans dans notre pays avec le scandale du Watergate, au moment de la présidence de Richard Nixon. Un jour tout le monde s'est réveillé en réalisant qu'on ne pouvait plus croire en tout ce qu'on nous disait, tout ce qu'on nous promettait. Tout ne peut pas être accepté, c'est ce qui transparait au sein de ce morceau.

« Show Me A Leader » possède une intro aux traits hispaniques, d'où est-ce que ça vient ?

Myles : Oui, mais en fait ça vient de Seattle (rires). J'étais malade lors d'une tournée avec Slash. C'est vraiment frustrant d'être malade sur une tournée où tu dois chanter. Je vis pour cela, il n'y a rien que j'aime le plus au monde que d'être sur scène. Du coup j'étais un peu déprimé, je jouais de la guitare dans ma chambre d'hôtel et cette intro est née ce soir-là. Finalement je suis assez content d'être tombé malade à ce moment (rires).

Il s'agit également du premier single de l'album, est-ce que pour toi il résume l'esprit de The Last Hero ?

Myles : Selon moi, ce morceau introduit très bien l'album, en termes d'intensité. C'est également ce qui résume le mieux ce qu'est devenu notre son, avec cette intro notamment, et le fait qu'elle contraste pas mal avec le reste du morceau.

D'autres titres se démarquent, comme « My Champion ». Tu peux nous expliquer l'histoire de ce morceau ?

Myles : Oui c'est un morceau particulier sur cet album, tout comme « You Will Be Remembered ». C'est un genre de morceau qu'on a pu faire au début. On n'en a pas fait durant un moment, et il semblerait que ce soit quelque chose qu'aiment les fans donc on s'est penché dessus. L'histoire de ce morceau vient de moi, me remémorant comment je me sentais enfant. Ce n'est pas forcément une période facile, j'étais petit, j'étais un peu plus lent que les autres enfants. Comme beaucoup, je me sentais différent, mais pas qu'un peu. C'était étrange. Beaucoup de jeunes ressentent ça, se sentent bizarre par rapport aux autres, ça fait aussi partie de l'adolescence. Ma mère m'encourageait à passer outre, elle me parlait beaucoup. Ce morceau est un peu le résultat de tout cela. Lorsqu'on écoute ce morceau on a presque l'impression qu'il se place du côté d'un parent qui essaie d'encourager son enfant. En tout cas, j'en suis tout particulièrement heureux.


Il y a d'autres morceaux sur cet album qui ont une signification aussi forte pour toi ?

Myles : J'aime beaucoup « Cradle To The Grave », qui est pleine d'émotion tout en gardant un côté heavy. Malheureusement ma mère est tombée malade au moment où on faisait l'album. Du coup, j'ai pas mal réfléchi pour les paroles, à ce sujet, sur le temps qui passe, les parents... Ils ne seront pas toujours là, il faut réussir à vivre avec cette idée. En fait au moment où j'enregistrais les paroles pour ce morceau, on pensait que ma mère allait guérir. Elle est malheureusement décédée. C'était un moment très dur à vivre et ça apporte quelque chose au morceau pour moi, car c'est une vraie émotion.

Comment tu perçois l'évolution du groupe, de One Day Remains à The Last Hero ?

Myles : Au Etats-Unis on a le terme de « shotgun wedding », qui fait référence à un mariage forcé suite à une grossesse imprévue, donc à quelque chose qui est un peu précipité. On a eu un peu ce soucis avec One Day Remains, le groupe n'était formé que depuis quelques mois, on avait de très bonnes chansons de côté et on a décidé de les enregistrer. Quand est arrivé Blackbird, le processus a changé, c'est devenu une véritable collaboration. On a dû se faire confiance et faire des compromis afin d'évoluer d'album en album. Cette confiance mutuelle est, je pense, ce qui porte ses fruits aujourd'hui. C'est quelque chose que nous avons gardé et amené à un certain niveau.

Depuis vos débuts, vous écrivez des morceaux assez optimistes, qui semblent s'adresser aux fans et leur donner toutes sortes de conseils. C'est quelque chose que vous vous imposez ?

