Entretien avec Yngwie Malmsteen

C’est dans un hôtel du centre Londonien que nous avions rendez-vous avec un des dieux de la 6 cordes, le Suédois Yngwie J. Malmsteen pour discuter de sa carrière et de son actualité, notamment de la sortie de son nouvel album « Blue Lightning » le 29 mars prochain. Le maestro nous accueille d’un check amical du poing et a répondu pendant 30 minutes à nos questions de façon humble, ouverte et avec une grande sympathie (oui vous lisez bien, exit les préjugés, ce mec est tout simplement cool…).

Yngwie, tu as sorti tes premiers disques dans les années 80 avec les groupes Steeler et Alcatrazz pour former ensuite ton propre groupe Rising Force. Cela représente plus de 25 albums studio depuis le premier album de Rising Force en 1984. Comment arrives-tu à trouver l’inspiration au bout de presque 40 ans de carrière ?

C’est une excellente question, je pense que la clé pour moi est de toujours improviser, même quand je vais sur scène. Il y a deux ans, j’ai sorti un album live, Spellbound live, le premier jour était à Miami et le second à Orlando et si tu écoutes, les solos sont complètement différents, les intros aussi, alors que ce sont les mêmes chansons. Je n’arrive pas sur scène avec un set préconçu et c’est ce qui rend les choses à la fois excitantes, mais aussi risquées et dangereuses. Et en studio d’enregistrement, c’est la même chose, je me lève le matin, je fais une prise, et si la prise n’est pas super, je ne refais pas de prise, et j’en refais une parfois un mois après seulement… je ne veux pas faire des prises et prises après prises, … Parce que c’est ça qui tue l’inspiration. Pour moi le feeling est la chose la plus importante, même si les gens disent que je recherche la technique, mais c’est faux.

Tu essaies donc de toujours garder cette spontanéité dans tes enregistrements ?

Oui tout à fait et c’est difficile de faire ça en studio. En live tu as des milliers de gens, je ne sens pas de pression, mais vraiment de l’excitation.

Tu as souvent parlé de tes principales influences comme Jimi Hendrix ou encore Ritchie Blackmore, mais également dans un registre classique, Paganini, Bach, Vivaldi. Pour toi, quel style a le plus influencé ta musique et ta façon de jouer ?

Bonne question encore ! J’ai écrit un livre à ce sujet, il s’appelle « Relentless » tu peux le trouver sur Amazon. Ça a commencé dès la première seconde de ma naissance, mais je vais essayer de te donner une version raccourcie de tout ça. J’ai une ma première guitare à mon 5 ème anniversaire et j’ai commencé à en jouer quand j’avais sept ans et j’en ai eu envie après avoir vu Jimi Hendrix casser sa guitare sur scène à la télévision. A cette époque, je n’entendais pas sa musique, j’ai juste été inspiré par la vision de ce qu’il faisait, et donc je me suis dit, jouer de la guitare et casser des guitares ce sera mon truc. Et à mon 8 ème anniversaire, j’ai acheté l’album Fireball (de Deep Purple - ndlr) et j’ai appris à jouer tout ce qu’il y avait sur cet album. J’avais 10 ans et je savais tout jouer cet album.

En faisant une synthèse je me suis dit « c’est tout, c’est terminé ? » et alors du coup j’ai acheté un album de Genesis qui s’appelle Selling England by the pound et c’est plein d’accords diminués, avec une influence baroque et en même temps j’écoutais tous les disques de ma mère, BachVivaldi, Tchaïkovsky, Mozart, … et j’écoutais ça tout le temps… maintenant tu gardes ça en tête et tu remets ça dans le contexte : un stack Marshall, une machine à fumée et une double grosse caisse, tout est présent et ensuite tu rajoutes les notes blues du rock'n'roll, et là alors sont arrivées les gammes diminuées, les gammes mineures harmoniques. Ensuite, j’ai vu un jour un violoniste russe à la télé jouer du Nicolo Paganini et après ça je n’ai pas arrêté d’écouter les 24 caprices et en particulier le numéro 5 (il chante la mélodie) et du coup je voulais le jouer à la guitare… j’avais 12 ans. Ensuite quand Rainbow donnait des concerts dans le coin, j’allais les voir jouer parce que je voulais voir ce que donneraient des albums comme Rainbow Rising, mais j’avais 12 ans. Donc au final, la musique, n’est pas vraiment une balance de rock ou de classique, c’était 100% classique et Paganini. Et ce qui m’excite le plus avec le violon, c’est la technique, le vibrato, et c’est ce que je voulais rejouer avec ma guitare (il chante le printemps de Vivaldi). Mais au-delà de tout ça, le blues ne m’a jamais quitté, mais ça n’a jamais été ma base, ma base c’est ce que vous appelez le néo-classique, mais pour moi c’est juste de la musique classique.

