Jérémy Cantin-Gaucher, batteur de 7 Weeks

"J'espère continuer à évoluer artistiquement et avoir toujours quelque chose à dire"

Quelques jours avant la sortie de A Farewell to Dawn, le quatrième opus de 7 Weeks, la Grosse Radio s'est entretenue avec Jérémy Cantin-Gaucher, batteur de la formation, pour en savoir un peu plus sur la conception de l'album, ainsi que les projets du groupe Limougeaud.

Salut Jérémy et merci à toi de nous accorder cette interview pour La Grosse Radio. 7 Weeks est actuellement en promotion pour la sortie de A Farewell to Dawn. Avec quatre albums en dix ans, comment avez-vous abordé ce nouvel opus ?

Cet album est arrivé pendant une période un peu spéciale. Nous avions arrêté de tourner pendant près de huit mois, ce qui n'était jamais arrivé depuis les débuts du groupe. Cela fait toujours un peu bizarre de ne plus avoir de dates de programmées. Manu, notre claviériste depuis 2011, a quitté le groupe après la dernière tournée pour se consacrer à sa famille. Du coup, c'est toujours compliqué de perdre un membre du groupe, même si dans ce cas là, c'était convenu entre nous. Nous nous sommes retranchés, Julien (Bernard, chant et basse NDLR) et moi, pour composer l'album à deux. C'est une chose que nous n'avions jamais faite jusqu'ici, même si nous avions amené la plupart des idées sur les albums précédents. Avant, nous avions toujours impulsé les idées principales avec Julien qui avait le rôle de directeur artistique en quelque sorte. Mais nous répétions en groupe et nous avancions comme cela. Là on a vraiment fait les choses à deux, avec un processus de maquettage important, puisque nous n'étions qu'en basse/batterie, puis il a fallu construire par dessus. C'était une démarche très intéressante qui nous a demandé beaucoup de programmation, ce qui a poussé encore plus le côté synthétique de notre son que nous avions commencé à développer depuis 7 Weeks Plays Dead of Night. Le fait de se retrouver à deux, ça a bien marché. On a réussi à faire une bonne synthèse de ce qu'a vécu le groupe jusqu'alors et on s'est bien affranchi des influences des débuts pour créer notre propre musique.

Par rapport à ce processus de composition qui a été différent, est-ce que c'était volontaire de modifier votre approche par rapport aux précédents albums ? Y avait-il des choses que vous ne souhaitiez plus refaire ?

L'idée de base pour la genèse de l'album, c'est que nous voulions mettre en avant la batterie, la basse et le clavier, en laissant la guitare en fond pour enrober le tout avec des arrangements et des textures sonores. Nous voulions mélanger ce côté post-stoner (comme les gens nous ont toujours qualifié de la sorte, ne sachant pas trop dans quelle case nous mettre) avec le côté synthétique qui est je pense l'une des particularité du groupe. C'était vraiment l'idée de base. Après, nous ne voulions pas faire de titres à rallonge comme nous avons pu écrire dans le précédent. On voulait faire concis avec des titres catchy.

Justement, il y a ces titres très courts qui servent d'interlude sur l'album.

Oui, et ils servent à lier le tout.

La production est une partie non négligeable de votre empreinte sonore. Comment parvenez-vous à forger ce son en studio ?

Pour cet album, nous avons travaillé avec Francis Caste, du studio Sainte-Marthe, qui a produit Hangman's Chair, The Arrs, Bukowski... Nous avions déjà entendu son travail auparavant, sur des musiques globalement plus dures que la notre. Le courant est très bien passé avec lui. En venant chez lui on savait à quoi nous attendre, à savoir avoir un gros son. Mais on lui a également demandé de faire de la réalisation artistique et il a été très présent pour insuffler des idées de chant à Julien. En studio, Julien a enregistré les guitares et les basses, puisqu'il a toujours composé à la guitare avant tout. Au niveau du son nous avons fonctionné avec les références que nous avions déjà sur les précédents albums et que nous avions déjà travaillé au fil des tournées. Et par dessus cela sont venues se greffer les idées de production de Francis. Il a cherché le gros son tout en gardant les idées de textures que nous lui avions proposées. Comme pour cet album nous avions réalisé beaucoup de maquettes, nous avions déjà de nombreuses idées de production et de réalisations sonores plus abouties que les autres fois.

Du coup, comment allez-vous appréhender le live pour recréer ces textures sonores en concert ?

C'est le travail que nous faisons actuellement. J'utilise déjà beaucoup de samples et de boucles, car il y en a déjà beaucoup dans la composition de base. "The Ghost Beside me" par exemple s'est créé avec un pattern de batterie acoustique mélangé avec des charley électros. Je joue sur des éléments de batterie acoustique et électronique. Après, nous allons adapter les titres. Un morceau comme "January" n'a pas de basse en studio. Mais en live on va l'adapter avec une basse jouée par Julien. C'est tout un travail d'adaptation que nous sommes actuellement en train de réaliser.