Myles : C'est bien que les gens puissent récupérer un peu de ces morceaux dans leur vie réelle. Mais je ne veux pas que nos morceaux soient trop moralisateurs, c'est un risque lorsqu'on écrit de cette façon, et ça me fait un peu peur. En réalité quand j'écris ces morceaux, je les écris pour moi. Je travaille constamment sur moi-même, pour gagner en confiance. Je ne suis pas le genre de mec qui va se lever le matin, se regarder dans le miroir et se dire qu'il est génial. Ce n'est pas moi. Ce n'est pas facile tous les jours, c'est parfois dur de monter sur scène, ou autre, il faut se motiver. Tout le monde doute, se questionne. J'écris des notes à moi-même et ça m'aide, soir après soir. Ça m'aide aussi à voir la vie du bon côté et à ne croire en rien d'autre que moi-même. C'est le plus important.

Pour en revenir à la thématique des héros, en tant que musicien, vous aidez les gens par le biais de votre musique. Est-ce que vous vous considérez comme tel ?

Myles : Non je ne dirai pas ça. Pour moi un héros est quelqu'un qui fait quelque chose d'important.

Pour vos fans, je pense que ça l'est.

Myles : Ça reste du divertissement. La musique est faite pour rendre les gens heureux, leur faire oublier pour un moment leurs problèmes. La musique a un grand pouvoir. Mais pour moi un héros est réellement quelqu'un qui met sa vie en danger pour les autres, comme un pompier par exemple. Ça c'est un héros. Moi je suis juste le mec qui se met derrière une guitare et fait bouger les gens durant quelques heures. C'est important aussi mais... Grosse différence (rires).

Tu joues avec Alter Bridge et Slash, tu prépares également un projet solo. Comment te débouilles-tu pour partager ta créativité entre ces différents projets musicaux ?

Myles : Vu que ce sont des projets très différents, au final ce n'est pas si compliqué. Aucun des projets ne va dans la même direction. Quand je passe de l'un à l'autre, c'est quelque chose de nouveau. La musique que nous faisons avec Alter Bridge a quelque chose de plus épique, tandis qu'avec Slash c'est quelque chose de plus rock'n'roll, basique. C'est différent.

Tu n'as pas la même façon de travailler en fonction des projets du coup ?

Myles : C'est ça, une manière différente de travailler et de créer. Slash écrit la musique, m'envoie tout ça et j'écris les paroles là-dessus. Avec Alter Bridge c'est ce travail entre Mark et moi qui créons des morceaux à partir de petits bouts de musique que nous assemblons. C'est naturellement une façon différente de créer de la musique.

Au niveau des paroles, il y a des thèmes que tu abordes ou non en fonction du groupe avec lequel tu es ?

Myles : Oui, il y a aussi ça. En fonction du genre de musique qui est joué, je ne m'imagine pas les mêmes paroles, les mêmes histoires. Avec Slash, je ne pense pas écrire un morceau comme « Cradle To The Grave », avec ce degré d'introspection. Ça ne fonctionnerait tout simplement pas dans ce contexte. Et d'autres paroles ne fonctionneraient pas du tout avec Alter Bridge. Par exemple « Dirty Girl » est typiquement un morceau qui ne me viendrait pas naturellement, je peux le faire, mais ce n'est pas mon truc à la base.

Qu'elle est la chose la plus importante que tu as pu apprendre en travaillant avec un musicien comme Slash ?

Myles : C'est sa façon de travailler. Il répète ses morceaux un nombre incalculable de fois. Même si on se sent prêt à jouer, lui va continuer de travailler. Il joue tellement ses morceaux, qu'une fois sur scène il les sort vraiment naturellement, les chances de se tromper deviennent alors très faibles. C'est vraiment quelque chose que j'ai pu remarquer et que j'ai appris en jouant avec lui.

Tu vas entamer une grande tournée avec Alter Bridge pour la sortie de l'album, mais quels sont tes projets après ça ?

Myles : C'est encore un peu tôt pour le dire mais j'ai mon projet solo en attente depuis un moment, je pense que ce serait le bon moment pour lui faire voir le jour. Ensuite, je ne peux pas dire ce qu'il se passera avec Slash, j'attends de voir ce qu'il se passe.

Merci beaucoup Myles. Est-ce que tu as un dernier mot à dire aux lecteurs de La Grosse Radio ?

Myles : J'adore vraiment ce pays, et au début quand on commençait à tourner on nous disait qu'il y avait des pays où ça pouvait ne pas prendre et où le groupe serait moins bien accueilli. Et j'ai toujours souhaité qu'on nous apprécie en France, pour qu'on puisse y revenir (rires). Donc merci beaucoup de venir nous voir en concert, d'aimer ce qu'on fait et de nous faire sentir que nous sommes les bienvenus ici. On est très honoré que vous nous aimiez, nous reviendrons tant que vous viendrez nous voir en concert !

 

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