Je sais que tu aimes les voitures et conduire… Yngwie coupe…

Pas les voitures, les Ferrari, il y a une grosse différence ! Une voiture, c’est bien, une Ferrari c’est comme vivre les choses, il n’y a rien de mieux, bellissima ! Une Porsche, une Bentley, c’est pas aussi bien…

OK, donc tu es dans ta Ferrari, et imaginons qu’un CD est bloqué dans l’autoradio et tu ne peux écouter que ce disque, préférerais-tu que ce soit un disque de rock ou de musique classique ?  et lequel ?

Ouah, ça ne doit pas être super plaisant… je peux pas répondre à cette question, c’est trop difficile… en ce moment dans ma voiture j’ai le Requiem de Mozart, je pense pas que je le laisserais pour toujours, mais c’est vraiment magnifique.

On te demande souvent quelles sont tes influences, mais on parle plus rarement du fait que tu es un pionnier et que tu as toi-même influencé des milliers de guitaristes. Tu fais partie des guitaristes avec une signature musicale aussi bien niveau du son, de la technique et du song writing avec ton style neo-classique, l’utilisation des gammes mineures harmoniques, des modes phrygiens, des gammes diminuées… Beaucoup essaient d’imiter ton style sans forcément y arriver. Quels conseils donnerais-tu aux guitaristes pour développer leur propre identité musicale, faire « pousser leur propre moustache » comme dirait Mattias Eklundh de Freak Kitchen (« grow your own moustache ») ?

Yngwie se marre sur le « grow your own moustache » … c’est hilarant ! Il y a énormément de paramètres qui entrent en jeu, mais une des choses les plus importantes à faire, est d’être unique et « unique good » parce que tu peux être « unique bad », il y a des tas de gens qui te disent « Je suis unique », ouais OK mec, mais c’est nul… tu peux aussi faire des trucs à la Kurt Cobain avec juste une note, c’est cool, mais ce n’est pas cette approche qu’il faut prendre si tu veux développer un style, un son et une approche complètement uniques. Ce que j’ai fait, c’est écouter des guitaristes, et ces guitaristes écoutaient d’autres guitaristes, etc… par exemple si tu écoutes Allan Holdsworth, le saxophone (Holdsworth était bien un guitariste de jazz-fusion mais il préférait le son du saxophone à celui de la guitare ce qui a largement influencé son style - ndlr), personne ne sonnait comme Holdsworth, juste lui. Je pense que mon style est unique car ma plus grosse influence est le violon classique, je sais que ça parait bizarre. Donc toutes les fois où les gens me copient, ce qu’ils ne font pas, c’est prendre l’intégralité de la « formation Kung Fu », ils n’apprennent pas le blues, ils n’apprennent pas les accords, les progressions, … avant d’apprendre à courir, tu apprends à te mettre debout, puis à marcher, puis tu cours. Il y a un manque d’expression, un manque de choix de notes, un manque de vibratos, … 