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Le titre qui donne le nom de l'album, Farewell to Dawn, est un interlude assez court et atmosphérique plutôt expérimental. Pourquoi avoir choisi ce morceau pour nommer le CD, sachant qu'il n'en est peut-être pas le plus représentatif ?

Justement, on le trouvait représentatif de l'ambiance générale de l'album. Et puis je trouve que le nom "A Farewell to Dawn", ça fait un bon titre de disque.

C'était aussi un moyen de vous démarquer en choisissant un morceau qui n'est pas le single de l'album ?

Oui, il y a un peu de ça aussi. On essaye de ne pas faire les choses qui sont attendues par le public, pour se démarquer.

A propos de votre style musical, vous êtes toujours à la frontière entre différents styles, un peu de prog, un peu de metal et de stoner... Est-ce que c'est une volonté de votre part de brouiller les pistes, et est-ce que cela vient naturellement lorsque vous composez ?

Quand on compose on ne se pose pas la question du style. On sait qu'on aura une base rock, avec des guitares saturées et une batterie qui tape, puisque ce sont nos influences premières. On essaye avant tout de faire de bonnes chansons. Ce qui est le plus dur ! (rires). Après on ne se force pas, on essaye de faire notre musique du mieux que l'on peut. C'est assez naturel et instinctif, même si cela demande beaucoup de travail pour mettre le tout en forme. On n'a pas de formule précise.

Et puis, je suppose qu'il y a toujours une volonté de votre part de ne pas refaire la même chose ?

Oui, on essaye. Mais on est forcément influencé par l'ambiance qu'il y a autour de toi lorsque tu composes, ce que tu vis d'un point de vue personnel, ce que tu as vécu. On reste quand même dans du 7 Weeks, en essayant de différencier les formes.

On va parler un peu de l'artwork, qui est particulièrement réussi. Qu'avez-vous souhaiter exprimer avec ce test de Rorschach ? La pochette de A Farewell to Dawn est-elle un clin d'oeil à celle de Carnivora, elle-même conçue de manière symétrique ?

On n'a pas forcément voulu faire passer un message avec le test de Rorschach, et ce n'est pas non plus un clin d'oeil à Carnivora, ni pour la symétrie, ni pour la tête de cerf mort. C'est vrai qu'elle ressemble à celle de l'animal qu'il y avait sur Carnivora, que j'appelais le "Gnoupion", car il me faisait penser à un mélange de Gnou et de Scorpion ! (sourire). Concernant les similitudes entre les deux pochettes, nous nous en sommes aperçus après. On a travaillé avec un illustrateur du nom de Lionel Londeix. Nous n'avions jamais travaillé avec lui. On lui a envoyé l'album, en lui disant qu'il y a avait le thème de l'aube, les histoires de soleil qui se couche. C'est pour cela qu'il y a les tons orangés sur la pochette, qui évoquent à la fois l'aube et le crépuscule. Lionel nous a proposé plusieurs choses et nous nous sommes mis d'accord sur celle-ci. En plus, il nous a proposé un disque avec un fond blanc, ce qui changeait et nous a séduits.

Nous évoquions précédemment "January" qui a fait l'objet d'un clip. Comment avez-vous choisis ce titre et comment s'est déroulée l'expérience de tournage ?

On a hésité entre trois titres pour réaliser le clip. Il s'avère que "January" est pour nous le plus singulier par rapport à ce que nous avons fait auparavant. Nous avions envie de surprendre et d'aller à l'encontre de ce que les gens pouvaient éventuellement attendre.

Pourtant ça n'a pas été le premier morceau que vous avez dévoilé.

C'est vrai, nous avons été plus classiques sur le premier morceau, "Kamikazes", puis nous avons diffusé "The Ghost Beside Me" que nous aimons beaucoup. Pour "January", c'était vraiment une volonté de présenter quelque chose de différent. Pour le tournage, on a travaillé avec des gens différents. On s'est beaucoup rencontré en amont et nous voulions du noir et blanc, pour rappeler le livret qui est également en noir et blanc. C'est important pour nous qu'il y ait un lien entre la vidéo, l'artwork et la musique. Pour l'instant, il me semble qu'on y arrive pas trop mal. Pour en revenir au clip, le tournage a été plus rapide que pour les autres car nous avons fait trois heures de prises live dans une salle et l'équipe de tournage avait de son côté déjà tourné la partie fiction. Lorsqu'on a vu les prises, elles étaient quasiment montées. Ça a été assez simple et rapide.

Vous partez en tournée dans quelques jours et serez de passage à Paris début décembre. A quoi les spectateurs devront s'attendre sachant que la tournée coïncide avec les dix ans du groupe ?

