Entrevue avec le groupe Boisson Divine (20.10.2018) au Beermageddon Fest

...Si on te demande, qu’est-ce que c’est la « bite », et bien tu diras « la bite, c’est la vie » (la vita, c’est la vie)...

(Voir la conclusion de l'interview pour une petite leçon de prononciation du Gascon).

A l'occasion de leur passage au Beermageddon Fest du 20 octobre dernier, les membres du groupe Boisson Divine se sont prêtés à une interview. Comme pour le concert, la bonne humeur et une certaine dose de chaos et d'esprit festif régnait autour de la table. 
 

Thomas : On est entrain de déguster un vin, un Becut. Pour un groupe qui s’appelle Boisson Divine, je pense que vous collez à votre concept jusqu’au bout. Je suis désolé de commencer par une question aussi simple...

Baptiste Labenne: … Alors le groupe a commencé en 2005 (rires).

Thomas : Oui, tu peux y aller. Vas-y, il y a des gens qui ne vous connaissent pas malheureusement, ce qui est une grave erreur. Présentez-vous…

Baptiste : On va laisser la parole à notre trésorier-batteur…

Thomas : … Qui connait tout par cœur ?

Adrian Gilles : Oui, parce que je suis trésorier-batteur et membre co-fondateur du groupe et un peu légitime au niveau de la parole… Boisson Divine est un groupe qui nait sur les bancs du collège, entre Baptiste et moi car nous étions collégiens ensemble dans le petit village de Riscle et on s’est vite rendu compte qu’on avait des goûts musicaux en commun. Il était guitariste, moi batteur et on s’est mis à jouer de la musique ensemble tous les deux dans la chambre, chez nos parents. On a installé une batterie et puis on faisait des reprises de Maiden, des classiques, on jouait ce qui nous intéressait et très vite, même jeune, on a eu cette envie de composer, de faire autre chose que des reprises. Et ensuite, ça a été un enchaînement de beaucoup de choses qui sont difficilement explicables en quelques minutes. Disons que le côté Gascon, le côté trad a suivi notre évolution dans l’adolescence, dans cette région de France où l’on vivait et où l’identité était très forte. En fait, on s’y est vite intéressé et on s’est rendu compte que quelque soit le plan, historique, musical, culturel, il y avait tellement de choses qui représentaient notre quotidien, qui nous animaient et qu’on avait envie de retransmettre par la musique. Donc ça a pris naturellement un virage vers le trad et le metal qui nous unissait à la base.


Baptiste : Grosso modo, pour faire un petit débroussaillage de Boisson Divine, ça date de 2004-2005 quand on était collègien, et après les instruments trads sont arrivés petit à petit.

Thomas : A la base, vous êtes tous metalleux ?

Ayla : Pas du tout !

Thomas : Cinq sur six, c’est quand même pas mal.

Ayla : Cinq trois quart aujourd’hui, mais au début je n’étais absolument pas.

Thomas : Je vous ai vu la première fois au Ragnard Rock Fest en 2016, ensuite au Cernunnos, puis ici au Beermageddon. A chaque fois, vous êtes un petit peu à part sur l’affiche, clairement.

Ayla : Clairement.

Thomas : Là aujourd’hui, peut être encore plus que les autres jours. Alors, est-ce que Boisson Divine est l’avenir du black metal ? (rires)

Adrian : Tu vois à notre réaction que non !

Baptiste : En un sens, on a réussi à révolutionner le black metal si je puis dire. En fait, on a pris tous les codes du black metal et on les a renversés. C’est-à-dire qu’on n’utilise pas de double pédale, pas de pyrotechnie, pas de chants extrêmes, pas de corpse paint. C’est une prouesse technique assez remarquable, il faut le souligner.

Adrian : C’est une musique qu’on écoutait Baptiste et moi. J’étais un gros fan de Dissection pour ma part. C’est une musique qui nous animait. On est légitime dans ce qu’on fait. On veut juste parler de notre culture, de nos traditions, de la terre dans laquelle on est né, dans laquelle on vit. C’est tellement intéressant, que naturellement on s’est tourné vers le trad, qui est aussi merveilleux que le metal. On ne sait jamais si ça plait aux gens, mais on s’est dit, on aime la musique, on aime la tradition, et bien on va faire les deux. On est très fan de heavy metal de l’ancienne époque, et du coup, ça se ressent un peu dans nos compos.