Je ne me moque de personne, je trouve ça cool qu’ils essaient, mais j’essaie d’expliquer pourquoi ils ne peuvent pas être ma copie. Tout le monde essaie de copier quelqu’un, mais il faut apprendre le voyage complet. Les gens sont surpris que je joue du blues, mais c’est normal, le blues est arrivé en premier, mais c’est super important pour être musicien il faut connaitre l’improvisation, la composition, la tonalité, le choix des notes, tu dois connaître toute la théorie. Quand je compose de la musique classique, j’écris toutes les notes de tous les instruments, les cuivres, les cordes, les bois… et pour mes albums de rock c’est pareil, j’écris tous les instruments, même les lignes de chant… je dis au chanteur tu dois chanter ces notes, c’est d’ailleurs sûrement pour cela qu’ils ne durent jamais longtemps, car ils ne comprennent pas cela, l’importance pour moi de ce que j’ai écrit. Et tout ça c’est super important, je joue de la batterie, je joue du clavier, je chante, je joue aussi de la basse, mais pas comme un guitariste, comme un vrai bassiste. Tu dois apprendre ces innombrables facettes de la musique, pas juste une seule, pas juste le shred sur ta guitare. Et je sais que c’est ce pourquoi je suis célèbre, jouer rapidement, etc.. ce qui est vrai, je joue des trucs rapides, mais c’est plus profond que cela. Pour moi c’est une chose très naturelle, je n’ai pas besoin d’essayer d’être d’une certaine façon, j’ai pas besoin d’être comme quelqu’un, c’est mon luxe, j’ai le luxe de ne pouvoir être que moi et c’est une expression naturelle et honnête. Si tu essaies de réfléchir à ce que tu devrais faire ou sonner comme quelqu’un, c’est une mauvaise chose. C’est une bonne chose d’être inspiré par quelqu’un, et c’est aussi bon d’apprendre de quelqu’un, pour t’amener un à certain niveau de technique, de savoirs en musique classique et en musique en général.

J’ai appris à jouer les disques que j’écoutais à la note près, c’était un bon apprentissage, mais j’ai  délibérément pris un virage à 90 degrés, ce qui a été simple à faire car la dextérité était déjà là. Donc il y a des gens qui me copient, ce qui est flatteur pour moi, et tout le monde doit essayer, tout le monde doit apprendre, et s’ils y trouvent de la satisfaction alors c’est une bonne chose. Donc pour développer ta propre moustache, ou tes propres rouflaquettes (faisant référence à son visage – ndlr), c’est difficile à faire, c’est un long voyage et c’est très rare.

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- Tu as un nouvel album, Blue Lightning, qui va sortir le 29 Mars chez Mascot sur lequel tu nous livres 12 pistes, 8 reprises et 4 compositions. Peux-tu nous parler de la genèse de cet album et de la façon dont tu as choisi les titres ? Est-ce que pour toi ce nouvel album est un peu dans la lignée de l’album Inspiration sorti en 1996 ? 

C’est une approche complètement différente de l’album Inspiration, parce que j’ai construit mon studio d’enregistrement en 1995 et je voulais le tester, alors j’ai enregistré quelques musiques, c’était une sorte de soundcheck, un peu comme une blague… même si j’ai eu du plaisir à le faire. Pour celui-ci c’est différent, je l’ai enregistré en plusieurs fois entre mes tournées. Je n’aime pas trop dire que ce sont des reprises. Ce n’est délibérément pas des reprises, tout d’abord parce que les versions originales sont déjà superbes, et cela n’aurait pas de sens de vouloir les refaire sonner pareil. Pour moi c’est une sorte d’hommage, j’adore ces chansons, je me permets de les emprunter et de les rejouer comme si c’était mes chansons. Et je ne peux même pas imaginer les faire autrement. Mais toujours dans l’esprit blues. Et par exemple le titre ''Blue Lightning'' est composé dans une approche très blues notamment dans la progression des accords.

Tu nous as déjà montré que tu aimais le blues et que tu savais le jouer (par exemple le morceau « Blue » sur l’album Alchemy). Penses-tu qu’il est plus facile d’exprimer ses sentiments sur du blues que sur du hard rock ?

Non. Tous les soirs sur scène je joue l’adagio d’Albinoni (il chante), tu ne peux pas avoir plus d’expression… ou encore le morceau "Blue", ou encore la mélodie de "Top Down, Foot Down"… il n’y a pas de différence, il y a ces notes sur des modes pentatoniques, mais toutes les notes sont  exprimées, c’est tout ce qui compte peu importe le style.

Il y a des reprises de groupes pour lesquels on connaissait ta passion comme Deep Purple, Jimi Hendrix. Tu nous as déjà surpris il y a quelques années en reprenant ''Dream On''  d’Aerosmith ou encore ''Gimme Gimme'' de Abba, et maintenant avec des reprises des Beatles et des Rolling Stones est-ce une sorte de challenge ?