Nous n'allons pas faire de référence aux dix ans. Pour la date à Paris, on sera en support de Lydia Lunch, qui a une esthétique totalement différente de la notre mais dans laquelle on peut se retrouver. Ce qui a amené le tourneur à nous rapprocher, c'est tout le côté atmosphérique. Du coup, il y a des chances que l'on axe le set sur ces ambiances et sur les claviers, en laissant les morceaux les plus rock au second plan. On verra.

Ces différentes facettes de votre musique vous permettent-elles justement de vous adapter à un public différent? Je pense notamment au fait que vous ayez tourné en compagnie d'artistes différents comme Suicidal Tendencies, Mass Hysteria, et fait des festivals comme le Hellfest et le Printemps de Bourges.

Pour Suicidal oui, on a joué avec eux plusieurs fois, mais c'est un sacré challenge car on s'est retrouvé face à un public fan hardcore. Il y a un grand écart stylistique car on a du mal à nous mettre dans des cases. C'est ce qu'aiment les programmateurs chez nous, même si c'est aussi un désavantage. Nous on peut nous voir sur un concert et sur un autre, nous jouerons des choses différentes et mettront en avant une autre facette de notre personnalité. C'est une force aussi, notamment cette alternance. Mais ça peut être casse gueule aussi car les gens aiment ou n'aiment pas !

Pour toi l'éclectisme et la diversité musicale sont-ils des éléments essentiels pour un groupe, sachant que de nombreux artistes s'enferment dans un genre et n'en sortent pas ?

Tu sais, AC/DC est un groupe que j'adore, ils font la même chose depuis 35 ans, mais c'est AC/DC, l'un des meilleurs groupes du monde. Nous, on aime bien se remettre en question, tester des choses. Mais il n'y a pas de recette. On est fans de Motörhead aussi, ils ont beaucoup fait la même chose, mais ils ont des putains de chansons. Dans notre discographie, on n'a pas de choses incohérentes, sauf peut-être notre EP, Bends, car il est né à la campagne dans une grange, sans rentrer en studio. On faisait du blues et des choses hybrides. On ne referait pas cela aujourd'hui mais on ne s'est pas posé la question de l'insertion dans la discographie. Après, le lien c'est toujours le même, c'est le chant de Julien avec son timbre à lui. C'est le principal compositeur également donc il a sa patte. Dans ce dernier album, il y a des morceaux très différents mais il y a une unité dans l'ensemble.

Cette année marque les dix ans du groupe. Quel souvenir marquant retiens-tu de cette décennie et qu'envisagez-vous pour la suivante ?

J'en garde un paquet de souvenirs, mais on a eu pas mal de galères également. Pour t'en citer un, on avait joué le ciné concert pour 7 weeks plays Dead of Night. C'était instrumental principalement. On avait joué une date au Forum des Halles à l'Etrange Festival. Il y avait 500 places assises, c'était complet avec une certaine tension dans la salle. Ça nous demandait une rigueur d'exécution énorme et j'ai un super souvenir  de la performance et de la réaction. Après, j'ai adoré joué sur la première partie de Suicidal Tendencies à l'Elysée Montmartre, alors que le groupe n'était fondé que depuis quatre ans. On était devant le public hardcore de Suicidal, c'était risqué. Pour les dix prochaines années, j'espère continuer à évoluer artistiquement et avoir toujours quelque chose à dire. Mais là on se projette dans les mois à venir, et dans l'idée de défendre l'album sur scène.

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Vous jouez à la fois dans des petites salles et devant un public énorme dans les festivals. Est-ce que tu arrives dans le même état d'esprit quel que soit le public qui est en face de toi ?

Entre le festival et le club, c'est vrai qu'il y a une sacrée différence. Mais ce n'est pas dans les festivals que nous avons tourné le plus, même si on a fait le Hellfest. Pour un groupe comme 7 Weeks, en plus on passe généralement dans les premiers, donc c'est chouette parce qu'on n'a rien à prouver et on a juste à faire notre truc. Après j'aime bien les clubs car je pense que les musiques rock ont été créés dans ces endroits là. Mais on ne prépare pas les concerts de la même manière, c'est sur et certain, ce n'est pas la même énergie. Dans un club de 150 personnes en tête d'affiche, les gens sont là pour toi. Sur un festival généraliste, tu te retrouves à être la caution rock du programmateur, entre de la chanson française et de l'électro et le lendemain tu te retrouves en première partie de Suicidal Tendencies ou sur un festival metal entre des groupes de grindcore. Donc on s'adapte, et on essaye surtout de faire nos concerts de façon sincère.

Je te laisse le mot de la fin pour les lecteurs de la Grosse Radio.

L'album A Farewell to Dawn est disponible depuis le 21 octobre. Pour ceux qui connaissent 7 Weeks je pense que vous ne serez pas déçus. Bougez-vous au concert et on espère que ça continuera !

Merci à Roger Wessier
Interview réalisée à Paris le 19 octobre 2016.
Photos promos : DR

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