Baptiste : En fait, il n’y a pas de concept. On ne s’est jamais dit qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on prend. On s’est contenté de mixer tout ce qu’on aimait, le heavy metal, la musique traditionnelle, le chant polyphonique. On a tout mixé ensemble et faire des trucs qui sont poilants à faire. Ce n’est jamais gagné d’avance, mais on ne s’est jamais dit est-ce que c’est cohérent, est-ce que ça peut marcher. Ce n’était pas calculé, on a toujours foncé tête baissée en se disant on adore ça, on joue ça.

Thomas : C’est pour cela que lorsqu’on voit un concert on passe du chant polyphonique, avec des passages heavy et qu’au final, une reprise de Judas Priest passe très bien et que ça bouge, et que le public accroche. A chaque fois que je vous ai vu, le public a accroché immédiatement, même si avant votre entrée sur scène, ce n’était pas forcément très vivant, malgré le style très différent.

Baptiste : Au Ragnard Rock, on était les premiers à jouer.

Thomas : Oui, mais ça a accroché. J’ai surtout retenu le premier circle pit Gascon que j’ai vu de ma vie, qui était quand même bien là. Ce n’est pas donné à tout le monde d’ouvrir comme ça. Je le dis très sincèrement.

Baptiste : Une petite remarque, par rapport au public metal, on est en position centrale, on peut faire ce qu’on veut. Si on fait un riff plus metal, on peut faire un riff un peu plus extrême, on peut faire moins ou plus. C’est pour ça qu’on fait une reprise de Judas Priest qui soit cohérente avec des morceaux plus trad.

Adrian : C’est génial cet exemple de Judas Priest. En fait, c’est ça Boisson Divine. C’est de là qu’est né le groupe. On joue Judas Priest sur scène, on fait une chanson pour le final, on se régale car on adore ce groupe. Mais on entend la flabute, une flûte traditionnelle que l’on ne trouve qu’en Gascogne, de la cornemuse, cette chanson on l’a fait à la sauce Boisson Divine. En toute humilité, c’est pour ça que les gens aiment le groupe. Ça met le feu. Ça nous fait plaisir de jouer ça, et qu’on on voit que la mayonnaise elle prend, du coup c’est génial.

Thomas : Vous avez fait combien d’heures de route par exemple aujourd’hui ?

Ayla : Huit !

Adrian : Aujourd’hui, vingt minutes, mais hier, huit heures !

Thomas : Toujours en ayant la patate, visiblement !

Ayla : Non, non, non, j’assume. J’étais complètement KO hier soir.

Thomas : Ça tombe bien, car justement ma question suivante c’était : la flabute ? Qu’est-ce qui pousse une jeune fille à un moment donné, à se dire : « tiens, je vais jouer de la flabute » ? C’est une flûte à trois trous traditionnelle Gasconne. Pourquoi ?

Ayla : Quand j’étais petite, on m’a mise à l’école Calendreta à Pau. C’est une école où l’on met l’Occitan en avant.

Baptiste : Ce n’est pas une langue enseignée, mais une langue enseignante. Les mathématiques, l’histoire…

Ayla : Tout est en Occitan. Et un jour, on m’a dit, tiens, pendant la récré, je te prête une flûte. C’est un professeur qui m’a dit ça, si ça te plait, je te donnerai des cours. Ça a commencé à cinq ans. Je me suis dit « waouh ! Ça me plait trop, je vais au Conservatoire ». Et puis c’est parti. Et du coup, je n’ai jamais arrêté.
 


Adrian : Le cas d’Ayla est intéressant. Ce n’est pas juste une fille qui s’est dit j’ai envie de faire de la flûte traditionnelle. C’est plein de détails de sa vie. La flûte, c’est un détail. Elle parlait français, elle parlait gascon, elle maîtrisait le chant polyphonique, elle joue du tambourin à cordes, c’est génial. Nous, on n’a pas eu cette chance-là, car la région du Sud-Ouest où l’on vit, c’est moins évident de rentrer dans une école bilingue. La flabute, c’est un des détails de la vie d’Ayla. Je trouve ça génial, pour un jeune qui se lance dans la vie.

Baptiste : Finalement, elle est issue du milieu trad pur et dur et elle retrouve dans un groupe de folk metal avec des mecs qui font du rugby.

Ayla : Je ne me suis jamais sentie aussi bien.

Baptiste : C’est ça qui est génial, ces choses-là, on ne va pas les chercher ailleurs, on a tout à disposition chez nous.