Je pense que tu fais référence au communiqué de presse. Ce que j’avais essayé de leur dire, j’étais chez le dentiste ou un truc comme ça, mais ils ont pas compris… Ce que je voulais dire, c’est qu’il y a des morceaux comme "Purple Haze" ou "Foxey Lady", que j’ai joués des millions de fois. Il y a des chansons que j’ai entendues à la radio ou à la télé que je trouvais géniales, mais je ne les avais jamais jouées sur scène ou même jouées tout court, je ne les avais jamais chantées non plus. Donc ce que j’ai fait, par exemple pour le morceau des Beatles, j’ai écouté sur YouTube les différentes versions, celle des Beatles, celle de George Harrison, … et ensuite j’ai enregistré le backing track aves la progression d’accords, d’ailleurs le pont a une progression d’accord qui semble sortie du contexte mais qui en réalité est vraiment cool et chanter là-dessus c’est vraiment cool, je me suis vraiment amusé. Il y a donc pas mal de chansons que je n’avais jamais jouées. Je n’avais jamais chanté "Demon’s eye" non plus et c’est vraiment cool, j’adore cette chanson.

Depuis quelques années tu enregistres pratiquement tout toi-même et en particulier le chant. Quelles libertés supplémentaires cela t’apporte t’il ? est-ce que c’est pour toi un nouveau challenge ?

Oui, sur cet album j’ai tout joué sauf la batterie. J’ai le luxe d’avoir mon propre studio, alors j’enregistre quand je le sens et si je ne le sens pas, j’attends un autre jour. Je suis d’ailleurs super excité de rentrer chez moi demain car je reçois une nouvelle console de mix, je vais pouvoir enregistrer des nouveaux trucs pour l’essayer ! Je travaille un peu en studio comme ferait un peintre, tu commences à mettre une couche, puis tu reviens dessus. Parfois tout ce que je fais c’est écouter les accords, et ensuite je fais une seule prise… en général il n’y a qu’une seule prise. Et si ça ne me convient pas, je laisse et je réessaie une nouvelle prise quelques jours plus tard. Et donc c’est vraiment un luxe. En plus mon ingénieur du son a installé le studio de manière à ce que je n’ai qu’à appuyer sur un bouton, et tout se met en route, j’ai juste à allumer l’ampli, pas besoin de faire des patchs et tout le bordel… juste pour le chant mon ingé son vient car c’est plus pratique, mais tout le reste je peux faire tout seul, et ça me plait.

Tu chantes aussi sur cet album et c’est le cas sur plusieurs de tes anciens albums. Est-ce pour toi plus simple pour la composition, une liberté supplémentaire, une évolution normale ou tout simplement un challenge supplémentaire ?

J’ai toujours chanté, c’est un truc que je fais depuis les années 80, mais j’ai eu envie de pousser de plus en plus mes limites, aller vers des trucs plus compliqués. C’est une super plus-value, mais c’est beaucoup de travail, encore plus quand t’es en tournée… faut boire du thé… faut pas trop parler… mais j’aime bien beaucoup parler…

Avec la sortie de l’album fin mars, tu vas sûrement tourner, des dates aux US déjà annoncées, y a-t-il des dates prévues en France et en Europe ?

Je sais pas, il faut que je vois avec mon agent, ça ne dépend pas de moi, ça ne dépend pas de mon manager, c’est l’agence de booking. Je ne choisis pas les concerts que je fais, mon manager gère tout ça, mais j’ai hâte de savoir.

Tu possèdes plus de 150 guitares, quel conseil me donnerais-tu pour que ma copine arrête de dire que je possède trop de guitares ?

Wow (rires), c’est un signe… tu sais, moi je suis un collectionneur, je collectionne les montres, les armes, et je ne sais pas combien j’en ai, mais j’en ai jamais assez. Je ne pense pas que ce soit un problème, d’avoir beaucoup de guitares, mais il faut les jouer… tu les joues ? t’as quoi, des strats ? (petite discussion sur les guitares… ndlr).

Veux-tu rajouter un mot pour tes fans français ?

J’espère venir jouer en France dès que possible, ça me manque vraiment. Merci beaucoup ! (en français).

Interview: Alexandre Harlé

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