Ayla : Quand tu as demandé tout à l’heure si on écoutait tous du metal, quand je t’ai dit non, c’est que moi de base, je suis vraiment trad. Je n’ai fait que ça dans ma vie, je n’écoute que ça, j’allais à tous les bals possibles étant enfant.

Pierre : Elle jouait dans un groupe aussi.

Ayala : Oui, j’ai joué dans un groupe aussi, avec tambourin, vieille à roue… Je me suis lancé dans ça, mais j’ai toujours trouvé que dans cette musique-là, il manquait quelque chose. Il manquait de la dynamique, il manquait de la guitare. J’ai rencontré Pierre, et je me suis dit, c’est quoi ce milieu de malades, pourquoi ils gueulent comme des fous, pourquoi tous les mecs ont des cheveux longs. C’est quoi ça ? Quand j’ai vu Boisson Divine, c’est le premier groupe que j’ai aimé par-dessus tout, dont je suis devenue complètement fan. Qui me disait que plus tard j’allais l’intégrer ?

Thomas : Et les autres ? Clairement, ce n’était pas juste pour avoir une jolie flûtiste ? C’est vrai qu’il y a beaucoup de groupes qui font du folk metal, je vais citer Eluveitie ou des groupes de ce genre, qui se sentent presque obligés de mettre une nana qui attire l’œil du public.

Baptiste : On va dire que là, elle faisait un mètre cinquante, la moustache et une verrue sur l’œil.

Ayla : Voilà, on me met vraiment en valeur…

Adrian : On va dire que c’est une évidence, dans le groupe, on est six membres, et il y en a quatre qui viennent du même village. En fait, on n’est pas aller la chercher, ça s’est fait automatiquement. Elle est jolie, d’accord, mais tant mieux, on n’est pas allé chercher quelqu’un. Il se trouve que Baptiste avait besoin d’un instrument trad, il y avait Pierre à la cornemuse, et du coup, Ayla s’est bien intégrée. Il n’y a pas eu de calcul.

Baptiste : Il faut être honnête, c’était un projet totalement irréfléchi au départ. On a évolué un peu ensemble. A un moment donné, on avait de quoi faire un disque. On l’a sorti en 2013, on ne s’attendait à rien. On faisait vraiment ce qui nous plaisait. C’était très amateur, même au niveau technique d’enregistrement, on n’y connaissait vraiment que dalle. On a commencé à avoir des avis de partout, on ne s’y attendait pas du tout. Et le truc était dithyrambique à chaque fois. On a commencé à nous solliciter pour faire des concerts. L’album était impossible à reproduire à deux. On ne pouvait pas reproduire cette musique, qui n’est pas ultra complexe, mais il y a beaucoup de choses dedans. On a reçu des demandes de concerts, et à chaque fois, on disait qu’on ne pouvait pas le faire car on n’était pas assez. Et au bout d’un moment, au bout d’une dizaine, on s’est dit, « putain, on est des cons, on n’a pas pensé à ça ! ».

Adrian : Ça résume vraiment tout l’esprit Boisson Divine. On s’est formé en 2005, et le premier CD est sorti en 2013. Ça parait énorme. Ce n’est pas qu’entre temps on a cherché à faire un groupe, c’est qu’on ne s’est jamais dit on va faire un CD et puis des concerts. On faisait de la musique parce que c’était cool ce qu’on faisait. On a enregistré ça sur Guitare Pro, sur plusieurs pistes, et on envoyait ça à nos familles, aux copains du rugby, c’était cool et on rigolait. En 2013, on s’est dit qu’on allait quand même faire un CD. Au début, on recevait des mails, et on se les renvoyait en se disant « ils sont cons eux ! » (rires) Les gens croyaient qu’on faisait des concerts, alors qu’on a sorti ça comme ça. Et après on s’est dit, au fait, pourquoi pas, ça a l’air de plaire.


Baptiste : On s’est mis en recherche de musiciens pour pouvoir vraiment faire les concerts. Ce n’était pas une volonté de départ, mais en fait, on était con de ne pas y avoir pensé.

Adrian : Quand on cherchait des musiciens, on n’a jamais cherché quelqu’un en particulier. Par exemple, Lucas, j’étais au collège avec son grand frère, on savait qu’il était guitariste et qu’il jouait au rugby, mais on ne se côtoyait pas trop. Finalement, il est venu, on fait une répèt et on s’est dit putain il est trop bien. Il correspond vraiment, on joue dans le même club et on a le même esprit et tout. Ensuite, le bassiste, c’était mon frère, Pierre, c’est lui qui nous a trouvé.

Pierre : A l’époque, j’étais surtout en recherche de sonneurs de cornemuse parce que j’entretenais un groupe sur Facebook qui s’appelait metalheads bagpipers qui regroupe des sonneurs de cornemuse de partout dans le monde. C’est un réseau en fait, c’était juste histoire de discuter et je suis tombé sur Boisson Divine complètement par hasard puisque Baptiste joue aussi. Je leur ai écrit en disant que j’aimerai bien rencontrer le sonneur de cornemuse. En fait, le boomerang m’est revenu dans la tronche puisqu’on m’a dit « écoute, on cherche un sonneur de cornemuse ». Donc, j’ai rencontré Baptiste, on a joué un peu ensemble et il m’a dit « est-ce que tu veux rejoindre le groupe » ? A ce moment-là, j’avais trop de projets en cours, et je lui ai dis que je n’avais pas le temps. Baptiste m’a donné le CD et m’a dit d’écouter, on ne sait jamais. J’ai pris le CD, je l’ai mis dans la voiture, j’ai dû faire 400 m et je me suis arrêté sur le côté, j’ai pris le téléphone et je lui ai dit, OK, c’est bon, je suis dedans ! Ça s’est vraiment passé comme ça. (rires)

Baptiste : Tout s’est fait naturellement, c’est le frère, c’est le village, …

Thomas : Le Destin ?

Baptiste : C’est le Wyrd, comme dirait Himminbjorg. (Note : Baptiste a participé à cet album et aussi sur scène).

Thomas : Vous avez sorti un album en 2013. Il y en a un autre qui sort prochainement puisqu’il y a eu une nouvelle chanson qui a été présentée toute à l’heure pendant le concert ?

Adrian : Et il y a le deuxième album qui est sorti entre temps en 2016. Il y a le troisième qui sort… L’année prochaine…

Thomas : Tous les trois ans, c’est un bon rythme. Il y a un titre déjà ou c’est une surprise ?

Baptiste : C’est une surprise. On avait pensé à dix ans d’amour dans les bras d’un manchot … Non, le titre de l’album, on verra. On le dira quand on aura trop bu. (rires)

Thomas : Est-ce qu’on peut vous voir prochainement ?

Baptiste : Oui, on va jouer en Bretagne historique. A Vallet, pour la première édition du festival Lid ar Morrigan. Ils font un festival orienté pagan folk, il y aura Finsterforst, Aephanemer, Gorgon, Dur Dabla, Infinityum et Boisson Divine… C’est le 17 novembre à la salle Champilambart à Vallet dans le 44. Pour être précis !

Thomas : Pour terminer, je pose cette question à tous les groupes. C’est une question simple et difficile à la fois, et vous n’allez pas forcément avoir la même réponse chacun.
Pour vous, en 2018, Boisson Divine, c’est quoi ? En un mot.

Adrian : Tu poses à tous les groupes « Boisson Divine, c’est quoi ? »

Thomas : Non, j’ai peut-être quelques variantes… (rires) En un mot… Je tolère deux dans les langues comme le Gascon.

Baptiste : Amic.

Ayla : Famille.

Baptiste : Palaumaries.

Thomas : Ah, il va falloir traduire…

Baptiste : Oui, mais est-ce que tu sais ce qu’est une palombe ?

Thomas : Oui, je sais ce que c’est. C’est comme une dinde, mais en pigeon. (rires)

Pierre : Ah j’ai un mot. La « bite » (vita). C’est la vie en Gascon.

Thomas : Alors, « bit » ?

Baptiste : Non. Vita, mais le « v » se prononce « b » en Gascon et le « a », une sorte de « e » qui reste dans la gorge.

Pierre : Le metal, c’est la vita.

Thomas : Je crois que c’est une des plus belles conclusions qu’on peut avoir.

Adrian : Si on te demande, qu’est-ce que c’est la « bite », et bien tu diras « la bite, c’est la vie » (la vita, c’est la vie).
 

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Merci à Lucas, qui s'est emparé de mon appareil photo pendant l'interview... Avec toutes mes excuses pour avoir omis quelques phrases de certains membres du groupe, dans la discussion très vivante et parfois sonore, autour d'un verre de Bécut issu de la production de Baptiste et d'un floc !
 

Thomas Orlanth

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